Régionales : Qui est Carole Delga, celle qui veut prendre part au débat en 2022 ?

Présidente du conseil régional d'Occitanie depuis 2016, la socialiste Carole Delga a pris une dimension nouvelle ces dernières années, et surtout ces derniers mois. Son entourage salue sa capacité de travail, tandis que ses détracteurs la réduisent à une simple communicante. Mais qui est-elle réellement et peut-elle jouer un rôle lors de l'élection présidentielle 2022 et après ? Portrait.
La socialiste Carole Delga a gravi rapidement tous les échelons en une dizaine d'années.
La socialiste Carole Delga a gravi rapidement tous les échelons en une dizaine d'années. (Crédits : Rémi Benoit)

"Je n'oublie pas d'où je viens et je suis déterminée pour aller là où je veux aller", nous lance Carole Delga. C'est certainement ce positionnement qui a poussé la socialiste à faire l'improbable un mardi 9 juin 2015. Alors secrétaire d'État chargée du Commerce, de l'Artisanat, de la Consommation, et de l'Économie sociale et solidaire, elle annonce elle-même sur Twitter sa date de sortie du gouvernement pour se consacrer à sa candidature à la tête de ce que nous appelions à l'époque la super-région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon.

Sans le dire, elle force son destin alors que d'autres noms sont évoqués pour représenter la gauche à ce scrutin comme la ministre du Logement de l'époque et la radicaliste de gauche, Sylvia Pinel, le président socialiste du département du Gers, Philippe Martin, mais aussi le dissident et maire de Montpellier, Philippe Saurel (battu en 2020 par Mickaël Delafosse). "C'est une femme de caractère", confirme Philippe Martin, qui fait désormais partie de son cercle proche. "C'était une chance incroyable qu'une femme puisse prendre la présidence d'une telle région, aux territoires très divers et aussi grande que certains pays comme l'Irlande. J'ai donc très rapidement fait le choix de la soutenir", se remémore-t-il. La suite, nous la connaissons. Mais il est vrai qu'à la veille du scrutin de 2015, les femmes à la tête d'un exécutif régional se font très rares, un avantage selon l'ancienne secrétaire d'État.

"Soyons clair, être une femme quarantenaire sur la décennie qui vient de passer c'est un atout. Ce qui est plus difficile pour une femme c'est d'accéder à un certain niveau de responsabilité, mais quand vous êtes à ce niveau de responsabilité et à compétences égales avec un homme, c'est un atout d'être une femme. Seulement, le parcours d'accès est beaucoup plus dur car nous devons prouver encore plus de choses et combattre les stéréotypes", témoigne-t-elle.

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Les appartements de fonction ont été transformés en chambres d'accueil

Au-delà de l'opportunité sociétale que représente l'élection d'une femme à ce mandat, ce scrutin est l'occasion pour Carole Delga de revenir à ses origines. Née à Toulouse, le 19 août 1971, elle grandit et fait ses études en Midi-Pyrénées, entre la Ville rose et le Comminges, tout en vivant du côté de Martres-Tolosane, où elle y est élue maire en 2008, marquant de fait son entrée en politique. Hormis ses 12 mois passés à Bercy et dans la région parisienne, lors de son court passage au gouvernement sous François Hollande, sa maison d'enfance dans cette petite commune au sud de Toulouse est restée sa résidence principale.

"Dans ma vie privée, je fais en sorte de rester la même et je reste accessible. J'ai refusé les appartements de fonction du conseil régional et d'ailleurs ils n'existent plus car ils ont été transformés en chambres d'accueil pour les élus et cadres qui sont en déplacement sur l'un des deux sites à Toulouse, ou Montpellier. J'ai souhaité rester dans ma maison de village et d'enfance car je sais que là-bas le titre ne change en rien ma relation avec les gens. Cela me permet de rester au contact du monde réel. Je suis lucide sur l'isolement que peut provoquer le pouvoir et tout poste à responsabilité", raconte la présidente du conseil régional d'Occitanie depuis 2016.

Un choix qui ne surprend pas ses premiers soutiens comme le député de la huitième circonscription de Haute-Garonne, Joël Aviragnet, qui remplace Carole Delga à ce poste lors de sa nomination au gouvernement en 2014 et qu'il gardera par la suite. "Carole incarne la proximité et le service aux autres, elle est profondément humaniste. C'est un aspect de sa personnalité qui résulte en partie de sa provenance d'un milieu très rural", témoigne celui qui partage le point commun avec elle d'avoir été élu maire dans le Comminges en 2008 et ce, pour la première fois. Mais tout en étant maire, la jeune élue locale développe une carrière de fonctionnaire territoriale depuis 1994. Au fil de son parcours, elle intègre les services du conseil régional Midi-Pyrénées en 2005, en tant que directrice adjointe du service de l'aménagement du territoire.

