Covid-19 et finances locales : Toulouse "sacrifie" la 3ème ligne de métro pour préserver ses impôts

Avec plus de 300 millions d'euros de pertes financières pour la Ville de Toulouse, Toulouse Métropole et le réseau de transports en commun Tisséo d'ici 2022, les élus locaux n'ont d'autre choix que d'adapter leur plan d'investissement sur la période 2020-2026 pour surmonter la crise de la Covid-19. Ainsi, comme d'autres projets, la troisième de métro est reportée (sans surprise) à fin 2028, en parallèle d'une stabilité des impôts locaux. Décryptage.
La troisième ligne de métro de Toulouse retardée face à la Covid-19.
La troisième ligne de métro de Toulouse retardée face à la Covid-19. (Crédits : image non contractuelle Alstom/rcp)

"L'impact de la crise Covid-19 sur les finances de la métropole toulousaine", tel était le thème de la conférence de presse convoquée en dernière minute, lundi 14 décembre, par Toulouse Métropole et son président Jean-Luc Moudenc. Après des mois d'incertitude et alors que la crise sanitaire et économique est encore loin de son terme, des premières projections ont ainsi pu être établies.

"La perte de recettes financières, et consolidée pour Toulouse Métropole, la Ville de Toulouse et le syndicat Tisséo (autorité régulatrice des transports en commun, ndlr), est évaluée à 154 millions d'euros pour l'année 2020, puis 114 millions en 2021 et 58 millions en 2022", dévoile Sacha Briand, vice-président de Toulouse Métropole et adjoint au maire de Toulouse en charge des finances.

Soit 326 millions d'euros. Un trou d'air frappant mais qui, néanmoins, ne peut surprendre. Entre les plans de soutien à l'économie locale comprenant exonérations fiscales pour les commerces de proximité, les bars et restaurants, des délégations de service public qui n'ont quasiment rien rapporté, le coût des protocoles sanitaires dans les écoles par exemple et les pertes de recettes financières en raison notamment de la chute de fréquentation sur le réseau de transports en commun Tisséo dès le mois de mars, ces données chiffrées prennent tout leur sens. Dans le détail, rien que le versement transport, une taxe payée par les entreprises d'une agglomération selon leurs effectifs, est le symbole d'une quatrième ville de France avec son premier moteur économique à l'arrêt, à savoir l'aéronautique. Sur cette ressource financière, les pertes vont dépasser les 30 millions d'euros, chaque année, jusqu'en 2022 compris.

Lire aussi : Le Covid-19 va-t-il faire payer à Toulouse sa dépendance à la filière aéronautique ? Enquête.

Pas de hausse d'impôt, mais...

Dans un tel contexte, quelles sont les options à disposition de Jean-Luc Moudenc, le maire (LR) de la Ville rose ? Augmenter les impôts locaux comme en 2014 et 2015, quelques semaines après son élection et en corrélation avec les baisses de dotation de l'État à l'époque ?

"La crise a déjà fortement impacté le pouvoir d'achat de nos ménages. Dans ce contexte, la hausse des tarifs de Tisséo ou bien des impôts locaux, il en est hors de question ! Nous respecterons notre engagement électoral de stabilité fiscale globale", balaye d'un revers de main l'élu.

Lire aussi : Municipales : Moudenc promet la stabilité fiscale aux entreprises

Cette décision est logique au regard des années passées. Lors des précédentes élections municipales, en 2014, l'édile, alors candidat au Capitole, avait tenu la même promesse sans pouvoir la respecter. Durant tout le mandat qui vient de s'achever, avant sa réélection en juin dernier, Jean-Luc Moudenc avait traîné cette décision politique comme un boulet politique, sans cesse rappelée par ses opposants.

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Cependant, s'il promet une stabilité sur la taxe foncière et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, tout comme la CFE et la CVAE, il ne me ferme pas la porte à une hausse de la taxe d'aménagement et l'instauration d'une nouvelle taxe, la taxe GEMAPI.  "Nos services travaillent pour bâtir une nouvelle trajectoire budgétaire permettant la réalisation des investissements prévus et nécessaires", a même confirmé Jean-Luc Moudenc.

... une troisième ligne de métro retardée

Dans ce cas, hormis l'option de la réduction des investissements et donc l'annulation de projets, un troisième choix s'impose naturellement.

