Aéronautique : à Toulouse, la bataille des talents fait rage pour la remontée des cadences

REPORTAGE. Après avoir perdu près de 5.000 emplois sur l'année 2020 rien qu'en Haute-Garonne, la filière aéronautique se remet à recruter massivement pour préparer la remontée des cadences avec plus de 9.000 offres d'emplois sur un an. À Toulouse, « l'attraction naturelle » de la filière d'excellence ne suffit plus. Job-dating, recrutement par mise en situation, formation express en interne... tous les moyens sont bons pour attirer de nouveaux talents.
(Crédits : Rémi Benoit)

« Les cadences dans l'aéronautique vont devenir de plus en plus fortes dans les prochains mois et si nous n'arrivons pas à recruter rapidement du personnel qualifié cela va bloquer notre production », alerte Alexia Albert, responsable des ressources humaines chez Kep Technologies. Cette entreprise familiale de 130 salariés installée à Montauban est un sous-traitant aéronautique de rang 2 qui produit notamment des ensembles métalliques pour Liebherr ou Safran sur les principaux programmes d'Airbus. Comme une vingtaine d'entreprises de la région, elle est venue participer le 8 novembre à un job-dating organisé à Toulouse. « Nous recherchons notamment des régleurs sur presse, un savoir-faire qui tend à disparaître. Or si nos machines ne sont pas bien réglées, cela créé de la non-qualité », explique-t-elle.

Une situation observée sur l'ensemble de la région toulousaine. Après avoir perdu près de 5.000 emplois sur l'année 2020 rien qu'en Haute-Garonne, la filière aéronautique se remet à recruter massivement pour préparer la remontée des cadences.

« Pôle emploi a diffusé 9.000 offres d'emplois dans l'aéronautique en Haute-Garonne entre septembre 2021 et septembre 2022. L'augmentation des besoins est extrêmement forte, +113% dans la filière aéronautique contre +37% tous secteurs confondus dans le département », observe Olivier Jalbert, directeur territorial en Haute-Garonne de Pôle emploi, co-organisateur du job-dating avec les entreprises s'engagent, Cap emploi et des missions locales.

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« L'attractivité naturelle de la filière ne suffit plus »

Pôle emploi relève des tensions très fortes sur le recrutement par exemple de peintres aéronautiques, d'ajusteurs-monteurs, d'opérateurs de commande numérique, de profils dans la qualité ... « Pour recruter, il faut soit convaincre les salariés qui ont quitté le secteur pour X raisons d'y revenir, soit attirer de nouveaux profils », ajoute Olivier Jalbert. « L'attractivité naturelle de la filière ne suffit plus. Il faut aller chercher des profils à l'extérieur », abonde Olivier Dubreucq, directeur de l'agence d'intérim Manpower sur le secteur de Toulouse.

Une pénurie aussi observée par Yves-Olivier Lenormand, responsable relations institutionnelles d'Airbus Atlantic et membre de la communauté Les entreprises s'engagent. Airbus Atlantic, filiale de l'avionneur européen dédiée aux aérostructures, avait annoncé 700 recrutements en CDI rien qu'en 2022, sans compter les 250 alternants et 500 stagiaires et étudiants avec une moitié des postes pour accélérer la production. « Les ajusteurs-monteurs, c'est bien simple, il n'y en a plus sur le marché. Pour recruter, nous travaillons avec Pôle emploi et les agences d'intérim », remarque-t-il.

Tester les habiletés des candidats

Afin d'attirer de nouveaux profils sans se baser sur le CV, Pôle emploi a développé une méthode de recrutement par simulation (MRS) pour tester les habiletés des candidats. « Pour un poste d'ajusteur-monteur, les candidats sont soumis à des exercices pour observer le respect des consignes, la représentation dans l'espace et l'exécution de gestes avec dextérité », explique Sabrina Cabasset, conseillère chez Pôle emploi.

Eddy lui est grutier depuis 15 ans. Lors du job-dating, il teste ses habiletés pour devenir peintre aéronautique. Il doit avec un outil tracer une ligne ondulée à la verticale en suivant un schéma.

« Je fais de l'intérim mais en ce moment c'est calme alors pourquoi pas me tourner vers l'aéronautique comme je suis manuel et pointilleux, cela pourrait le faire ».

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Satys

Satys compte recruter 50 peintres par an sur trois ans (Crédits : Satys).

Beaucoup d'entreprises de la filière ont créé leur propre centre de formation. C'est le cas notamment du Toulousain Satys, leader mondial de la peinture d'avions neufs. « Nous devons recruter 50 peintres par an sur trois ans. Ne pas réussir n'est pas une option sinon les avions ne pourront pas être livrés. Nous avons mis en place une formation qui dure trois à six mois avec un formation pour trois peintres avec des cours théoriques et une mise en application sur avion avant une mise en pratique sur le cycle complet de peinture avec un accompagnant », décrit Tiphany Bacqué, responsable recrutement.

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Féminisation et nouveaux métiers

Chez Airbus, l'urgence de recruter se conjugue avec l'ambition de féminiser les effectifs dans la production aéronautique. Dès la formation, l'avionneur s'est fixé pour objectif de passer à 30% de filles au sein du Lycée Airbus à Toulouse à la rentrée 2023 (contre 23%) et de la même manière, Airbus veut atteindre 30% de femmes à la production des avions (contre 8% aujourd'hui).

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La filière doit aussi dénicher des profils sur de nouveaux métiers en matière d'hydrogène ou de cybersécurité, une denrée rare d'autant plus qu'une bataille des talents fait rage avec d'autres secteurs économiques. Ce besoin criant n'a pas échappé à Arsène Romaric. Il suffit que le jeune homme prononce le mot cybersécurité pour susciter l'intérêt des recruteurs du job-dating. Après une école d'ingénieurs au Cameroun, il a rejoint depuis le mois d'octobre un bachelor cybersécurité à Toulouse : « Comme je suis passionné d'informatique, j'ai hésité avec un cursus de développeur qui est aussi un métier très recherché.» L'étudiant a bon espoir de décrocher un stage dans l'aéronautique, « un secteur avec des données très sensibles».

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Commentaires 2
à écrit le 10/11/2022 à 9:51
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A l'aéronautique toulousaine, quel monde merveilleux, des sous-traitants pressurés qui payent au lance pierre et de grands donneurs d'ordres à l'ambiance étouffante qui payent certes un peu mieux mais toujours sur le mode Arpagon. Etonnant que les je...

le 11/11/2022 à 9:17
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Bonjour En france nous avons le remplacement du savoir-faire industriel difficile a réaliser.. Rares un ancien est le binôme d'un jeune ouvrier... Ensuite les entreprises souhaitent beaucoup d'expérience payer au smic... Bien sur ils ne faut...

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