Universal Hydrogen cherche 200 millions pour faire décoller l'aviation régionale à hydrogène

Trois ans après sa création, la société californienne Universal Hydrogen a déjà fait voler en mars dernier un avion doté d'une pile à hydrogène et vise avant la fin de l'année des tests au sol de son système modulaire pour convertir les avions régionaux. « La technologie n'est plus un frein à l'essor de l'avion à hydrogène », martèle Pierre Farjounel, directeur des opérations européennes de la startup, qui a dix jours du salon du Bourget, pointe plutôt les verrous économiques restants à lever pour transformer l'essai.
Universal Hydrogen a testé fin 2022 à Toulouse le chargement de modules d'hydrogène à bord d'un ATR.
Universal Hydrogen a testé fin 2022 à Toulouse le chargement de modules d'hydrogène à bord d'un ATR. (Crédits : Rémi Benoit)

En septembre 2020, en pleine crise sanitaire, Airbus avait fait grand bruit en dévoilant son ambition de faire voler un avion à hydrogène dès 2035, entraînant dans son sillage l'émergence d'une poignée de projets d'aéronefs à hydrogène. « La technologie n'est plus un frein à l'essor de l'avion à hydrogène », assure aujourd'hui Pierre Farjounel, directeur des opérations européennes d'Universal Hydrogen, alors que le Salon du Bourget, qui débutera le 19 juin, réservera une place de choix aux projets d'aviation décarbonée.

La startup californienne, fondée par l'ancien CTO d'Airbus Paul Eremenko, a déjà progressé à pas de géant dans son ambition de développer des modules d'hydrogène pour faire voler des avions régionaux sans kérosène. Plutôt que d'imaginer un avion à hydrogène de A à Z, comme ambitionne de le faire Airbus notamment, la jeune société veut intégrer des capsules d'hydrogène liquide sur des avions de transport régional déjà en service de type ATR 72 ou Dash 8. Chaque module pèsera environ 600 kg et contiendra une capsule d'hydrogène plus des capteurs pour géolocaliser les modules, connaître leur niveau d'hydrogène disponible... Moyennant une légère réduction du nombre de passagers (56 passagers au lieu de 70 sur l'ATR72), l'aéronef disposera d'une autonomie de 500 milles marins soit environ 1.000 km. « Cela nous permet d'assurer 95% des routes opérées aujourd'hui dans le monde par les ATR 72. Sachant que ces avions sont opérées sur une distance moyenne de près de 180 milles marins en Europe (333 kilomètres) », ajoute le dirigeant.

Un premier vol de 15 minutes avec la chaîne propulsive

Le 2 mars dernier, Universal Hydrogen a fait voler pendant 15 minutes aux Etats-Unis son avion Dash 8 alimenté par une pile à hydrogène. Lors de ce premier vol d'essai, l'un des moteurs à turbine de l'avion a été remplacé par le groupe motopropulseur électrique à pile à combustible d'Universal Hydrogen imaginé en collaboration avec le fabricant de moteurs électriques MagniX et le spécialiste des piles à combustibles PlugPower. L'autre est resté un moteur conventionnel pour des raisons de sécurité. « D'ici la fin de l'année, nous franchirons une autre étape importante puisque nous allons démontrer au sol l'intégration complète entre les modules d'hydrogène qui auront été stockés préalablement de manière liquide et qui vont se connecter à la chaîne propulsive. D'ici fin 2024, nous prévoyons d'intégrer ce système complet dans l'avion pour vérifier que tout fonctionne en conditions de vol. Il y a trois ans, beaucoup de gens disaient qu'une telle technologie ne volerait jamais. Nous sommes en train de prouver que c'est possible », lance Pierre Farjounel.

Pour Universal Hydrogen, le choix d'un système modulaire facilite l'adoption à court-terme de l'hydrogène dans les aéroports sans avoir besoin d'investissements massifs sur les infrastructures pour créer des terminaux spécifiques ou avoir un site de production à proximité. « Il n'y a pas besoin de remplir l'hydrogène au pied de l'avion comme cela peut être le cas avec le kérosène et ce qui nécessiterait donc pour nous une infrastructure conséquente au niveau de l'aéroport. Grâce à notre solution, tous les aéroports sont prêts à accueillir un avion à hydrogène », fait valoir l'ingénieur toulousain.

Des collaborations avec Orly et Rodez pour préparer les aéroports

D'ailleurs, même si la solution d'Universal Hydrogen ne vole pas encore, elle a déjà conquis une douzaine de compagnies aériennes dont Amelia en France, qui assure notamment une ligne entre Paris-Orly et Rodez. « Nous travaillons avec ces deux aéroports pour comprendre comment manipuler l'hydrogène au niveau de la plateforme. Nous avons noué aussi des collaborations avec l'écosystème espagnol et celui de Jersey où la compagnie Blue islands va opérer », précise Pierre Farjounel.

La société californienne a également mené fin 2022 depuis son siège européen à proximité de l'aéroport de Toulouse des tests pour charger et décharger des modules (à vide) à bord d'un ATR 72 avec les opérateurs sol de la société Alyzia. Universal Hydrogen a ensuite expérimenté en collaboration avec Daher le chargement des mêmes modules par camion.

Lire aussiUniversal Hydrogen teste le chargement de modules d'hydrogène à bord d'un ATR

Ce qui fait dire à Pierre Farjounel que les verrous persistants à l'essor de l'aviation à hydrogène relèvent plutôt du modèle économique : « Les freins, aujourd'hui, ce sont les prix de l'hydrogène qui sont encore loin de l'objectif, la production d'hydrogène liquide et en particulier d'hydrogène vert. » Le patron d'Airbus Guillaume Faury ne disait pas autre chose fin novembre à Toulouse en confirmant l'ambition de faire voler un avion régional à hydrogène en 2035, à condition notamment qu'il y ait assez d'hydrogène disponible au moment du lancement du programme (en 2027 ou 2028) sans quoi il pourrait être retardé.

Des recrutements à Toulouse

Le développement des programmes liés à l'avion à hydrogène vont également demander des investissements colossaux.

« Il ne faut pas oublier que tout ce que l'on fait coûte cher. Universal Hydrogen a déjà levé 100 millions de dollars depuis sa création et est en quête de 200 millions supplémentaires avant la fin de l'année. Ce tour de table de série C permettrait de développer la chaîne propulsive de deux mégawatts nécessaire pour l'ATR et son intégration dans l'avion », poursuit le directeur des opérations européennes.

Une fois bouclée, la levée de fonds devrait aussi permettre à Universal Hydrogen d'étoffer ses effectifs notamment à Toulouse. Installée dans un hangar de 3.000 m2 entièrement rénové au pied des pistes de l'aéroport de Toulouse, la startup y emploie déjà 40 salariés et recherche actuellement des experts de la logistique et des achats en hydrogène. Au-delà de l'aviation, Universal Hydrogen réfléchit à l'utilisation de ses modules d'hydrogène en dehors de l'aviation pour des applications au sol à proximité de grands événements ou pour des usages maritimes.

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Commentaire 1
à écrit le 08/06/2023 à 17:56
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Désolé, je ne les ai plus : j'ai mis mes 200 millions en bitcoins.

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