"Lors de nos réunions de travail internes, j'ai observé chez elle un incroyable esprit de synthèse, et de manière très organisée. Elle expose très rapidement toutes les composantes d'un sujet, de manière globale, tout en anticipant les potentielles conséquences de chaque décision", se souvient Martin Malvy, président de la région Midi-Pyrénées, entre 1998 et 2015.

"J'ai aussi eu de la chance"

Séduit par les compétences de cette fonctionnaire méconnue du grand public, il insiste pour qu'elle fasse campagne à ses côtés en 2010 et la nomme même directrice de sa campagne. "Quand je l'ai repérée, j'ai de suite remarqué qu'elle avait les capacités pour faire un bonne vice-présidente", ajoute-t-il. Réélu, il s'exécute alors et la propulse vice-présidente chargée des questions de Ruralité, des Services au public en milieu rural et des Technologies de l'information et de la communication (TIC). "Lors de son passage comme vice-présidente, elle a proposé un plan régional de 50 millions d'euros pour le haut débit, alors qu'il en fallait dix fois plus pour répondre aux enjeux du moment et prévoir ceux de demain ! Elle était déconnectée de la réalité et cela démontre la limite de ses compétences", tacle un élu local. Ce mandat ne laisse pas d'éternel souvenir et elle préfère se consacrer à son territoire local. Elle se fait ainsi élire en 2012 comme député à l'occasion des élections législatives et démissionne de sa vice-présidence, tout en gardant son mandat de maire. Elle ne revient au conseil régional que par la grande porte comme présidente de la nouvelle grande région en janvier 2016.

"C'est un parcours qui a demandé beaucoup de travail, mais j'ai aussi eu de la chance. Je suis consciente qu'il y a ces deux facteurs, mais cela a été une décennie passionnante", estime Carole Delga, en retraçant son parcours. "Dans la vie, il faut avoir par moment un peu de chance. Même quand j'ai été choisie secrétaire d'État, nous étions trois ou quatre à avoir les qualités pour ce poste".

Une fois propulsée à la tête de la nouvelle collectivité, le chantier est immense pour la nouvelle élue : fusionner deux territoires qui s'opposent en beaucoup de points. "Cela n'a pas été facile pour elle. Mais grâce à son parcours passé dans le conseil régional de Midi-Pyrénées, elle a pris rapidement le costume et a affirmé sa personnalité. Tout ça lui  a été utile dans la construction de cette nouvelle grande région", analyse Martin Malvy, avec qui Carole Delga échange souvent depuis la passation. Autre point majeur, tous les proches interrogés saluent une capacité de travail importante.

"C'est une bosseuse car elle a besoin de rentrer dans le fond de chaque dossier. Elle consacre au moins 15 heures par jour à son mandat. Et comme elle fait beaucoup de déplacements, sa voiture est devenue son bureau. La partie centrale de la banquette est comme un petit bureau. D'ailleurs, quand elle est dans la voiture, elle ne parle avec personne la plupart du temps, elle en profite pour étudier", raconte Joël Aviragnet. "Elle cultive cette image de la gentille institutrice du coin, qui travaille beaucoup et c'est indéboulonnable. Cette posture fait que la presse locale roule pour elle", rétorque un autre opposant.

Une gestion de la crise sanitaire remarquée

Néanmoins, ses adversaires pour les prochaines élections régionales de juin 2021 ne manqueront pas de souligner certains points afin de tenter de ternir cette image. Tout d'abord, la Cour des Comptes dans un de ses rapports a pointé la hausse de certaines lignes de dépenses en Occitanie après 2016, malgré la fusion de deux "petits" conseils régionaux alors que cette réforme (loi NOTRe) cherchait l'inverse. Par ailleurs, le Rassemblement National, qui se présente comme l'un de ses principaux adversaires en juin, va sans aucun doute mettre en avant sa condamnation pour "discrimination fondée sur des opinions politiques" et "entrave à l'exercice d'une activité économique" envers la mairie de Beaucaire, dirigée par l'élu Julien Sanchez (RN). Au coeur du conflit ? La non-attribution d'un lycée à cette ville.

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Cet épisode, intervenu au coeur de la crise sanitaire en septembre dernier, a pu être gommé par sa gestion de la crise, tant Carole Delga occupe l'espace médiatique ces derniers mois. "Elle sature l'espace. C'est clair elle est déjà en campagne contrairement à ce qu'elle avance", juge une personnalité politique régulièrement citée pour l'affronter sur son terrain. "On a beaucoup de saupoudrage, dans tous les domaines, de manière assez désorganisée, ça tombe tous les jours", a d'ailleurs lâché récemment lors d'une interview accordé à France Bleu Occitanie Vincent Terrail-Novès, maire de Balma, conseiller régional d'opposition et probable tête de liste LREM lors de ces prochaines régionales en Occitanie.

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Quand nous évoquons avec elle cette sortie médiatique, la présidente de région qui nous reçoit dans ses bureaux toulousains porte à notre connaissance un message reçu en milieu d'année passée de la part du maire de Balma sur lequel est inscrit : "Bonjour Carole, j'espère que tu vas bien en ces temps troublés (...) Un message pour te féliciter de ce que tu fais pour tous les habitants de notre région. À bientôt. Amitiés." Fin du message.

