Export : grâce à un Toulousain, la France redécouvre le Cambodge

Loin des yeux, loin du cœur ? Après avoir délaissé des décennies durant son ancienne colonie, Paris se rapproche aujourd’hui à nouveau du royaume khmer, voyant tout l’intérêt (économique) de prendre ainsi pied en Asie du Sud-Est. C’est le sens du deuxième forum d’affaires franco-cambodgien coorganisé la semaine prochaine à Phnom Penh par l’architecte toulousain Michel Cassagnes.
Michel Cassagnes est l'organisateur du forum d'affaires France-Cambodge, qui a lieu la semaine prochaine.
Michel Cassagnes est l'organisateur du forum d'affaires France-Cambodge, qui a lieu la semaine prochaine. (Crédits : Michel Cassagnes)

Effet papillon ou retour de flamme ? Devenue persona non grata en Afrique, en particulier au Sahel et dernièrement privée des ressources en uranium du Niger, chassée par des régimes militaires allergiques à la présence sur leur sol de l'ancienne puissance coloniale, la France des affaires se rabat sur la zone indopacifique, devenue le centre de gravité de l'économie mondiale, et en particulier donc sur le Cambodge. « Leur partenaire naturel, c'est quand même la France », souligne Michel Cassagnes, à la tête d'un gros cabinet d'architectes à Phnom Penh, et coorganisateur du forum économique programmé la semaine prochaine avec la chambre de commerce et d'industrie France Cambodge (CCIFC).

« Beaucoup de ministres et de fonctionnaires dans le gouvernement cambodgien sont francophones et francophiles. Pour eux, le « made in France », la technologie et les produits français, c'est un marqueur de qualité dans leur stratégie de développement  face aux investisseurs chinois. Ils nous placent au même niveau de qualité que les Japonais. Il faut profiter de cette porte qui s'ouvre ».

Il faut dire que la Chine exerce depuis longtemps une mainmise sans partage sur l'économie du Cambodge, redessinant des régions entières comme Sihanoukville, petite cité portuaire de la côte sud, passée en quelques années de 60 à 300 000 habitants, grâce à l'injection massive de capitaux chinois.

Les exportations françaises à la traîne

Après des années de désengagement diplomatique, la France est aujourd'hui un nain économique au Cambodge, même si, comme le rappelle Michel Cassagnes, tout n'est pas perdu : « les aéroports du pays sont gérés par le groupe Vinci, qui fournit aussi, avec Suez, l'eau potable distribuée à Phnom Penh. Il y a des opportunités dans tous les secteurs ». La France est aussi partie prenante du mégaprojet de production d'eau potable à Bakheng, en amont de Phnom Penh.

N'empêche, au chapitre des exportations, la France arrive loin derrière la Chine ou le Japon. Elle se place même seulement 4ème du hit-parade européen, derrière l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas ! Pourtant, les entreprises françaises, PME comme multinationales, auraient tout intérêt à s'intéresser au Cambodge, comme porte d'entrée sur toute la région Asie du Sud-Est (ASEAN) et ses 500 millions d'habitants.

« Ici, vous pouvez ouvrir votre société en 4-5 jours, assure le Toulousain. Ils ont accéléré la numérisation de l'économie et on n'a pas besoin de partenaires locaux comme au Vietnam. Tous les échanges se font en dollars et vous pouvez obtenir des permis de travail sans trop de difficultés. C'est un environnement de travail beaucoup plus agréable que chez nos voisins, au Vietnam, en Thaïlande ou en Chine ».

Le gratin du patronat français

Jusqu'à la crise sanitaire en 2020, le Cambodge affichait une croissance économique phénoménale avant de connaître un fort ralentissement. « Les banques ne sont pas au meilleur de leur forme, explique le Français, les investissements manquent, c'est ce qui pêche pour la reprise de l'économie. Les besoins sont là mais les financements ne sont pas revenus. C'est maussade aujourd'hui et cela va prendre davantage de temps que pour les pays développés qui ont pu financer le manque d'activité pendant le Covid. Ici, ça a plutôt vidé les caisses et pour les remplir à nouveau, ce n'est pas évident ».

Le FMI anticipe toutefois une croissance autour de 6,6 % pour cette année. Programmé à partir de lundi prochain et pour trois jours, ce deuxième forum économique organisé au Cambodge promet de réunir le gratin du patronat français, dont une délégation d'une centaine de dirigeants d'entreprises tricolores emmenée par Geoffroy Roux de Bézieux, l'ancien président du MEDEF.

Face à eux sont attendus plusieurs ministres locaux, le président de la Chambre de commerce européenne au Cambodge, EuroCham Cambodia, bref, « un accès direct aux décisionnaires ». L'événement est en fait le match retour d'un grand raout organisé il y a six mois à l'Élysée, en l'honneur du nouveau Premier ministre Hun Manet qui effectuait, pour l'occasion, une visite d'État de deux jours en France.

Pénurie de main d'œuvre

Quant à Michel Cassagnes, installé au Cambodge depuis 2012, il est aujourd'hui directeur général d'un gros cabinet d'architectes, « Archetype ». Également conseiller du commerce extérieur de la France (CCE), le Français admet qu'avec 17 millions d'habitants seulement (contre 100 millions d'habitants au Vietnam), le Cambodge est un petit pays qui manque d'infrastructures portuaires et aéroportuaires, de main d'œuvre et avec une électricité très chère.

Reste aussi la question politique : comment faire des affaires avec un État dont le Premier ministre, Hun Sen, nomme son fils pour lui succéder et où son opposant le plus notoire a récemment écopé de 27 années de prison ? Michel Cassagnes répond sans ambages que le régime du Cambodge « est moins autoritaire qu'en Chine ou qu'au Vietnam, pas pour les étrangers en tout cas. Il y a par exemple ici une liberté de la presse qui n'existe pas dans les pays voisins. Ce n'est pas le paradis, les droits de l'homme sont bafoués mais on n'est pas les plus mal logés. », estime le natif de Verfeil et diplômé de l'école d'architecture de Toulouse.

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