À Graulhet, la filière cuir renaît et se diversifie (3/5)

Longtemps considérée comme la capitale mondiale du cuir avant de péricliter, la ville du Tarn voit les acteurs de la filière cuir se multiplier. Illustration avec La Cartablière et les Ateliers Fourès, deux entreprises présentes au dernier salon du Made in France et qui dessinent une image très diverse de ce secteur en plein essor. Décryptage.
La filière cuir renaît de ses cendres à Graulhet.
La filière cuir renaît de ses cendres à Graulhet. (Crédits : Ateliers Fourès)

Il y a quelques années encore les grandes friches industrielles de la ville de Graulhet - la municipalité en dénombrerait 167 - constituaient surtout un moyen pour les groupes d'artistes d'investir des espaces peu coûteux.

Ces friches, anciennes mégisseries témoignent pourtant d'une tout autre époque, celle d'un âge d'or pour cette cité de 13.000 habitants devenue prospère grâce au travail du cuir. C'est l'activité des mégissiers locaux avec la production d'une peau tannée aux extraits végétaux appelée la basane qui marqua les débuts de cette économie florissante, faisant de Graulhet la capitale française du cuir jusqu'au début des années 80.

Si après cette période, nombre d'entreprises locales ont vu leur activité s'effondrer, certaines ont résisté, à l'image des Ateliers Fourès. Fondée en 1969 à Graulhet, cette société de 30 salariés et 3 millions d'euros de chiffre d'affaires (2022) est un acteur fort de ce maintien.

« Nous sommes une des dernières manufactures à travailler sous sa propre marque et qui fabrique beaucoup, car nous pouvons produire plus de 300 références de sacs », explique Amandine Guy-Gras, entrepreneuse qui a racheté les Ateliers Fourès en 2016 avec son mari.

Cette résistance, l'entreprise l'a marque aujourd'hui de manière symbolique puisqu'elle va s'installer dans l'une des friches les plus connues de Graulhet, la friche industrielle Bourdaries située en plein coeur de la ville. L'achat - qui a bénéficié du soutien financier public de l'Etat et de la Région à travers deux fonds pour le recyclage des friches - est-il la première étape pour un retour de la fabrication locale à une plus grande échelle ?

« Il y a un engouement du public et des décideurs autour du Made in France et c'est un engouement qui nous porte, mais il y aussi une réalité qui fait du Made in France un sport de combat. L'attrait pour la fabrication locale n'a pas multiplié notre chiffre d'affaires ou celui de nos confrères par trois ou par dix, certains projets comme un Fablab ou la cité du Cuir et des matières (vaste projet d'un espace économique dédié au cuir, ndlr) ont été abandonnés mais dans le même temps le département est très résilient et il y a beaucoup d'innovation », avance Amandine Guy-Gras, par ailleurs présidente de l'Association Graulhet le Cuir qui réunit les acteurs de la filière locale.

Une dynamique de développement soutenue par l'innovation

Capitale française du cuir, Graulhet est aussi connue pour être la ville où fut inventée le cuir stretch dans les années 90 par la société « Cuir du Futur ». Labellisée Entreprise du patrimoine vivant, elle fait partie d'une série d'entreprises qui ont fait de l'innovation le coeur de leur métier.

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« Il y a un vrai enjeu à faire reconnaître les savoir-faire et se faire labelliser. Nos métiers sont ancestraux mais aussi innovants. À Graulhet, nous avons des entreprises qui sont performantes comme la mégisserie La Molière qui travaille le cuir de thon, Bandie Manchot qui fait de la maroquinerie upcyclé depuis 15 ans, ou encore Euréka qui est spécialisée dans l'ennoblissement du cuir », détaille Amandine Guy-Gras.

Pour le territoire qui accueille ces entreprises ayant pignon sur rue dans des domaines aussi variés que le prêt-à-porter, la haute couture, la maroquinerie, l'ameublement ou encore l'horlogerie, la question de la transmission des savoirs est également un enjeu. Car si la transmission familiale est de mise, à l'image d'Eureka  - la société de 12 salariés fondée par un couple (Miguel et Fatima Valentin) est aujourd'hui reprise par leurs quatre enfants - elle n'est pas suffisante pour construire un écosystème durable.

Pour l'heure dans le département, c'est la ville de Mazamet, située à une cinquantaine kilomètres de Graulhet, qui propose une offre de formation allant jusqu'au BTS dans les métiers du cuir.

Le pari d'un Made In France à des prix accessibles

C'est l'une des limites du Made in France et pas des moindres. Il y a quatre décennies, la fabrication locale périclitait face au rouleau compresseur des produits manufacturés à bas coûts. Son retour ces dernières années n'a pas résolu l'épineuse question du coût de fabrication pour les producteurs et également du coup d'achat pour les consommateurs d'un produit estampillé Made in France. Car le Made in France se voit souvent reprocher de proposer des produits peu accessibles quand ils ne sont pas directement associés au secteur du luxe.

Ce secteur, Sophie Lemoalle, fondatrice de la marque de maroquinerie La Cartablière, fabriquée à Graulhet, le connaît bien. Ingénieur chimiste spécialisée dans cette matière, elle a fait ses armes chez Hermès, une des rares grandes maisons à encore fabriquer en France. Là bas, Sophie Lemoalle s'occupe du développement des achats cuir et a en tête l'idée d'un sac qui aurait la forme d'un cartable pouvant contenir un ordinateur. Quand elle quitte Paris pour venir s'installer dans le Tarn, l'ingénieure décide également de créer son affaire. L'idée de son cartable pour femmes actives fait son chemin mais les modèles auxquels elle pense nécessitent de fabriquer puis vendre à des couts élevés. La jeune femme s'oriente alors vers la petite maroquinerie.

« J'ai revu le modèle de manière plus simple, ce qui m'a permis de réduire les coûts. Depuis 8 ans, l'idée, c'est de proposer des produits en cuir fait en France et avec des matériaux de qualité et à prix abordables. Dans les sacs que je propose, on ne va pas trouver toute une série de poches par exemple. Les modèles sont originaux mais simples, ce qui explique que leur temps de fabrication est plus court et que leur prix est plus abordable », explique cette créatrice dont la marque produit 10.000 pièces par an pour un chiffre d'affaires de 200.000 euros.

Et qui bat en brèche une idée reçue : Faire du Made in France une tendance réservée aux bourses les plus argentées. 

Du lundi 13 novembre au vendredi 17 novembre, la rédaction de La Tribune propose une série d'articles sur les entreprises d'Occitanie présentes à la dernière édition du salon MIF Expo.

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