NewSpace : Toulouse à l'assaut des nouvelles nations du spatial (en Afrique et dans le Pacifique)

ENQUETE. Avec la révolution du NewSpace, de nouvelles nations peuvent lancer à moindre coût leurs premiers satellites dans l'espace. Une aubaine pour l'industrie spatiale toulousaine qui tente de décrocher de nouveaux marchés et de participer à la montée en compétences des nouvelles agences spatiales en Afrique, en Australie, en Nouvelle-Zélande ou encore en Asie.
Le premier satellite sénégalais a été fabriqué entre Toulouse et Montpellier.
Le premier satellite sénégalais a été fabriqué entre Toulouse et Montpellier. (Crédits : Frédéric Scheiber)

Dans moins d'un mois, le Sénégal doit envoyer son premier satellite dans l'espace. Ce cube de 10 centimètres de côté, qui sera utilisé notamment pour prendre des images satellite du pays et recueillir des données environnementales, a été intégralement fabriqué en Occitanie entre le Centre spatial universitaire de Montpellier chargé du design du nanosatellite et le site d'Expleo à Toulouse pour l'assemblage de charge utile. En octobre dernier déjà, l'Etat de Djibouti s'appuyait sur le CSUM et Expleo pour lancer son premier nanosatellite en orbite.

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 Cet exemple illustre l'explosion du nombre de nations spatiales sur le continent africain en l'espace de quelques années. Au-delà des pays pionniers comme l'Egypte ou l'Afrique du Sud qui ont été les premiers à se lancer, en 1998 et 1999, désormais le continent compte 15 nations spatiales qui ont lancé plus de 46 satellites. La création d'une agence spatiale africaine a également été adoptée en 2018 et commence à voir le jour au Caire.

Des satellites à prix cassés avec le NewSpace

Pour Sékou Ouedraogo, président de l'African Aeronautics & Space Organisation (AASO), ce boom du spatial africain est intimement lié à celui du NewSpace : « La révolution du NewSpace avec la miniaturisation des équipements et la baisse des coûts de fabrication d'un satellite rend l'espace beaucoup plus accessible qu'il y a 20 ans. »

Une aubaine également pour les nouveaux acteurs du spatial notamment à Toulouse qui peuvent proposer des nanosatellites à prix cassés. Le premier satellite sénégalais a coûté à titre d'exemple seulement un peu plus d'un million d'euros.

« En général, de sa conception à son lancement, un cubesat représente un budget réduit par rapport aux grands satellites qui coûtent plusieurs centaines de millions d'euros. Les coûts de lancement ont également diminué ces dernières années. Surtout, les temps de développement d'ingénierie par nos équipes sont très courts, de l'ordre de 18 mois à 2 ans », avance Frédérique Rebout, directrice des ventes du NewSpace au sein d'Expleo.

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Cubesat développé par Expleo. (Crédits : Expleo)

A la différence des imposants satellites géostationnaires, ces nanosatellites n'ont pas vocation à apporter la télévision mais visent plutôt des applications environnementales ou utiles pour le développement. « Les gouvernements africains ont d'autres chats à fouetter que d'aller dans l'espace, rappelle Sékou Ouedraogo. Avec le NewSpace, les dirigeants politiques réalisent qu'ils peuvent acquérir de l'information beaucoup plus rapidement. »

« A Djibouti, les relevés de ces niveaux d'eau pour l'irrigation agricole et l'alimentation des villages sont difficiles d'accès en 4x4. Il faut une semaine pour aller relever les données alors que le nanosatellite réalise chaque jour un passage au-dessus de plusieurs points de mesure. Cela permet de déclencher très rapidement des secours ou l'envoi de camions citernes pour répondre aux besoins en eau des populations », fait remarquer Frédérique Rebout, directrice des ventes du NewSpace au sein d'Expleo.

Donnée souveraine et montée en compétences

Après le succès du nanosatellite Hydrosat pour l'Etat de Djibouti, l'alliance entre le CSUM et Expleo pourrait se voir confier des satellites additionnels pour le pays. L'agence sénégalaise d'études spatiales (ASES) a pour sa part signé un accord avec la pépite aixoise Prométhée, qui dispose d'une importante antenne à Toulouse, pour déployer à l'horizon 2028 une première constellation d'observation de la Terre de cinq à huit nanosatellites.

Ces petits satellites ont aussi l'avantage de permettre aux pays de garder la main sur leurs données et les diriger. Si les nouvelles nations du spatial en Afrique disposent encore d'une expertise limitée, elles tiennent à profiter de ces contrats pour faire monter en compétence leurs étudiants. Ainsi, une cohorte d'ingénieurs sénégalais s'est récemment déplacée au CSUM pour les former aux enjeux du spatial.

