Les chiffres ont de quoi donner le tournis. Trente-six mille débris de plus de dix centimètres encombrent actuellement l'espace d'après l'Agence spatiale européenne. Tous les débris spatiaux représentent une masse de 9.300 tonnes, l'équivalent du poids de la Tour Eiffel. Cette prolifération fait poindre le risque de collision dans l'espace avec des satellites toujours plus nombreux en orbite.
« Depuis les années 2000, plusieurs événements ont généré un grand nombre de débris spatiaux en orbite. Ces objets non contrôlés menacent la sécurité et la pérennité des activités dans l'espace. Face au développement des nanosatellites et des constellations de satellites en orbite basse, Share My Space veut contribuer à l'essor du NewSpace mais en apportant des solutions pour préserver l'environnement orbital », explique Romain Lucken, CEO de Share My Space.
Cartographier l'espace
Titulaire d'un doctorat mené au Laboratoire de physique des plasmas (CNRS, Sorbonne Université et Polytechnique), Romain Lucken a fondé Share My Space avec Damien Giolito en 2017. La jeune société occupe une place singulière dans l'écosystème NewSpace français en offrant une solution complète de surveillance de l'espace.
« Nous développons notre propre réseau de stations d'observation optiques multi télescopes pour détecter les objets traversant le ciel. Nous avons aujourd'hui deux stations d'expérimentation en France, une autre au Chili et nous sommes en train d'installer une station multi-télescope au Maroc. Cela nous permet déjà de détecter des objets de dix centimètres à 400 km de la Terre. L'idée est d'avoir la couverture la plus globale possible pour proposer de détecter des objets difficilement visibles par ailleurs. À terme, nous aimerions aller détecter des débris de deux centimètres », détaille Romain Lucken.
Share My Space a l'ambition de créer un catalogue mis à jour en temps réel de 150.000 objets spatiaux mais aussi de développer un large éventail de services autour du traitement de cette masse de données.
« Le deuxième pilier de Share My Space est un système d'information autour de ces données de surveillance de l'espace qui est capable de fournir des mesures, des prédictions de passage d'objets en orbite et de rapprochements entre satellites, de détection ou de recommandations de manoeuvres », poursuit-il. Outre ses propres images, la startup s'appuie aussi sur les données fournies par l'US Space Force avec qui elle a noué un partenariat depuis plusieurs années.
Une filiale aux États-Unis
Son savoir-faire a déjà conquis le Cnes. L'agence spatiale française vient d'ailleurs de lui confier dans le cadre de France 2030 le développement d'un service de fourniture de données de surveillance de l'espace. Le projet est mené en collaboration avec CS Group, qui a déjà développé des systèmes de visualisation de la situation spatiale pour l'exercice AsterX mené au Commandement de l'espace à Toulouse et l'Onera, à l'origine du premier système radar européen de veille spatiale. L'objectif est de déployer une dizaine de stations optiques et radar à l'horizon 2026.
Share My Space a aussi de premiers contrats commerciaux autour de son offre pour sécuriser les lanceurs. « Il existe un risque important qu'un jour un lanceur envoyé en orbite entre en collision avec un débris. Le mois qui vient de s'écouler a montré plusieurs échecs de lanceurs, non-liés aux débris, mais les fabricants ont envie aujourd'hui de se prémunir contre ce risque. Les clients finaux et les opérateurs gouvernementaux et de télécommunications vont exiger de plus en plus ce type de mesures de la part de leurs fournisseurs. Notre solution vient se glisser dans l'offre globale pour le client final », précise le CEO.
Outre la France, la startup entend faire décoller ses contrats à l'export. Share My Space travaille déjà avec le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Corée et Singapour. Elle vient aussi de créer une filiale aux États-Unis, à Austin (Texas).
Une dizaine de recrutements à Toulouse
Née à Paris, Share My Space a décidé d'installer son siège social à Toulouse. Elle compte aujourd'hui vingt collaborateurs dont deux dans la Ville rose mais dès cette année elle souhaite étoffer sa présence dans le Sud-Ouest avec le recrutement d'une dizaine de salariés, essentiellement des ingénieurs (systèmes optiques, informatique, mécanique spatiale, dynamique de vol).
« Il existe à Toulouse un vivier d'étudiants mais aussi de professionnels expérimentés. D'un point de vue de l'emploi, cela fait beaucoup de sens pour nous d'être implanté ici. D'un point de vue commercial également avec la présence du Cnes, le Commandement de l'espace qui monte en puissance, des plus grands acteurs de l'industrie, Airbus et Thales Alenia Space, ainsi que l'écosystème de startups en train d'émerger autour d'Aerospace Valley. C'est un écosystème extrêmement favorable pour nous et cela explique notre choix de venir à Toulouse », fait valoir le chef d'entreprise lauréat en 2020 d'un trophée souveraineté à l'occasion du Space Forum organisé par La Tribune.
La startup, qui fait partie des sept entreprises sélectionnées par le ministre de l'Économie Bruno Le Maire pour représenter l'écosystème du New Space français, envisage de lever dix millions d'euros d'ici le milieu de l'année. Ce tour de table devrait marquer l'entrée au capital de la Commission européenne qui a sélectionné la startup dans le cadre du dispositif EIC accelerator.
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