Un vote symbolique, mais un vote important quand même. Réunie le 11 juillet, la commission permanente du conseil départemental du Tarn-et-Garonne a officialisé son soutien au projet d'autres élus locaux de renforcer le parc nucléaire de la centrale de Golfech.
« Les membres de la commission permanente ont approuvé le principe d'accueillir en Tarn-et-Garonne deux EPR (Evolutionary Power Reactor, ndlr) à Golfech et à ce titre le soutien à la candidature du Centre nucléaire de production d'électricité de Golfech », fait savoir la collectivité présidée par Michel Weill (PRG), qui compte présenter le projet à tous ses élus lors de la prochaine assemblée plénière.
En milieu de semaine dernière, plusieurs acteurs politiques et économiques du Tarn-et-Garonne, du Lot-et-Garonne et du Gers se sont réunis à Golfech, sur l'initiative du président de la communauté des Deux-Rives Jean-Michel Baylet, l'EPCI qui abrite sur son périmètre la centrale nucléaire et ses deux réacteurs mis en service en 1990 et 1993. L'ancien ministre a rendu public cette volonté lors de sa dernière cérémonie des voeux, dans ses fonctions de président d'intercommunalité.
« J'ai saisi sans entendre, dès le 24 mai dernier, Luc Rémont, le PDG d'EDF, Nicolas Machtou, le directeur de programme Nouveau Nucléaire France, et Gabriel Oblin, directeur du projet EPR2, pour leur demander de lancer les études techniques de faisabilité du site de Golfech et solliciter un rendez-vous », a notamment déclaré devant ses partenaires le 10 juillet Jean-Michel Baylet.
Le début d'un marathon de deux ans ?
La centrale nucléaire de Golfech espère obtenir deux réacteurs nucléaires supplémentaires dans le cadre du programme « EPR 2 », enclenché par le président de la République, Emmanuel Macron, et qui repose sur la construction en France de 14 réacteurs de nouvelle génération. L'État a déjà annoncé la construction de six nouveaux réacteurs sur des sites situés en Seine Maritime (Penly), dans le Nord (Gravelines) et dans l'Ain (Bugey). Il en reste donc huit à attribuer, par paire, ce qui fait dès lors encore quatre sites à retenir.
« Pour les huit EPR2 supplémentaires demandés par le président de la République, les lieux d'implantation n'ont pas encore été sélectionnés.
Le Groupe EDF proposera une sélection de sites d'ici fin 2026 à partir des études et une série de critères techniques : foncier disponible, capacité d'évacuation de l'énergie produite, capacité de refroidissement, aléa sismique...
Au-delà, le soutien important des territoires concernés, aux différents niveaux des collectivités territoriales, constituera un facteur déterminant dans le choix des lieux potentiels d'implantation », commente EDF, sollicité par La Tribune.
En ce sens, l'opération de communication lancée par les élus locaux est un bon point pour la candidature de Golfech, qui devra certainement composer dans ce dossier avec la concurrence de la centrale du Blayais, située en Gironde. À noter que la candidature de la centrale située en Occitanie bénéficie aussi du soutien de la présidente de région, la socialiste Carole Delga, qui a fait parvenir une lettre d'intention pour enrichir le dossier.
Si la centrale de Golfech est retenue parmi les sites lauréats, la construction des deux EPR générerait environ 7.000 emplois pendant sept années, et 1.500 en phase d'exploitation. Actuellement, ce sont 1.000 salariés qui s'affairent sur le site dans son périmètre actuel, entre EDF et les entreprises partenaires. « Ne laissons pas passer cette opportunité d'intérêt général », a ainsi lancé Jean-Michel Baylet devant ses partenaires, réunis mercredi dernier à Golfech.
Du pour et du contre
Au-delà du soutien des élus locaux, sans oublier une population déjà sensibilisée sur le sujet, la centrale nucléaire du Tarn-et-Garonne (qui couvre déjà 40% des besoins en électricité d'Occitanie) dispose surtout d'une réserve foncière de près de 100 hectares. Elle a donc la capacité d'accueillir deux réacteurs supplémentaires. Et pour cause, dès sa création, cette infrastructure a été configurée pour disposer de quatre réacteurs nucléaires et non de deux comme aujourd'hui.
« Dans le quart sud-ouest, il y a seulement deux centrales, dont celle de Golfech, ce qui est à son avantage. Cependant, le seul point rédhibitoire pour ce site c'est le refroidissement et l'eau qu'elle rejette. Il arrive souvent, et particulièrement l'été, que la centrale de Golfech rejette une eau plus chaude que les moyennes autorisées. Or, elle ne doit pas réchauffer l'eau, comme toutes les centrales, afin de préserver l'environnement local et particulièrement la faune aquatique. Seulement, l'eau arrive déjà assez chaude à la centrale en raison du réchauffement climatique. Le réchauffement climatique risque de provoquer une perte de production d'électricité annuelle de 2 à 3 %», nuance Tristan Kamin, ingénieur en sûreté nucléaire, joint par La Tribune.
Selon RTE et son rapport « Futurs énergétiques 2050 », la centrale nucléaire de Golfech fait même partie des plus exposées à un risque de perte de production lié au réchauffement des eaux. Alimentée par la Garonne, la centrale pourrait perdre 150 à 230 gigawattheures de production électrique annuelle selon les scénarios, ce qui la place dans le peloton de tête. « L'augmentation des indisponibilités liées aux canicules pourrait toutefois être contrebalancée par la mise en œuvre de leviers technologiques ou organisationnels sur les centrales, qui n'ont pas été intégrés à l'étude », tempère RTE. Comme le confirme l'expert en sûreté nucléaire, le recours à un fonctionnement en circuit fermé avec une tour aéroréfrigérante pour les deux potentiels futurs réacteurs de Golfech permettrait de limiter cette perte de production.
Du côté de l'agence nationale de sûreté nucléaire (ASN), qui a procédé à 10 journées d'inspection en 2023 sur le site, l'instance distribue des points positifs et négatifs. « Des progrès dans la compétence des opérateurs ont été constatés lors des inspections et par la réalisation de manière satisfaisante des transitoires sensibles. Toutefois, l'ASN constate des fragilités persistantes dans la communication entre services, la rigueur d'exploitation et le respect des procédures. L'ASN considère que l'exploitant devra poursuivre ses efforts dans la mise en œuvre du plan d'action visant à rétablir les performances du site afin de renforcer les améliorations constatées en 2023 », écrit-elle dans son rapport sur l'état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023.
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