Enfouissement de CO2 : un Toulousain dans le giga-projet norvégien

Diplômé en économie, Ludovic Caubet dirige depuis plus de quinze ans la CCI France-Norvège à Oslo. À cheval entre les deux pays, il est devenu un relais incontournable au niveau bilatéral sur le projet « Longship » dont l’idée est de capturer et stocker sous la mer du Nord le CO2 produit par les fumées de l’industrie.
Ludovic Caubet dirige depuis plus de quinze ans la CCI France-Norvège à Oslo
Ludovic Caubet dirige depuis plus de quinze ans la CCI France-Norvège à Oslo (Crédits : CCI)

Comme souvent, tout commence par une histoire d'amour. Séduit par une Norvégienne qui deviendra son épouse, Ludovic Caubet s'envole pour Oslo en 2000. Originaire de Roques-sur-Garonne, il est alors tout juste diplômé de l'Université des sciences sociales de Toulouse I Capitole. Il travaille d'abord dans une banque norvégienne avant d'intégrer la Chambre de commerce et d'industrie grâce à un stage. Il gravit ensuite tous les échelons. La CCI d'Oslo compte environ 150 membres, dont 60 % de sociétés françaises et 40 % de norvégiennes environ. Ce bilatéralisme permet de disposer à la fois d'une structure à Paris et une à Oslo qui travaillent dans les deux sens.

« J'ai très rapidement dû me spécialiser sur les questions énergétiques qui étaient au cœur des relations, se souvient le Français. Cela fait vraiment depuis 7-8 ans que nous consacrons l'essentiel de nos activités aux questions de décarbonation, transition énergétique et mobilité verte. »

Mais c'est dès 2015 que la CCI France Norvège se positionne sur le projet de capture, transport et stockage de CO2 (CCS en anglais : Carbon Capture & Storage).

Premières injections cette année

D'autant que le sujet est porteur et suscite aujourd'hui les espoirs d'experts du climat. L'idée est donc de venir séquestrer le gaz directement à la sortie des cheminées d'usine. « Nous avons aussi commencé à ce moment-là à étudier en parallèle les opportunités de coopération en matière de transfert de technologies de l'aéronautique et du spatial vers l'énergie et le sous-marin en particulier, ajoute M. Caubet, car ces deux secteurs évoluent également dans des conditions extrêmes et ont besoin de technologies de pointe. » En 2016, est organisé à Pau le premier forum bilatéral dédié au projet CCS, où débarque tout le gratin des industriels norvégiens spécialisés dans le gaz et le pétrole ainsi que des représentants du ministère de l'Énergie.

« Il y avait dans le Béarn une expérience unique avec le gisement de gaz naturel de Lacq, le plus important en France, souligne Ludovic Caubet. C'est d'ailleurs à Lacq que TotalEnergies a installé son centre mondial de recherche et développement. »

Très vite se dessine un partenariat baptisé « Northern Lights » entre le géant français TotalEnergies, le néerlandais Shell et le norvégien Equinor, puis le projet pilote « Longship », le premier au monde de cette envergure. L'État norvégien a déjà mis sur la table 1,7 milliard d'euros. Les premières injections, à 2.500 mètres de profondeur sous la surface de la mer du Nord, sont prévues cette année, avez l'ambition que le gaz y reste indéfiniment.

Une chaîne de valeur

L'expérience intéresse en particulier les industriels gros émetteurs de CO2 comme la métallurgie, le ciment ou la chimie. Le premier seuil est fixé à un million de tonnes de CO2 par an et devrait monter rapidement à cinq millions, autant dire une petite partie de la production mondiale qui se répand aujourd'hui dans l'atmosphère et accélère le réchauffement. Techniquement, le gaz est liquéfié puis transporté par bateau et injecté par pipeline.

« D'après les études géologiques, la capacité de ces réservoirs spécifiques, des aquifères salins, atteindrait l'équivalent de 25 à 30 ans d'émissions de CO2 produites dans toute l'Union européenne », assure Ludovic Caubet.

La CCI travaille activement aujourd'hui avec les deux ambassades et plusieurs partenaires pour animer le projet en organisant régulièrement des forums, des conférences ou des tables-rondes sur le sujet. Fin 2023, Roland Lescure, alors ministre délégué à l'Industrie, avait fait le déplacement jusque sur le site pilote norvégien, au large des côtes de Bergen, accompagné d'une délégation d'industriels et d'acteurs du pétrole et du gaz. « L'intérêt, poursuit Ludovic Caubet, c'est ce que cela crée énormément de valeur ajoutée et de technologie. Beaucoup de sociétés s'intéressent à la partie captation car chaque acteur a des spécificités différentes et qu'il faut baisser les coûts. Il va y avoir de plus en plus d'opportunités aussi pour des PME ou des ETI qui vont arriver avec des innovations et des solutions. »

Au-delà du transfert de technologie, si le projet intéresse le secteur aéronautique, c'est parce qu'il comporte aussi un volet valorisation du CO2 à travers la production de carburant vert destiné notamment à remplacer à terme le kérosène pour faire voler les avions. « L'idée, détaille Ludovic Caubet, c'est de créer toute une chaîne de valeur. En « craquant » la molécule de CO2, on peut en faire du fuel de synthèse, ce qui représente la solution pour décarboner le secteur. L'écosystème occitan est très dynamique, que ce soit sous l'impulsion de la région et son agence économique Ad'occ, de la CCI, la métropole qui a d'excellentes relations avec Oslo ou par le biais de pôles de compétitivité comme Aerospace Valley avec qui nous travaillons depuis des années.»

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Fan du Stade toulousain

Ludovic Caubet a beau s'être installé à 2.000 kilomètres de Toulouse, il n'en n'oublie pas pour pourtant sa région natale. « Je dois être le plus grand fan du Stade Toulousain en Norvège, témoigne-t-il en souriant. Je ne rate aucun match et j'ai la chance de donner un coup de main à un de mes amis du sud-ouest qui reçoit l'académie du Stade toulousain tous les printemps avec Émile Ntamack à Oslo pour encadrer les jeunes et promouvoir le rugby. Il y a énormément de Toulousains à Oslo. Il doit y avoir un lien avec tous les étudiantes norvégiennes parties à Toulouse en échange... » A 47 ans, marié, deux enfants, Ludovic Caubet vient d'obtenir l'an dernier la nationalité norvégienne. Il y a quelques années, il avait été nommé ambassadeur de la ville de Toulouse, comme seulement environ 500 autres expatrié.es dans le monde. Ce club très fermé est animé par la métropole et vise à faire rayonner l'image de la Ville rose à l'étranger.

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