Spatial : quand l'intelligence artificielle aide à détecter les marées noires

L'intelligence artificielle pourrait faciliter la prévention des catastrophes maritimes. À Toulouse, l'IRT Saint-Exupéry vient d'être sélectionné par l'Agence spatiale européenne pour faire appel de manière frugale aux algorithmes afin de détecter sur les images satellites des marées noires ou des prolifération d'algues nocives et envoyer quasiment en temps réel des alertes.
Le Sri Lanka a connu en 2021 sa pire marée noire qui a affecté l'activité de 16.000 pêcheurs et tué plus de 300 animaux.
Le Sri Lanka a connu en 2021 sa pire marée noire qui a affecté l'activité de 16.000 pêcheurs et tué plus de 300 animaux. (Crédits : Reuters)

C'est la pire catastrophe maritime connue par le Sri Lanka. En mai 2021, le cargo singapourien MV X-Press Pearl qui transportait à son bord 1.486 conteneurs de produits chimiques a pris feu et a fini par couler, générant une marée de plastiques et une dissémination de divers polluants. Au-delà de l'impact financier de plusieurs milliards de dollars pour le pays, la catastrophe écologique a affecté l'activité de 16.000 pêcheurs et tué plus de 300 animaux dont des tortues, des dauphins et des baleines.

Pour prévenir les conséquences de ce type de catastrophes maritimes, à Toulouse, l'IRT Saint-Exupéry mise sur l'intelligence artificielle. L'institut de recherche technologique vient d'être sélectionné par l'Agence spatiale européenne pour embarquer ses algorithmes à bord du satellite Φsat-2 qui sera lancé au mois de juin pour détecter des anomalies en mer depuis l'espace.

« Nous avons appris à l'intelligence artificielle à détecter une anomalie sur une image satellite. Lorsque quelque chose d'anormal apparaît dans l'image, un deuxième modèle d'intelligence artificielle, plus spécialisé, va identifier la nature réelle de l'anomalie : marée noire, prolifération d'algues massives », décrit Adrien Girard, responsable du projet Irma au sein de l'IRT Saint-Exupéry.

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Un usage frugal de l'intelligence artificielle

Cette détection en deux temps permet un usage frugal de l'IA. « Le deuxième modèle d'intelligence artificielle ne se déclenche effectivement que s'il y a des suspicions, ce qui permet aussi d'économiser la puissance sur le satellite », commente Adrien Girard.  Toujours dans cette démarche de frugalité, la technologie développée par l'IRT fonctionne à partir d'une base de données d'entraînement réduite de quelques milliers d'images satellite. Repérer des marées noires ou des nappes de plastique dans la mer requiert une analyse de l'image par un expert, ce qui explique qu'il est difficile d'obtenir des données d'entraînement. La sobriété est également appliquée sur le modèle en lui-même qui fonctionne avec peu d'opérations et de puissance de calcul. Une configuration indispensable pour embarquer à bord de nanosatellites comme le satellite Φsat-2 (un cubesat de type 6U) dotés de capacités très limitées.

« Pour qu'une application d'intelligence artificielle embarque à bord d'un satellite, il faut que l'algorithme fonctionne avec peu de puissance. D'autant que les panneaux solaires servent à alimenter le fonctionnement général du satellite », confirme Adrien Girard.

En cas d'alerte sérieuse, un message court de quelques octets, l'équivalent d'un SMS, pourra être envoyé au sol de manière quasi instantanée. De quoi aussi économiser la bande passante, autrement dit la quantité d'informations transitant entre le satellite et les antennes au sol, qui est aujourd'hui un facteur limitant dans la conception des systèmes et dans le coût de développement.

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Des masses de données impossibles à analyser par des humains

Cette frugalité permet aussi de limiter les informations à analyser pour les équipes aux sol. « Les images satellite sont observées par des photo-interprètes. Ces derniers sont très rares et n'ont pas beaucoup de temps à consacrer à regarder ces clichés. D'autant que les volumes de données générées sont beaucoup trop importants aujourd'hui pour être analysés uniquement par des humains. A titre d'exemple, la constellation européenne d'observation de la Terre Copernicus génère 250 téraoctets de données chaque jour en libre accès. Il est évident que sans analyse automatique, il est impossible d'exploiter l'intégralité de ces données.»

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L'innovation doit permettre une meilleure réactivité face aux catastrophes maritimes. En cas par exemple de dégazage illégal d'un bateau en mer, l'envoi d'un message quasiment en temps réel permettrait aux autorités d'envoyer des effectifs pour essayer d'appréhender le navire.

D'autres satellites intéressés

Pour mettre sur pied cette innovation, le projet Irma mobilise une équipe d'une vingtaine de personnes réparties sur le site principal de l'IRT Saint Exupéry à Toulouse, ainsi que sur son antenne de Sophia Antipolis. Doté de 3,5 millions d'euros, le programme a été financé en grande partie par Thales Alenia Space. L'IRT a aussi bénéficié de l'accompagnement de PME du secteur comme la société maralpine Activeeon (éditeur de logiciel pour l'automatisation des tâches de travail) et la francilienne Geo4i (interprétation des données d'imagerie), le Toulousain Jolibrain (technologies d'IA), ainsi que de l'Université Côte d'Azur pour le volet académique.

La technologie développée pour le cubesat de l'agence spatiale européenne pourrait aussi être appliquée sur le satellite australien Kanyini, lancé sur la même fusée que Φsat-2 à des fins de suivi maritime. Des discussions sont également avancées pour intégrer le système d'IA dans le satellite irlandais Cognisat-6 envoyé en orbite le mois dernier.

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Commentaire 1
à écrit le 29/04/2024 à 12:23
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Oui on peut voir que l'IA a pu servir pour le génocide de gaza, du coup on sait a quoi elle sert a présent !

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