Carole Delga

La présidente socialiste se dit "chanceuse" à propos du parcours qui l'a mené jusque-là (Crédits : Rémi Benoit).

"C'est quand même étonnant car on agit beaucoup, et la région agit sur des sujets très différents. Je suis une élue qui travaille beaucoup, qui bosse, qui a des idées, qui propose des solutions à la population. Tout cela à travers un modèle approuvé qu'est le Green New Deal qui consiste à concilier écologie et économie, mais également à stopper l'hypermétropolisation et rééquilibrer territorialement. De ces deux grands objectifs, toutes nos politiques en découlent. (...) Donc la question du saupoudrage ce n'est pas vrai car tout est coordonné", réagit-elle.

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Elle a surtout mis la crise sanitaire à son avantage en faisant des propositions qui ont eu un écho national comme la gratuité des autoroutes à l'été 2020, ou par exemple la proposition d'une nouvelle loi de décentralisation pour que les régions prennent la main sur la politique de santé. Au niveau de l'Occitanie, elle s'est faite notamment remarquer par sa gestion de l'approvisionnement en masques, ou encore pour sa communication habile en faveur d'une plateforme de vente de produits régionaux. Mais surtout, Carole Delga a pris la main ces derniers mois sur les questions économiques au point d'éclipser sa vice-présidente chargée de la question, Nadia Pellefigue. Elle a ainsi porté et instauré la gratuité des TER pour les moins de 26 ans, débloqué 100 millions d'euros pour un plan de soutien à l'aéronautique, ou encore rédigée une tribune remarquée en faveur de l'avion décarboné.

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Un rôle national à jouer en 2022 ?

Un bilan et une vision pour l'avenir, à savoir le Green New Deal, qu'il va falloir défendre dans les semaines à venir pour la présidente de l'exécutif régional. "Mais la période demande un engagement total. Aujourd'hui, je n'ai pas le temps et l'envie d'être sur un temps de campagne électorale", nous assure-t-elle. Néanmoins, dans les coulisses, les choses s'activent. Elle a nommé un directeur de campagne en la personne de Kamel Chibli et une équipe a été mise sur pied pour permettre le lancement récent d'une plateforme participative pour l'élaboration du programme (Occitanie en Commun, ndlr), sans parler des ateliers à thème organisés.

Tout sauf un hasard, la plateforme lancée par la maire de Paris, Anne Hidalgo, pour préparer une éventuelle candidature à l'élection présidentielle 2022 se nomme "Idées en commun". Le symbole que les deux femmes nouent au fil des mois une relation de proximité politique. De là à former un ticket et offrir un rôle national à Carole Delga, conditionné par une victoire en Occitanie en juin ?

"Je n'ai aucune ambition nationale, en revanche j'ai l'ambition que la gauche écologiste gagne en 2022 donc j'y prendrai toute ma part pour y parvenir. Je veux sortir du duel mortifère entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen car c'est trop dangereux. Quand je vois ce risque pour mon pays je me dis qu'il faut une candidature unique de la gauche écologiste (...) Mais j'ai toujours été fidèle à mon territoire. Ma passion elle est en et pour l'Occitanie. J'ai le cœur ici", assure la principale intéressée. En même temps, difficile de dire le contraire à quelques mois d'une élection régionale à laquelle elle sera candidate pour sa réélection. Et pourtant, "c'est une responsable qui peut être candidate à tous les mandats qui existent ou occuper un grand rôle national", promet le Gersois Philippe Martin. Réponse dans les 18 mois à venir.

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Commentaires 6
à écrit le 21/02/2021 à 20:27
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errata il fallait lire " Qui est Carole Delga, celle qui veut prendre (sa) part du GATEAU en 2022" ' et eventuellement placer des copains coquins)

à écrit le 21/02/2021 à 13:51
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Master en Droit des collectivités locales.. Bigre!

à écrit le 20/02/2021 à 18:24
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Mme Delga est une femme politique plutôt dynamique, encartée au PS (ce qui n'a rien de honteux), élue a la tête de la région Occitanie grâce à un large support des écologistes, sur la base d'un discours très écolo: label 'territoire vert pour la tra...

à écrit le 20/02/2021 à 13:29
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"Régionales : Qui est Carole Delga, celle qui veut prendre part au débat en 2022 ?" Réponse: une opportuniste qui ne passerai pas dans ce genre de "canard" si elle pouvait être sincère sur un sujet!

à écrit le 20/02/2021 à 9:15
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Mouais mais bon être socialiste quel handicape quand même hein !

à écrit le 19/02/2021 à 20:03
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Je n'oublie pas d'où je viens et je suis déterminée pour aller là où je veux aller", ———— Lol Le seul endroit conducteur des socialistes : «  est le mur coronamicron » Bref , c’est à cause de ces socialistes et ces républicains , cette cris...

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