Spatial : Kinéis prêt à lancer cet été sa constellation Made in France

Kinéis est en passe de réussir son pari audacieux de lancer une constellation entièrement Made in France, quatre ans seulement après une levée de fonds historique dans le spatial de 100 millions d'euros. Au-delà du challenge technique, les 25 nanosatellites ouvrent la voie à un nouveau modèle économique dans l'Internet des objets : suivre des millions de balises à des prix modiques pour détecter les feux de forêts, localiser des wagons de marchandises ou encore veiller au bon état des lignes électriques.
Alexandre Tisserant, CEO de Kinéis.
Alexandre Tisserant, CEO de Kinéis. (Crédits : Rémi Benoit)

« En France, nous sommes toujours éblouis par ce que font Elon Musk avec SpaceX et les Américains. Mais aujourd'hui Kinéis envoie un signal hyper fort. Quatre ans après avoir levé 100 millions d'euros, une somme historique pour le spatial français, nous allons lancer une constellation de 25 nanosatellites Made in France. Mis à part la constellation OneWeb (dont les dix premiers exemplaires ont été fabriqués à Toulouse), cela n'a jamais été fait dans le pays », salue Alexandre Tisserant, président de Kinéis.

Six ans après sa création, la spin-off de CLS (Collecte Localisation Satellites), la filiale du CNES et opérateur historique du système Argos utilisé pour suivre les animaux et les bateaux, annonce ce mardi 16 janvier être prête à lancer sa constellation à partir du mois de juin. La constellation est entièrement produite en France par Hemeria (plateforme et intégration du satellite), Thales Alenia Space (charge utile et centre de mission pour collecter les données), Comat pour les antennes et le CNES pilotera le centre de contrôle pour piloter le satellite. Kinéis pour sa part est le maître d'oeuvre de la constellation et a déployé un réseau de 20 stations sol à travers le monde pour récupérer les signaux des nanosatellites. Au total, le projet aura fait travailler 200 personnes (dont 60 collaborateurs de Kinéis).

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Des millions d'objets suivis et quinze minutes de latence

Les 25 nanosatellites seront livrés au mois de mars et envoyés depuis la Nouvelle-Zélande par Rocket Lab par lot de cinq sur une période de huit mois, à raison de quatre lancements en 2024 et un cinquième tout début 2025. Cette constellation de 25 nanosatellites s'ajoutera aux neuf satellites déjà en opération du système Argos et viendra offrir des performances décuplées.

« Alors qu'aujourd'hui 20.000 terminaux sont connectés au système Argos, nous pourrons demain suivre des millions de balises avec la constellation Kinéis. De même, là où il fallait plusieurs heures avant de recevoir au sol les données, le délai de latence va tomber entre dix et quinze minutes », avance Alexandre Tisserant.

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(Crédits : Kinéis)

Un résultat possible grâce à la miniaturisation du système dans des satellites poids plume (30 kilos chacun). Kinéis a aussi complètement revu la conception des balises utilisées pour suivre les objets.

 « Le système Argos reposait sur des balises très perfectionnées avec un développement proche de l'artisanat », analyse le président de Kinéis qui prend en main un objet minuscule de cinq grammes, imaginé pour suivre de petits oiseaux et vendu plusieurs milliers d'euros. « Avec Kinéis, nous arrivons à des balises qui coûtent une centaine d'euros pour des coûts d'abonnement data de quelques euros par mois, là où avant c'était au moins quelques dizaines d'euros. Globalement, nous divisons à la fois le prix du terminal et de la connectivité par dix avec de meilleures performances », ajoute le dirigeant. Les balises seront capables de disposer d'une autonomie de plusieurs mois voire plusieurs années en se limitant à envoyer quelques messages par jour avec des données parcimonieuses sur l'objet : position, température, pression, niveau de CO2...

De quoi décupler aussi les cas d'usage de la technologie, jusqu'ici centrée autour des applications scientifiques et environnementales, mais aussi de l'ouvrir au secteur privé. Kinéis a déjà engrangé des contrats auprès d'une centaine de clients : Europort, filiale d'Eurotunnel, veut suivre des centaines voire des dizaines de milliers de wagons à travers toute l'Europe grâce à un objet connecté qui détecte la position et l'état des freins des véhicules, Suez veut suivre les niveaux d'eau de ses puits et EDF compte surveiller le niveau de débit des barrages. L'IoT satellitaire pourrait servir aussi dans la détection précoce des feux de forêt dans ces zones non couvertes par les réseaux de télécommunications terrestres pour déclencher à moindre coût des alertes à destination des pompiers, seulement quelques minutes après le départ de l'incendie.

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 Un enjeu de souveraineté

Dix des 25 nanosatellites disposeront également d'une fonction AIS, un outil de détection des bateaux à l'origine utilisé comme un système anti-collision mais qui permet de livrer une traçabilité des flux maritimes mondiaux. Kinéis a développé avec Thales Alenia Space, CLS et le CNES une technologie innovante basée sur des algorithmes capables de détecter les bateaux, y compris dans des zones très denses où les signaux sont brouillés. La constellation offrira le premier système européen de détection des bateaux par satellite. « C'est important d'avoir notre propre source de données. Par exemple, l'année dernière, la Chine a coupé son flux d'informations et l'Europe n'avait plus accès aux données côtières chinoises », relève Alexandre Tisserant.

 Au-delà de cette technologie pour la détection des bateaux, Kinéis fait entrer la France dans la bataille des constellations de connectivité. « Il n'existe pas beaucoup de concurrents aujourd'hui mondialement », a salué le président du CNES Philippe Baptiste lors de ses voeux à la presse le 9 janvier dernier. Un constat partagé par le dirigeant de Kinéis : « Parmi la pléthore d'annonces des cinq dernières années, très peu de projets ont dépassé la barrière du PowerPoint. Notre principal concurrent est l'Australien Myriota qui veut également étendre une constellation de nanosatellites dédiés à la connectivité des objets connectés. » Kinéis estime que sa constellation sera complémentaire des réseaux terrestres, type Lora, qui ne couvrent que 15 % de la surface du globe et même des offres plus haut de gamme fournies par Iridium pour connecter les téléphones satellitaires. La constellation Made in France pourrait aussi s'ouvrir au marché militaire pour la logistique du matériel et des troupes.

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