Spatial : Kinéis, fer de lance des ambitions françaises en matière de constellations

Depuis Toulouse, Hemeria finalise l'assemblage de Kinéis, la toute première constellation européenne dédiée à l'Internet des objets qui sera lancée cet été. Derrière ce projet, l'ambition française d'industrialiser la fabrication de nanosatellites.
Depuis Toulouse, Hemeria finalise l'assemblage de Kinéis, la toute première constellation européenne dédiée à l'Internet des objets.
Depuis Toulouse, Hemeria finalise l'assemblage de Kinéis, la toute première constellation européenne dédiée à l'Internet des objets. (Crédits : Rémi Benoit)

« Ces satellites sont capables d'entendre l'équivalent d'un bip de télécommande au milieu d'un brouhaha de signaux radiofréquences à 600 kilomètres d'altitude. La finesse d'étude, de fabrication ou de mise au point des satellites les placent haut de gamme d'un écosystème de petits satellites actuellement très animé », commente Nicolas Multan, directeur général d'Hemeria. Le groupe toulousain est actuellement à pied d'oeuvre pour finaliser l'intégration des 25 satellites de la constellation Kinéis qui sera envoyée en orbite à partir de la mi-juin depuis la Nouvelle-Zélande par Rocket Lab . « C'est la première en Europe dédiée à l'Internet des objets (IoT) », rappelle Alexandre Tisserant, président de Kinéis.

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Six ans après sa création, la spin-off de CLS (Collecte Localisation Satellites), la filiale du CNES et opérateur historique du système Argos utilisé pour suivre les animaux et les bateaux est en passe de réussir son pari audacieux de lancer une constellation entièrement made in France, quatre ans seulement après une levée de fonds historique dans le spatial de 100 millions d'euros et la confection du démonstrateur Angels.

Un satellite par semaine

Dans la salle blanche construite spécialement pour la constellation, une dizaine de salariés d'Hemeria se relaient pour intégrer sur les satellites les équipements fournis par une dizaine de sociétés partenaires, pour la plupart toulousaines, à l'instar des antennes de Comat, mais aussi les équipements de distribution d'énergie d'Erems ou encore les essais de vibration réalisés par Mecano ID. Une société d'Afrique du Sud a pour sa part fourni un système de contrôle d'attitude du satellite (magnéto-torqueurs).

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Salle blanche où sont intégrés les nanosatellites. (Crédits : Rémi Benoit)

La cadence de production est élevée.

« Il faut en moyenne six à neuf semaines pour réaliser l'ensemble du processus sur un satellite. Pour arriver à sortir un satellite par semaine, nous menons en parallèle l'intégration de cinq à huit satellites à des stades différents », explique Driss Kouach, chef de projet depuis la salle blanche.

De son côté, Thales Alenia Space est responsable de la charge utile et du centre de mission pour collecter les données et le CNES pilotera le centre de contrôle pour piloter le satellite. « Kinéis est le maître d'oeuvre de la constellation et a aussi déployé un réseau de 20 stations sol à travers le monde pour récupérer les signaux des nanosatellites. Au total, le projet aura fait travailler 200 personnes (dont 60 collaborateurs de Kinéis) », précise Alexandre Tisserant.

« Il faut savoir que 60 à 70 % de la valeur de nos produits est réalisée en dehors des locaux d'Hemeria et nourrit tout un écosystème d'équipementiers. Cela a été un vrai challenge de constituer cet écosystème qui travaillait pour les grands programmes spatiaux mais qui n'était pas taillé pour le NewSpace », se remémore Nicolas Multan.

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Nicolas Multan, directeur général d'Hemeria. (Crédits : Rémi Benoit)

Au moment du lancement de Kinéis en 2016, Hemeria avait déjà un pied dans les constellations de télécommunications de Global Star, O3B ou encore Irridium et commençait la fabrication d'équipements pour Oneweb. « Nous avions déjà cette démarche de production en série. En cas de problème sur la ligne, nous avions mis en place "des hôpitaux", pour sortir de la chaîne l'équipement en cause pour le soigner et ne pas perturber la fabrication », développe Nicolas Multan.

Rampe de lancement pour de futures constellations

Après avoir investi un million d'euros entre la salle blanche, les moyens d'essais et l'outillage pour mettre sur pied la constellation Kinéis, Hemeria ne compte pas en rester là. L'ETI a été choisie pour fabriquer les 20 nanosatellites de la constellation européenne d'observation de la Terre de Prométhée et travaille aussi pour Unseenlabs. Le groupe, qui totalise 400 collaborateurs pour 67 millions d'euros de chiffre d'affaires, entend à terme produire dix à quinze nanosatellites par an, une activité qui pourrait générer 30 millions d'euros.

Pour sa part, Kinéis (sept millions d'euros de chiffre d'affaires en 2023) a l'ambition d'arriver à l'équilibre et de dépasser la vingtaine de millions d'euros sur trois ans. « Nous visons un petit tiers du marché global de l'IoT satellitaire à la fin de la décennie, soit en gros une centaine de millions d'euros », annonce le président de Kinéis.

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La constellation est composée de 25 satellites de 30kg chacun. (Crédits : Rémi Benoit)

 Des revenus générés par la myriade de services rendus possibles par la constellation. Kinéis a déjà engrangé des contrats auprès d'une centaine de clients : Europort, filiale d'Eurotunnel, veut suivre des centaines voire des dizaines de milliers de wagons à travers toute l'Europe grâce à un objet connecté qui détecte la position et l'état des freins des véhicules, Suez veut suivre les niveaux d'eau de ses puits et EDF compte surveiller le niveau de débit des barrages. L'IoT satellitaire pourrait servir aussi dans la détection précoce des feux de forêt dans ces zones non couvertes par les réseaux de télécommunications terrestres pour déclencher à moindre coût des alertes à destination des pompiers, seulement quelques minutes après le départ de l'incendie. Dix des 25 nanosatellites disposeront également d'une fonction AIS, un outil de détection des bateaux à l'origine utilisé comme un système anti-collision qui offrira le premier système européen de détection des bateaux par satellite.

La voie tracée par la constellation Kinéis a déjà donné l'élan à une série de startups françaises de s'engager dans la bataille mondiale des nanosatellites. « L'exemple de Kinéis et voir le soutien de l'Etat au projet a donné envie à des entrepreneurs de se lancer », se souvient Nicolas Multan.

Toulouse est désormais en première ligne d'une série de l'émergence d'une filière française de nanosatellites. A l'automne, U-Space a lancé la construction dans la Ville rose d'une usine de 1.000 m2 capable de produire à pleine capacité un satellite par jour fin 2026. En juin dernier, c'est E-Space, fondée par Greg Wyler, ex-boss de OneWeb, qui a annoncé son implantation dans la région avec l'ambition d'ouvrir une usine de 20.000 m2 près de Toulouse pour produire les milliers de satellites de ses futures constellations.

Lire aussiSpatial : U-Space lance à Toulouse la construction de son usine de nanosatellites

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Commentaires 2
à écrit le 11/03/2024 à 22:06
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J'ai eu un poil qui c'est levé. Que c'est beau ces ambitions françaises en nouvelle Zélande.

à écrit le 11/03/2024 à 18:20
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Ça rappelle sigfox… à l arrivée un bide total. Les satellites pour connecter des objets bat débit, je vois pas très bien comment le business plan va passer un jour en positif… sauf à connecter des trillions d objets. L expérience de réseaux mobiles ...

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