Du bambou bientôt dans les avions, les satellites et les bateaux

Au sud de Toulouse, la société Cobratex est en train d'industrialiser la fabrication de produits à base de bambou, une plante poids plume source de gains environnementaux. Cette innovation pourrait arriver dans quelques années dans l'aménagement intérieur des cabines d'avion. Un premier bateau en bambou a aussi vu le jour et le spatial montre dernièrement des marques d'intérêt.
(Crédits : Rémi Benoit)

Du bambou dans les avions, « c'est l'histoire de quelques années », assure Edouard Sherwood, président de Cobratex. Depuis plus de dix ans, cette société haut-garonnaise planche sur l'industrialisation de cette plante. Grâce à son poids plume (quatre fois plus léger que la fibre de verre et encore plus léger que la fibre de carbone), le bambou pourrait apporter à l'industrie d'importants gains de masse et donc une réduction de consommation de kérosène dans les appareils. La plante a aussi l'avantage d'être un puits de carbone (60 tonnes de CO2 capturées en moyenne par hectare de bambou) et pourrait alléger l'impact environnemental d'un avion sur l'ensemble de son cycle de vie.

En une décennie, Cobratex a accompli des bonds de géant dans ses processus industriels. A partir de larges tiges de bambou cultivées notamment en Ariège par la société Bambouctou, une première machine sort des lamelles qui sont ensuite soudées entre elles par un second instrument pour former des bobines de ruban. L'entreprise va plus loin et produit des rouleaux de plaques, tissées ou non, déjà imprégnées de résines. La prochaine étape sera la création d'une ligne de production pré-industrielle d'ici un an et demi.

cobratex

Cobratex est en train d'automatiser la fabrication de bobines de ruban à base de bambou. (Crédits : Rémi Benoit)

Lire aussiCobratex veut équiper les avions et les voitures avec de la fibre de bambou

Nez d'avion et aménagement de la cabine

Depuis 2018, la société planche aux côtés d'industriels comme Arkema, premier groupe de chimie française qui a développé une résine à base d'huile de ricin, la PME toulousaine Mecano ID, qui produit des pièces composites pour le spatial ou encore le Cirimat (Centre interuniversitaire de recherche et d'ingénierie des matériaux) pour accélérer la mise sur le marché de produits à base de bambou. Lors de la première vague du projet, le consortium a notamment réalisé des nez d'avions à échelle réduite. « Nous sommes parvenus à montrer qu'il est possible de fabriquer une telle pièce aussi complexe, avec double courbure, en fibre de bambou. Aujourd'hui, les radômes (pointe avant d'un aéronef) sont fabriqués avec de la fibre de verre, mais l'impact environnemental est très mauvais. Le bambou a l'avantage comme la fibre de verre d'être transparent aux radiofréquences, ce qui est essentiel pour la bonne transmission des ondes radar », fait remarquer Maria Sansa-Bernat, ingénieure chez Mecano ID qui a fabriqué ces nez d'avions.

La société a aussi pu démontrer qu'en intégrant du bambou dans les plaques de fibre de carbone améliorait la capacité d'amortissement du matériau. « Le carbone est extrêmement raide et subit de fortes contraintes, notamment lors du décollage. Insérer des fibres de bambou permet d'amortir ces vibrations et ainsi minimiser les contraintes mécaniques à l'intérieur de la pièce », ajoute-t-elle.

Le projet a aussi permis de fabriquer une porte de compartiment à bagages d'avion.

« Nous observons un grand intérêt depuis quelques années de la filière aéronautique pour ces nouveaux matériaux notamment pour l'aménagement intérieur des cabines. Cette porte de compartiment à bagages permet un gain de masse de 30% par rapport à la fibre de verre, c'est énorme. Ce matériau n'a pas besoin d'être peint, ce qui peut générer également des économies. Au-delà des performances, les avionneurs sont attirés par le côté esthétique du bambou qui tranche avec le blanc présent dans les avions », remarque Edouard Sherwood.

cobratex

Une porte de compartiment à bagages d'un avion a été réalisée en bambou. (Crédits : Rémi Benoit)

Lire aussiComment Airbus veut alléger l'empreinte carbone des cabines de ses avions

Lever les verrous de la certification

Au-delà de l'aviation commerciale, ce type de produit pourrait trouver des débouchés dans l'aviation légère où les contraintes réglementaires sont allégées. Cobratex perçoit une entrée en service accélérée pour des pièces de l'avion éloignées des passagers et dont où la certification est plus facilement atteignable comme par exemple les trappes présentes au sein de l'aéronef.