L'Australie veut renforcer ses relations avec le spatial français

Au-delà de l'exemple africain, d'autres nations affichent des ambitions spatiales. C'est le cas par exemple de l'Australie. Le pays a joué un rôle important dans les débuts de l'ère spatiale avec sa base de lancement de Woomera et est devenue en 1967 la quatrième nation à placer un satellite en orbite. Après plusieurs décennies de mise en sommeil de cette activité, l'agence spatiale australienne a vu le jour en 2018.

A l'automne 2022, une dizaine d'acteurs du spatial dont les Toulousains CS Group, Mecano ID, Syntony, Share My Space ou encore le groupe Thales se sont rendus à Sydney lors d'une mission organisée par Business France. Ils ont pu y rencontrer un certain nombre d'acteurs du spatial et d'institutionnels.

Ce déplacement intervenait un an après la crise des sous-marins (l'annulation d'un contrat de sous-marins qui devaient être construits en Australie par Naval Group a débouché sur une crise diplomatique entre la France et le pays de l'abondance). « Il existe une grande volonté justement depuis l'affaire des sous-marins de relancer les relations entre les deux pays et le spatial est l'un des grands piliers dans cette collaboration », observe Hélène Baron, co-présidente de la French Tech Australia. Cette volonté s'est traduite en décembre dernier par la signature d'un nouveau contrat de coopération internationale entre la France et l'Australie qui prévoit en matière de spatial un renforcement des partenariats pour l'observation de la Terre notamment dans la perspectives du changement climatique mais aussi la lutte contre la prolifération des débris et enfin « de nouvelles possibilités commerciales entre les secteurs spatiaux français et australien, notamment de nouveaux acteurs dans ce domaine ».

La grande messe du spatial organisée à Sydney en 2025

De quoi laisser entrevoir des débouchés pour l'industrie spatiale toulousaine. « Dans tous les grands salons du spatial, des entreprises australiennes se déplacent désormais. Nos clients s'y rendent également. Des acteurs australiens commencent à utiliser notre logiciel Fastrad qui permet d'évaluer l'impact des radiations spatiales sur les instruments du satellite. Même si cela reste un marché très national, nous aurons une carte à jouer dans toute la partie fiabilité des systèmes et radiations », estime Athina Varotsou, directrice marketing de Trad. La PME basée à Labège a d'ailleurs participé l'an passé à un webinar organisé par Business France et l'agence d'attractivité Ad'Occ avec entre des entreprises françaises et australiennes.

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La PME Trad est courtisée par de nouvelles nations du spatial pour son expertise dans les radiations spatiales. (Crédits : Florine Galéron)

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« Après Paris en 2022, Sydney va également accueillir dans un an et demi, à l'automne 2025, l'IAC (le Congrès international d'astronautique considéré comme la grande messe du secteur spatial, ndlr). A cette occasion, Business France souhaite vraiment marquer le coup et organiser quelque chose d'assez important là-bas », relève Hélène Baron, co-présidente de la French Tech Australia. Des opportunités qui pourraient accélérer le business entre le spatial toulousain et l'Australie même si les verrous à lever restent importants. « L'Australie est un pays anglo-saxon que nous avons l'impression de connaître. Mais il y a quand même 10 h de décalage donc ce n'est pas évident pour travailler à distance. Et puis, l'Australie a quand même une préférence naturelle vers les États-Unis », poursuit-elle.

La Nouvelle-Zélande et l'Asie du Sud en plein essor

 Avec son expertise très pointue en matière de radiations spatiales, Trad espère décrocher sous peu des contrats avec des acteurs d'une autre nouvelle nation du spatial, la Nouvelle-Zélande. Le pays est devenu un site de lancement pour la startup américaine Rocket Lab chargée notamment d'envoyer en orbite cet été la constellation IoT de Kinéis. « Des discussions très concrètes se déroulent en ce moment avec deux ou trois acteurs néo-zélandais qui sont venus nous voir dans nos locaux », glisse Athina Varotsou, directrice marketing de Trad.

 La PME remarque aussi une montée en puissance dans le spatial des pays asiatiques. « Toute l'Asie du Sud est en train de se développer. C'est le cas de la Corée ou de Taïwan. Tous ces pays-là veulent avoir leur propre satellite, aller vite et se développer un peu indépendamment de la Chine mais comme dans les autres nouvelles nations du spatial, ces pays n'ont pas totalement intégré les difficultés et contraintes liées à un équipement envoyé dans un environnement spatial », observe Christian Chatry, PDG de Trad. Une délégation taiwanaise s'était d'ailleurs rendue à Toulouse à l'automne 2022 en amont de l'organisation de l'IAC à Paris.

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Commentaires 3
à écrit le 09/02/2024 à 10:47
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Quand est ce que la première "benne à ordure" sera t'elle lancé... car il y a de la récupération à faire ?! ;-)

à écrit le 08/02/2024 à 19:24
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L'Afrique et l'espace ça sogne comique.En Afrique premierement doivent decouvrir l'equ potable, lq canalisation et l'qgriculture avant l'espace.

le 09/02/2024 à 3:50
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L'Afrique possède le même nombre de fusées opérationnelles que la France... zéro

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