Régionales : qu'attendent les syndicats de la politique industrielle en Occitanie ?

En l'espace d'un an, l'Occitanie a perdu plus de 6.000 emplois dans la filière aéronautique. L'échelon régional peut-il vraiment constituer un rempart face à aux plans sociaux ? Et comment encourager une politique industrielle moins dépendante de l'aéronautique ? Pour répondre à ces questions, La Tribune a voulu entendre la voix des représentants syndicaux d'Airbus, Akka et Derichebourg, qui ont vécu au plus près ces PSE au cours des derniers mois.
La région peut-elle vraiment constituer un rempart face aux plans sociaux
La région peut-elle vraiment constituer un rempart face aux plans sociaux (Crédits : Rémi Benoit)

Dès mai 2020, Derichebourg avait ouvert le bal des coupes dans les effectifs de la filière aéronautique. Le sous-traitant toulousain dont 95% de l'activité dépendait d'Airbus brandissait la menace d'un plan social pouvant toucher jusqu'à 700 postes si les syndicats refusaient la mise en oeuvre d'un accord de performance collective (APC) revenant sur certains acquis sociaux. Malgré l'intervention médiatique du ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, sur le dossier, l'accord a finalement été signé et plusieurs centaines de salariés en ayant refusé les conditions ont été licenciés. Une casse sociale qui aurait pu être évitée d'après Laurent Calvet, secrétaire national Unsa Aérien et délégué syndical de l'entreprise.

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"Derichebourg aurait pu bénéficier de soutien pour rebondir et éviter cette perte de pratiquement 500 emplois mais le groupe avait alors refusé. Nous avions été reçus par le cabinet de la présidente de région qui nous avait parlé de maintien de compétences, de formation, etc. Le hic, c'est que nous n'en avons pas vu la couleur parce que le groupe Derichebourg a refusé les aides nationales et régionales", regrette le syndicaliste.

Les régions font-elles le poids face aux dirigeants d'entreprises ?

L'exemple emblématique de Derichebourg n'a été que le point de départ d'une litanie de plans sociaux en 2020 chez Airbus et surtout ses sous-traitants (AAA, Daher, Akka, Figeac-Aero, Liebherr, etc.). Au total, rien que sur l'année 2020, la région Occitanie a perdu 6.200 salariés dans la filière aéronautique. Face à ces plans sociaux, la collectivité régionale peut-elle vraiment constituer un rempart ? "Pas si les entreprises ne sont pas prêtes à jouer le jeu", souligne Laurent Calvet en s'appuyant sur le vécu au sein de son entreprise.

Du côté d'Airbus, les syndicats s'estiment plus chanceux car les mois de négociations ont pu permis d'atteindre l'objectif de 4.200 suppressions de postes à Toulouse sans licencier. "Dans une entreprise comme Airbus, le dialogue social a fonctionné. Nous avons pu chercher de l'aide, des soutiens et arriver à des résultats. Mais dans des entreprises qui mettent en oeuvre des plans sociaux plus agressifs, où le dialogue social est rompu, je pense que l'échelon régional pourrait peser davantage, soit par  l'intermédiaire de la Drets (ex-Direccte) qui représente l'Etat ou que les régions directement soient davantage impliquées", souligne Florent Veletchy, élégué syndical central CFTC Airbus.

Même si, ajoute-t-il, le conseil régional ne dispose pas de la même force de frappe que le gouvernement pour établir un rapport de force avec les entreprises. "Les aides étatiques cela peut représenter des sommes de plusieurs millions d'euros pour les grands groupes comme Airbus. Face à de tels moyens, il est possible d'obtenir des engagements forts de la part des patrons. C'est moins aisé pour une collectivité territoriale plus petite", note-t-il. Même son de cloche pour Dominique Delbouis, coordinateur Force Ouvrière d'Airbus Group qui rappelle que "les aides régionales représentent des montants très faibles en comparaison des subventions de l'État. Le plan de relance à la filière aéronautique, c'est 15 milliards d'euros contre 100 millions pour l'Occitanie".

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Une note sociale des entreprises avant d'attribuer des aides ?

L'un des plans sociaux qui a le plus défrayé la chronique ces derniers mois est celui d'Akka Technologies. La société d'ingénierie a électrisé les syndicats en annonçant que plus d'un millier d'emplois de collaborateurs inoccupés étaient menacés rien que dans la région toulousaine. Au final, au fil des redéploiements vers de nouveaux projets R&D, la jauge a été réduite même si 300 emplois restent en danger dans la Ville rose. "Il ne faut plus d'aides aux entreprises qui licencient", s'insurge Franck Laborderie, délégué CGT chez Akka. En ligne de mire des représentants des salariés, le million d'euros promis par la région Occitanie à Aura Aéro pour construire son futur avion électrique de 19 places baptisé ERA. Un projet sur lequel seront mobilisés une quarantaine d'ingénieurs d'Akka. "La région nous dit qu'aucune aide ne sera versée à Akka. Mais Akka n'est pas pas bénévole dans le projet ERA. Qui va rémunérer les ingénieurs mobilisés pour cet avion électrique ? Pour moi, il s'agit d'aides versées indirectement à Akka", fulmine le représentant CGT.

Pour éviter cet écueil, le syndicaliste plaide pour un renforcement de la conditionnalité des aides économiques régionales.

 "Il faut que le maintien de l'emploi soit requis. Si on n'impose pas de conditionnalité, cela équivaut juste à dire que la région Occitanie soutient son jouet électrique. Il faudrait arriver à un équilibre avec des entreprises à haute valeur ajoutée en termes de technologie, qui préservent la main d'oeuvre et permettent le développement d'un tissu industriel régional. Pourquoi ne pas instaurer une note sociale aux entreprises avant d'attribuer des aides ?"

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Une vision forte de la région pour sortir du tout-aéronautique

Le deuxième enjeu mis en lumière par la crise économique est l'hyper-dépendance du tissu régional à l'industrie aéronautique. Comment faire pour que l'économie régionale ne s'écroule pas au moindre plongeon de cadences d'Airbus ?

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"Nous comptons sur la région pour qu'elle insuffle une vision pour sortir de la mono industrie et accélérer le développement multisectoriel. C'est elle qui va aiguiller les financements apportés sur les projets sur lesquels les entreprises vont pouvoir investir", fait valoir Franck Laborderie.

Pour sa part, Dominique Delbouis glisse : "Ce que nous attendons des candidats aux élections régionales et aux présidentielles l'année prochaine, c'est vraiment d'avoir une politique résolument orientée vers l'industrie, avec la localisation ou la relocalisation des activités industrielles sur nos territoires qui doivent devenir extrêmement compétitifs en la matière. Il suffit de voir la politique industrielle, le lobbying fait sur l'emploi industriel en Allemagne ou en Italie pour s'en convaincre."

Même si le syndicaliste salue les prises de position fortes des responsables politiques ces derniers mois sur ce terrain, ils les appellent à passer désormais à passer aux actes.

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