Depuis cet été, le consortium a lancé la seconde phase du projet, baptisé Bamco 2 et qui a reçu le soutien de France 2030, pour lever les freins restants à la certification de ces nouveaux matériaux. Concernant, l'aménagement des cabines, l'un des points bloquants actuellement est le dégagement de chaleur trop important du matériau en bambou.

« Je suis assez optimiste sur le fait qu'à un horizon proche, les industriels comme Airbus Atlantic ou Safran fassent appel à ce type de matériaux pour l'aménagement des cabines. il reste à régler quelques challenges pour atteindre la certification aéronautique. L'une des autres difficultés avec les matériaux biosourcés est que par exemple la qualité et la typologie des fibres peut différer entre deux tiges de bambou. Il faudra trouver des procédés industriels pour faire fi de cette variabilité en entrée des matières premières », commente Eric Giraud, directeur général du pôle de compétitivité Aerospace Valley qui a labellisé le projet.

cobratex

cobratex

A partir de tiges de bambou, Cobratex réalise des renforts pour l'industrie. (Crédits : Rémi Benoit)

En favorisant des matériaux biosourcés, le dirigeant y voit aussi l'opportunité d'intégrer d'emblée le devenir des pièces en fin de vie. « Aujourd'hui, il reste encore certaines matières sur un avion qu'on ne sait pas réutiliser, cela génère des déchets ultimes. Privilégier des matières naturelles dès la conception permet de les retraiter. Cette biomasse pourrait pourquoi pas alimenter une usine de carburants d'aviation durable (SAF) », ajoute-t-il.

Un bateau en bambou déjà en service

Au-delà de l'aéronautique, le nautisme ou l'automobile offrent des débouchés prometteurs pour le bambou. A l'occasion du JEC salon mondial dédié aux matériaux composites, Cobratex a exposé son premier bateau réalisé pour le compte du chantier naval Atelier Interface dans lequel la coque, le pont, l'aménagement intérieur et même le safran sont en bambou.

COBRATEX

Un bateau en bambou a été réalisé par Cobratex. (Crédits : Atelier Interface)

Le navire a été déjà soumis à rude épreuve pour accomplir les qualifications de l'Imoca, passage obligé pour les voiliers destinés aux courses en solitaire comme le Vendée Globe ou la Route du Rhum. « Pendant une course, les pièces métalliques ont été abîmées mais les morceaux en bambou n'ont pas bougé », souligne Edouard Sherwood.

Le spatial cherche à réduire son empreinte carbone

 Le dirigeant observe aussi depuis mois une appétence grandissante du secteur spatial pour l'utilisation des matériaux durables. Ces derniers jours, le Japon a ainsi annoncé la confection d'un premier satellite en bois, qui pourra donc entièrement disparaître en fin de vie et éviter la génération de débris supplémentaires dans l'espace « Avec la création de nombreuses constellations de satellites, la filière recherche des alternatives pour améliorer l'empreinte écologique du secteur », observe Nordin Lebbad, responsable de la ligne de produits structure au sein de Mecano ID. La PME aimerait « remplacer en partie ou en totalité la fibre de carbone par des matériaux biosourcés mais aussi créer de nouveaux produits qui tirent profit des performances d'amortissement du bambou » dans ses pièces composites à destination du spatial. Cobratex travaille également avec Airbus Defence & Space pour certaines pièces de ses satellites.

Dernier facteur d'optimisme pour Cobratex, face à la pression accrue sur les industriels pour réduire leur empreinte environnementale, le facteur prix n'est plus aussi déterminant dans le choix des matériaux, ouvrant une brèche pour l'essor du bambou.

Lire aussiSpatial : Astroscale grandit à Toulouse après avoir lancé son premier satellite d'inspection de débris

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 08/04/2024 à 12:24
Signaler
L'écurie de F1 Alpine pourrait en tirer partie pour améliorer

le 08/04/2024 à 17:03
Signaler
Ils ne seraient pas déjà en bambou leurs moteurs ? :)

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.