"J'ai demandé aux équipes à ce que les grands projets, qui coûtent le plus cher, soient étalés dans le temps, et non pas retardés, sur le mandat qui vient de débuter et le prochain", a ainsi déclaré l'élu dans une prise de parole solennelle.

Dès lors, sont concernés par ce calendrier prolongé la rénovation de l'Île du Ramier, le Grand Projet de ville qui consiste en une rénovation des quartiers dits prioritaires, la Cité de la Danse à la Reynerie, la Cité de la Musique dans l'ex-prison Saint-Michel, la Cité de la Danse à La Grave, et la troisième ligne de métro de Toulouse.

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"Nous réaliserons la troisième ligne de métro en une seule fois (...) Mais pour concilier sa réalisation avec des capacités financières amoindries sur les prochaines années, nous décalerons sa mise en service à la fin de l'années 2028, contre initialement fin 2025. Nous n'assécherons pas les finances de Tisséo et de Toulouse Métropole pour respecter ce calendrier de 2025 (...) C'est le choix de la sagesse et du bon sens", justifie Jean-Luc Moudenc, tout en précisant que la ligne B sera prolongée jusqu'à Labège au cours de l'année 2026.

"Un non-événement" pour Archipel Citoyen

Si, dans les faits, cette prise de parole a eu l'effet d'une bombe médiatique, en réalité ce n'est que l'officialisation d'un report acté depuis bien longtemps. Au mois de septembre déjà, Jean-Luc Moudenc, en déplacement au MEETT, le nouveau parc des expositions toulousains, avait reconnu "qu'il y aurait un décalage", dans la mise en service de la troisième ligne de métro. Puis, dans une interview accordée récemment à La Tribune, le maire avait fait part de sa volonté de lancer le chantier avant la fin de l'année 2022.

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Avec un tel délai, il était impossible de tenir une mise en service d'ici fin 2025. D'ailleurs, cette annonce est "un non-événement" pour son opposant écologiste Antoine Maurice, à la tête du groupe d'opposition Archipel Citoyen.

"Dès décembre 2019, nous avions indiqué que l'échéancier promis n'était pas tenable, qu'il ne s'agissait que de poudre aux yeux, le financement étant loin d'être assuré, et qu'il ne pouvait être question d'une mise en service avant 2028. Exactement ce qui vient d'être annoncé, sous couvert d'une crise économique de grandeur ampleur, qui tombe à pic pour tenter de masquer un mensonge électoral. L'annonce de pertes de recettes consolidées entre la ville de Toulouse, Toulouse Métropole et Tisséo pour le justifier, pour un projet porté financièrement que par Tisséo montre bien que le prétexte cherché n'est pas plus honnête que la promesse électorale faite", s'est insurgé le groupe d'opposition dans un communiqué.

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Une vision que ne partage pas la socialiste Karine Traval- Michelet, maire de Colomiers et vice-président de la Métropole, directement concernéepar le projet.

"Cette décision est bien l'une des conséquences de la crise économique que nous vivons depuis quelques mois. C'est une annonce responsable et cohérente qui ne remet en cause ni le projet initial d'une ligne Colomiers-Labège livrée en une seule tranche, ni les autres projets du Plan de déplacements urbains", a réagi l'élue par communiqué.

Malgré cette crise, Tisséo compte effectivement maintenir ses projets d'investissements comme le remplacement de la flotte de bus diesel par des bus au GNV, la rénovation de parcs relais ou encore le développement des Linéo, des bus à voie dédiée et haute qualité de service.

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Commentaires 5
à écrit le 16/12/2020 à 22:40
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Il vaut mieux annuler le contrat que d'acheter un metro en Inde comme le fait Marseille... Les métros marseillais (Alstom) seront produits en Inde mais les PS et Ecolos de Marseille s'en moquent, Alors les dirigeants Toulousains ont bien raison d'an...

le 18/12/2020 à 8:21
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Rien n’est annulé d’où vous sortez cette fake news ? au contraire le contrat vient d’être signé

à écrit le 16/12/2020 à 9:07
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Comme quoi le "toujours plus", finit par s'arrêter, la croissance a bien une fin.

à écrit le 16/12/2020 à 8:52
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Encore un service que l'on ampute à la classe productrice pour enrichir un peu plus les paradis fiscaux des propriétaires du monde. Parce que le métro à Toulouse il est classe hein, particulièrement agréable même. Dommage.

à écrit le 16/12/2020 à 7:41
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Nos édiles boursicotent, maintenant? Bonne idée de préserver les contribuables plutôt que les impôts.

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