De l'hydrogène bientôt dans les chaudières ?

Après cinq ans de recherches, un laboratoire toulousain vient de montrer qu'il est possible d’introduire jusqu’à 50% d’hydrogène en volume dans un brûleur de chaudière. Une avancée pour décarboner ce type de chauffage sans changer de chaudière. Les scientifiques travaillent avec l'entreprise montpelliéraine Bulane pour arriver à mélanger gaz de ville et hydrogène.
(Crédits : CC)

Après la mise en service des premiers cars français roulant à l'hydrogène, le développement en parallèle de projets pour décarboner l'aviation (Airbus, Beyond Aero), l'hydrogène pourrait-il aussi bientôt alimenter les chaudières des Français ? En théorie, c'est possible. Après cinq ans de recherches aux côtés de l'entreprise montpelliéraine Bulane, l'Institut de mécanique des fluides de Toulouse (IMFT) vient ainsi de prouver qu'il est possible d'introduire jusqu'à 50% d'hydrogène en volume dans un brûleur de chaudière, sans modification de son architecture. Ces premières percées permettent d'envisager à moyen terme l'hybridation des chaudières au gaz qui équipent 12 millions de foyers en France.

Lire aussiAirbus : « L'arrivée de nouveaux acteurs montre que voler à l'hydrogène, c'est possible »

Décarboner sans changer de chaudière

Une manière de réduire significativement l'impact environnemental de ce type de chauffage sans changer de chaudière.

« Aujourd'hui, si j'ai un chauffage au gaz et que je veux passer à l'électrique, il faut acquérir une chaudière électrique ou une pompe à chaleur. Pour notre part, l'idée est de substituer une part du carburant fossile (le gaz de ville) et de mettre à la place un combustible bas carbone (l'hydrogène). L'avantage de cette solution est qu'il n'est pas nécessaire de changer d'équipement puisque nous modifions seulement ce qui arrive dans le tuyau de la chaudière », avance Laurent Selle, directeur de recherche CNRS à l'Institut de mécanique des fluides de Toulouse.

Le chercheur souligne que cette hybridation des chaudières a déjà existé en France : « De l'hydrogène dans les chaudières, cela existait déjà au XIXᵉ et au début du XXᵉ siècle. Le gaz de ville, manufacturé à partir de charbon, contenait environ 50% d'hydrogène. »

Des brûleurs flexibles en termes de carburant

Le laboratoire travaille avec Bulane sur la mise au point de brûleurs hybrides, permettant aux chaudières de mélanger gaz de ville et hydrogène. La société montpelliéraine (38 salariés, trois millions d'euros de chiffre d'affaires) a inventé des électrolyseurs innovants dédiés aux applications de combustion hydrogène, créant pour le secteur de l'industrie d'abord, une flamme propre à partir d'hydrogène produit sur site et sans stockage de gaz. Elle s'est ensuite attaquée à la décarbonation du chauffage dans le bâtiment via ce programme de recherche avec l'IMFT à Toulouse.

Pour mettre au point ces brûleurs flexibles d'un nouveau genre, le laboratoire a fait appel à l'impression 3D pour fabriquer des matrices poreuses dans lesquelles il est possible de voir à travers la flamme du brûleur.

Lire aussiHydrogène : comment Bulane et l'IMFT veulent révolutionner la chaleur domestique des bâtiments

De nombreux verrous à lever

Mais pour l'heure, Bulane se garde toutefois bien d'indiquer un calendrier de mise sur le marché de cette solution d'hybridation des chaudières. De nombreuses questions restant encore à trancher, notamment celles de la sécurité et de la réglementation : « Notre innovation, la production d'hydrogène sur site, à la demande et sans stockage, répond aux questions de sécurité, c'est à dire comment l'hydrogène arrive dans les tuyaux de combustion autrement que par les tuyaux de ville. Le cadre réglementaire va devoir également être adapté à cette innovation, même si la réglementation européenne autorise déjà l'injection jusqu'à 20% d'hydrogène dans le gaz naturel », relève Nicolas Jerez, son dirigeant. Quand ce sera possible, les premières applications de chauffage devraient adresser en premier lieu les bâtiments industriels, puis les bâtiments tertiaires, avant d'arriver dans les immeubles collectifs de logements.

En attendant, Bulane poursuit un programme d'innovation autour de la décarbonation du chauffage par l'hydrogène avec De Dietrich, dans le cadre d'un partenariat avec sa maison-mère BDR Thermea, officialisé fin 2021. La coopération avec l'IMFT a également permis des avancées en matière de ressources humaines : « L'IMFT nous a aidés à recruter un expert en combustion qui a été détaché à l'IMFT et est aujourd'hui revenu au sein de l'entreprise, ce qui nous apporte des compétences technologiques en interne, et par ailleurs, Bulane et l'IMFT co-financent un thésard qui travaille sur les questionnements scientifiques et les verrous technologiques de la combustion hybridée », conclut Nicolas Jerez.

Lire aussiComment Bulane et BDR Thermea vont décarboner le chauffage grâce à l'hydrogène

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 25/04/2024 à 7:37
Signaler
L'hydrogène ressemble de plus en plus à un greenwashing de l'industrie "fossile" qui avec le gaz et l'hydrogène (majoritairement issue du pétrole à ce jour) veut continuer le rêve. Mais les faits et les chiffres ont la vie dure, 50% de gaz n'est pas ...

à écrit le 25/04/2024 à 7:36
Signaler
L'hydrogène ressemble de plus en plus à un greenwashing de l'industrie "fossile" qui avec le gaz et l'hydrogène (majoritairement issue du pétrole à ce jour) veut continuer le rêve. Mais les faits et les chiffres ont la vie dure, 50% de gaz n'est pas ...

à écrit le 24/04/2024 à 17:01
Signaler
"qui équipent 12 millions de foyers en France" et à terme, ça sera zéro chaudière gaz (une 1ère ministre ne voulait pas déjà les interdire en neuf ?). Pour les chaudières industrielles peut-être mais on veut réduire les émissions des particuliers trè...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.