« À notre connaissance, c'est une première européenne », se réjouit Carole Delga, la présidente de la Région Occitanie. Devant l'élue socialiste, la société albigeoise Safra a fait défiler les deux premiers autocars rétrofités à l'hydrogène, confiés par la collectivité. Ayant fait aussi l'objet d'une rénovation intérieure, ces cars - destinés à réaliser de plus longues distances que les autobus - ont surtout gagné plusieurs années d'exploitation supplémentaires avec cette opération.
« Ces bus ont déjà parcouru entre 500.000 et 600.000 kilomètres et ils ne devaient plus être exploités sur nos lignes de transport par car. Mais avec le rétrofit à l'hydrogène, nous leur donnons une seconde vie. Ils vont gagner dix années d'exploitation supplémentaires », commente Jean-Franck Cornac, le directeur des mobilités au sein du conseil régional d'Occitanie.
Après avoir obtenu leur homologation au début du mois d'avril pour circuler sur la voie public, ils seront mis en service à la fin de ce mois-ci sur la ligne Albi-Saint-Sulpice-Lavaur, en concomitance avec l'entrée en fonctionnement de la station de distribution d'hydrogène de Saint-Sulpice. Par ailleurs, l'infrastructure sera alimentée dans un premier temps par l'unité de production d'hydrogène de la startup Lhyfe, installée à Bessières (Haute-Garonne) et inaugurée en décembre dernier.
« C'est le type de projet qui prend du temps car il y a une logique d'écosystème à mettre en place », poursuit le responsable.
Un partenariat avec OP Mobility
L'aboutissement de ce schéma est le fruit d'un programme de R&D de trois ans mené chez Safra, avec le soutien financier de l'Ademe et de l'État dans le cadre du plan France 2030. Sur ces autocars Mercedes, désormais à hydrogène, les équipes de Safra ont dans un premier temps démonté le moteur diesel et sa boite de vitesse, avant d'y intégrer des réservoirs à hydrogène et une pile à combustible à hydrogène (fournis par OP Mobility, anciennement Plastic Omnium) et un moteur électrique alimenté par celle-ci.
« OP Mobility nous fournit des réservoirs qui nous permettent de transporter 35 kilos d'hydrogène pressurisés à 350 bars, soit sous très haute puissance. L'hydrogène nous permet d'alimenter un moteur électrique et nous ne rejetons que de la vapeur d'eau. Ce rétrofit est un moyen pour aller plus vite vers la mobilité décarbonée », observe Vincent Lemaire, le président de Safra.
Sur les 220 collaborateurs présents dans l'entreprise installée à Albi, 85 ont été mobilisés sur ce projet, au cours duquel 500 heures de travail par véhicule ont été nécessaires, contre un coût à l'unité avoisinant les 300.000 euros par car. D'ici la fin de l'année 2024, Safra aura pour mission de livrer son client, la région Occitanie, 13 autres cars pour réaliser un rétrofit à hydrogène sur chacun d'eux et tous circuleront dans le Tarn.
Une nouvelle corde à l'arc de Safra
Pour lancer ce projet de rétrofit à hydrogène, Safra a attendu le soutien financier de la région Occitanie, comme premier client d'une technologie qui n'existait pas encore et en mettant ainsi sur la table pas moins de 7,2 millions d'euros. Désormais, la collectivité se laisse au moins un an d'observation, avant de pourquoi pas transformer d'autres véhicules de sa flotte de cars, elle qui en possède plus de 300.
« Quand il s'agit de la création d'une nouvelle filière industrielle, comme le rétrofit à hydrogène, c'est le rôle d'une collectivité de porter le risque au lancement, envoyer un signal et amorcer la pompe (...) Aujourd'hui, nous agissons comme client mais demain, nous pourrions, dans notre costume de donneur d'ordre, demander à nos transporteurs sous délégation de service public d'opter pour des cars rétrofités à l'hydrogène demain », projette Carole Delga.
Rien qu'en Occitanie, ce sont plus de 5.000 cars qui circulent au quotidien, tandis qu'en France nous immatriculons chaque année 6.000 nouveaux cars et 40.000 en Europe, selon Safra, qui voit là un nouveau marché potentiel s'ouvrir à lui. Un relais de croissance bienvenue pour une entreprise française déjà présente sur le marché des bus à hydrogène urbains neufs.
« Nous avons actuellement un carnet de commandes de 50 bus à hydrogène, ce qui représente 18 mois de travail. C'est un bon début (pour le nouveau modèle Hycity, ndlr). Maintenant, nous sommes positionnés sur des commandes potentielles de 2.500 véhicules en Europe, dans le cadre d'appels d'offres », souligne Vincent Lemaire, qui avait déjà vendu 23 bus à hydrogène en France de son premier modèle Businova.
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