À Toulouse, l'aéronautique fait toujours rêver dans les écoles d'ingénieurs

Les jeunes et l'aéro (1/2) - Malgré la plus grave crise de son histoire, l'aéronautique n'a pas perdu de son aura auprès des étudiants en école d'ingénieurs à Toulouse. Beaucoup sont au contraire enthousiastes à l'idée de participer à la conception d'un avion décarboné. À l'Isae-Supaero comme à l'Enac, les programmes s'adaptent pour faire face à cette nouvelle donne. Témoignages.
Airbus a présenté trois concepts d'avions à hydrogène dont une aile volante.
Airbus a présenté trois concepts d'avions à hydrogène dont une aile volante. (Crédits : Airbus)

"Mes parents sont contrôleurs aériens. Quand j'étais petit, j'ai passé beaucoup de temps à la tour de contrôle de Roissy à regarder les avions, c'est ce qui m'a donné le goût de l'aéronautique", se remémore Quentin Barascud, élève en troisième année de l'Isae-Supaero. Aujourd'hui, la passion du jeune homme reste intacte malgré les graves turbulences rencontrées par le secteur. "Mon objectif en entrant à l'Isae-Supaero était de travailler sur des projets de nouveaux avions. La crise a permis aux acteurs de l'industrie d'accélérer cette transition écologique et comme beaucoup de camarades de ma promo, je trouve que cela représente une grande opportunité de travailler sur des projets comme l'avion à hydrogène d'Airbus. Beaucoup dans l'école sont excités à l'idée de relever ces très beaux défis d'ingénierie", témoigne-t-il.

Les écoles continuent de faire le plein

Alors que la litanie des plans sociaux dans l'aéronautique n'en finit pas à Toulouse, le secteur n'a pas perdu de son aura dans les écoles d'ingénieurs de la Ville rose.

"Contrairement à ce que nous aurions pu craindre au printemps dernier, nous n'avons pas observé de baisse d'attractivité de l'Institut, bien au contraire", illustre Olivier Lesbre, le directeur général de l'Isae-Supaero. L'école a même enregistré en septembre dernier une hausse de 11% des inscriptions. "Sur le cursus d'ingénieur en français, nous avons recruté davantage d'élèves polytechniciens que l'année passée. Et sur le parcours en anglais, nous avons connu eu une forte croissance, de l'ordre de 30% du nombre de candidatures, en particulier en provenance des Etats-Unis alors même que les candidats faisaient face à des problèmes de visas pour nous rejoindre", ajoute le directeur d'établissement.

500 mètres plus loin, du côté de l'Enac (École nationale de l'aviation civile), la crise sanitaire a eu "un léger impact" sur les effectifs. "Sur la formation classique d'ingénieur, nous avons eu une baisse de 10% de l'affluence au concours. En revanche, sur le cursus de formation des pilotes, nous n'avons pas observé d'impact", remarque Mathy Gonon, le directeur des études et de la recherche au sein de l'établissement. Chaque année, cette formation de pilote de ligne ultra prisée attire un millier de candidats pour seulement une dizaine de places.

Pilot or not pilot ?

Anthony Gomes fait partie des heureux élus. Il entame sa première année de formation de pilote à l'Enac. "Quand j'étais enfant, je rêvais de devenir astronaute. Et puis au collège, j'ai découvert le métier de pilote de ligne par le père d'un de mes amis. Je me suis inscrit à l'aéroclub de ma ville où j'ai réalisé mes premiers vols. Je sortirai de l'Enac en 2023. Dans ma promotion, nous savons que nous n'allons pas directement entrer chez Air France. Peut-être qu'il faudra passer par des compagnies low-cost. À la limite, ce ne serait pas le pire des scénarios. Le plus embêtant, ce serait de ne pas avoir de boulot de pilote de ligne, même s'il existe des solutions pour faire de l'instruction en aéroclub ou de la surveillance aérienne."

Emilio Maggi a décidé de son côté de mettre en pause son rêve, le temps que la crise passe. "Depuis que je suis tout petit, je voulais devenir un pilote de ligne. Pour y parvenir j'ai fait un grand lycée parisien, une prépa, etc. J'ai été admis l'été dernier à l'Isae-Supaero et à l'Enac et j'ai choisi la première en me disant que j'allais mettre sur pause ma vocation de pilote pour me tourner davantage vers un cursus d'ingénieur. Rien n'empêche ensuite de retourner dans cette voie. Cette formation est même très bien vue des sélections pour les cadets d'Air France car nous avons des cours sur la mécanique de vol", assure le jeune ingénieur. Pour autant, ce n'est pas un choix fait par dépit. "Il existe beaucoup d'opportunités avec la perpective de l'avion à hydrogène. La première chose que les professeurs nous ont dit en arrivant à l'Isae-Supaero c'est que nous allions décarboner l'aviation", ajoute Emilio Maggi.

Adaptation des formations

Pour faire face à la nouvelle donne écologique, les écoles d'ingénieurs adaptent leurs programmes. "À l'Isae-Supaero, depuis 2014, nous avons intégré dans nos programmes de formation des modules spécifiques sur ces thématiques environnementales avec l'aide de soutien de l'industrie, en particulier des chaires avec des grands industriels comme Airbus et Safran autour de ces problématiques. Nous avons récemment introduit un module complet dans notre tronc commun de formation ingénieur sur ces questions spécifiques d'ingénierie environnementale appliquée à l'aéronautique et à l'espace", précise Olivier Lesbre.

Le directeur ajoute que par nature, les ingénieurs sont formés pour s'adapter dans n'importe quel contexte. Même si chaque année, entre 50 et 80% des jeunes diplômés s'orientent vers l'aéronautique et le spatial, l'école assure que ses élèves peuvent être recrutés dans d'autres secteurs. Depuis 2019, il existe un master baptisé Hada (helicopter, aircraft and drone architecture) pour préparer leurs ingénieurs à la conception des futurs aéronefs à l'heure où les frontières entre avions, hélicoptères et drones s'amenuisent.

À l'Enac aussi les contenus évoluent. Depuis quelques années, les apprentis pilotes apprennent à optimiser leur trajectoire pour diminuer la consommation de carburant. "Nous allons aussi amener nos élèves à réfléchir sur ce que cela signifie en termes de design aéroportuaire, d'introduire de l'hydrogène", glisse Mathy Gonon. Des bouleversements qui ne perturbent pas l'optimisme du futur pilote Anthony Gomes : "Dans ma vie, je serai pilote de ligne, c'est certain. C'est juste une question de temps."

- Retrouvez prochainement, la seconde partie de notre volet sur les jeunes et l'aéronautique à Toulouse. -

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