Aéronautique : la décarbonation, une clé pour attirer les talents dans la filière ?

Dans la capitale historique de l'aéronautique, les enjeux de décarbonation ont rebattu les cartes de l'attractivité des entreprises de la filière. L'arrivée à Toulouse d'une série de nouveaux acteurs autour de l'aviation décarbonée attise la curiosité des jeunes ingénieurs comme ont pu en témoigner Bruno Darboux, président d'Aerospace Valley, Wilfried Dufaud, cofondateur d'Aura Aero et Tess Masson, élève au sein de l'Enac, à l'occasion de l'événement Transformons la France organisé le 21 septembre à Toulouse par La Tribune. Malgré l'impressionnant catalogue de formations aéronautiques dans la région, de nouveaux cursus devront être créés dans les années à venir pour préparer les avions de demain.
(Crédits : Rémi Benoit)

« En tant qu'étudiants, nous sommes un peu tiraillés entre l'envie de rejoindre des startups comme Aura Aero ou Ascendance Flight Technologies parce que l'on sait que ces sociétés sont dynamiques, que le progrès va vite... Et en même temps, cela fait rêver d'intégrer de grands groupes comme Airbus et Thales. Nous avons aussi envie d'entrer dans les grandes entreprises pour changer leurs habitudes », témoignait Tess Masson, élève au sein de l'Enac (l'école nationale de l'aviation civile) à l'occasion de l'événement Transformons la France organisé par La Tribune le 21 septembre à Toulouse.

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Tess Masson est élève au sein de l'Enac. (Crédits: Rémi Benoit)

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Les startups attirent les jeunes diplômés

Dans la capitale historique de l'aéronautique, les enjeux de décarbonation ont quelque peu rebattu les cartes de l'attractivité des entreprises de la filière. Airbus reste dans le top des employeurs les plus appréciés en France par les candidats en sortie d'école. Mais l'arrivée dans la Ville rose d'une série de nouveaux acteurs portant des projets autour de l'aviation décarbonée attise aussi la curiosité des jeunes ingénieurs.

Ces derniers ont l'embarras du choix entre l'avion régional à propulsion électrique de 19 places d'Aura Aero, les VTOL d'Ascendance Flight Technologies, sans compter l'implantation de sociétés étrangères axées sur l'avion à hydrogène comme ZeroAvia ou Universal Hydrogen... « Beaucoup de jeunes dans notre promo ont même créé leur propre startup. L'entrepreneuriat est aujourd'hui hyper développé à l'Enac », ajoute Tess Masson.

Les écoles d'ingénieurs nouent des liens étroits avec ces nouveaux acteurs. « Nous avons un partenariat notamment avec l'Enac sur la partie pilotage qui se complète aussi par des partenariats tripartites à l'étranger avec d'autres universités qui feront cette transition vers des avions électriques, » indique Wilfried Dufaud, general manager et Chief product officer d'Aura Aéro. Lors du dernier salon du Bourget en juin dernier, Aura Aero avait notamment finalisé un partenariat avec l'université aéronautique EmbryRiddle en Floride. Le jeune constructeur va s'implanter au coeur du parc de recherche et compte créer près de 20 nouveaux postes sur place. La société souhaite également lancer un programme de stages pour les élèves-pilotes de l'établissement américain désireux d'en apprendre davantage sur Integral, l'avion biplace de formation à capacité  voltige, disponible en version thermique ou tout-électrique.

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Wilfried Dufaud, general manager et Chief product officer d'Aura Aéro. (Crédits : Rémi Benoit)

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Pour Bruno Darboux, président du pôle de compétitivité Aerospace Valley, cette émulation autour de la décarbonation ne profite pas uniquement aux startups. « Ces nouveaux acteurs nous aident à élargir notre capacité d'accès à des talents donc cela va bénéficier aux gros de la filière », espère-t-il.

Il faut dire que les besoins sont colossaux. 25.000 embauches sont prévues en France en 2023 dans l'aéronautique dont 18.000 postes en CDI et 7.000 places en alternance, d'après le Gifas (groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales) pour accompagner notamment les montées en cadences d'Airbus, mais aussi combler les besoins des nouveaux acteurs.

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« Nous avons fait un diagnostic du besoin en compétences à horizon 2030 et le chantier est assez colossal. Quand on regarde à dix ans ce qu'il va falloir former et derrière recruter sur les régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, nous tablons sur une croissance de l'ordre de 30 % à dix ans », pointe Bruno Darboux.

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Bruno Darboux, président du pôle de compétitivité Aerospace Valley. (Crédits : Rémi Benoit)

De nouveaux cursus à créer pour les avions de demain

Des besoins gigantesques qui impliquent aussi un remodelage des formations existantes. « Nous avons 360 formations aéronautiques sur le territoire et 850 formations utiles aux entreprises du secteur, donc nous bénéficions d'une bonne base. Trois enjeux sont à relever dans les années à venir : bien remplir ces formations, muscler la quantité de formations disponibles et créer des formations adaptées aux avions de demain en prenant en compte l'arrivée des nouveaux systèmes de propulsion, de l'intelligence artificielle et du numérique, etc », constate le président d'Aerospace Valley. Mais la filière aéronautique n'est pas la seule à rechercher activement des experts en intelligence artificielle ou en cybersécurité. Elle doit composer avec la concurrence directe des autres industries de l'économie française.

Pour combler ses besoins, la filière devra faire rêver plus largement, et faire fi de l'avion bashing. « Ce bashing peut pousser certains jeunes à freiner des étudiants vers ces filières. Nous avons besoin d'expliquer notre rôle sur les enjeux de la décarbonation et pourquoi la mobilité aérienne a toujours un avenir au niveau international », remarque Wilfried Dufaud. Outre le flygskam, la filière doit vaincre les préjugés autour du travail en usine. « Le côté industrialisation peut faire peur, certains pensent que c'est sale avec des conditions de travail comme dans Germinal de Zola », ajoute-t-il. C'est pourtant bien une usine dernier cri que s'apprête à construire l'entreprise. Le constructeur aéronautique toulousain va bâtir une usine de 40.000 m2 à l'aéroport Toulouse-Francazal pour produire en série ses aéronefs biplaces et son avion régional électrique de 19 places. Un outil industriel à 150 millions d'euros qui pourrait à terme générer plus d'un millier d'emplois.

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