Essais cliniques : BOTdesign s'apprête à commercialiser des cohortes artificielles de patients

Face à la difficulté de recruter des patients pour des essais cliniques, la startup toulousaine prépare une technologie à base d'intelligence artificielle pour fournir des cohortes de patients "virtuels", en partie, aux laboratoires. BOTdesign, qui cherche à lever des fonds pour industrialiser cette prestation, devra d'abord compter sur une clarification réglementaire en la matière. Les détails.
Avec des partenaires, BOTdesign pourrait avoir trouver la solution pour accélérer la tenue des essais cliniques avec des cohortes artificielles de patients.
Avec des partenaires, BOTdesign pourrait avoir trouver la solution pour accélérer la tenue des essais cliniques avec des cohortes artificielles de patients. (Crédits : Reuters)

Cela serait une petite révolution dans le monde médical, à l'échelle européenne. Et ça, une poignée d'acteurs l'a bien compris. Avec le soutien de l'Agence de l'innovation en santé, certains acteurs* du monde de la santé et de la recherche ont publié un « Livre Blanc » prônant l'autorisation en France et en Europe de l'usage de cohortes artificielles et augmentées de patients dans le cadre d'essais cliniques.

Aux États-Unis, la FDA, Food and Drug Administration, a validé quelques essais cliniques qui ont eu recours à une telle pratique d'un genre nouveau. L'Agence de l'innovation en santé compte ainsi organiser en France, fin juin, un événement qui mettra en lumière les innovations médicales basées sur de l'intelligence artificielle. Pour "doper" ces cohortes de patients, l'intelligence artificielle est effectivement au coeur de cette nouvelle pratique.

« Cela devient de plus en plus difficile de recruter des patients pour des essais cliniques. Aussi, l'objectif est d'éviter la perte de patients en route car certains abandonnent. L'usage de cohortes augmentées permettra sans doute des mises sur le marché plus rapides de médicaments. Mais l'idée n'est pas de remplacer les vrais patients, simplement de les compléter », justifie Stéphanie Allassonière, la professeur à l'origine d'un algorithme permettant cette amplification de cohortes de patients.

Dans le cadre de collaborations futures, l'experte espère obtenir le soutien de l'État au travers du plan France 2030 pour mettre au point des nouveaux services médicaux. Sa directrice générale, Lise Alter, a d'ailleurs confié lors de la présentation de ce Livre Blanc, à Paris mardi 30 avril, le lancement prochain d'un AMI dédié à ces nouveaux usages.

Bonifier la masse de données entre leurs mains

Une aubaine pour des acteurs privés intéressés par les travaux de cette pointure comme la medtech toulousaine, BOTdesign. Spécialisée dans le suivi médical des patients pré-opératoire et post-opératoire, la jeune pousse a rencontré il y a deux ans Stéphanie Allassonière avec l'idée de travailler ensemble à terme.

« Nous sommes nés il y a déjà sept ans et nous avons ainsi accumulé énormément de données de patients toutes ces années, dans nos spécialités comme l'anesthésie ou le suivi des maladies cardio-vasculaires. Nous avons toujours eu dans un coin de notre tête la volonté à terme d'exploiter ces données », commente Olivier Thuillart, le directeur général de BOTdesign et son cofondateur.

Avec cette masse de données, valorisée par l'algorithme d'intelligence artificielle mis au point par Stéphanie Allassonière, les deux partenaires sont parvenus à mener des tests concluants.

« Il n'y a aucune différence notable entre les cohortes avec des vrais patients et des patients augmentés. Avec l'algorithme, l'objectif est de prendre en compte la variabilité possible dans un véritable échantillon de patients et ainsi permettre l'usage médical d'une telle pratique », explique Olivier Thuillart. « Nous réalisons une augmentation de la cohorte en prenant en compte les caractéristiques de la population pour que les résultats soient crédibles », ajoute la chercheuse.

Un tour de table pour ce projet

Dans les faits, la technologie mise au point permet, à partir d'un échantillon de 80 patients réels de monter, par exemple, à une cohorte de 1.000 voire 2.000 patients augmentés. Dans son cas, BOTdesign compte utiliser ce dispositif pour commercialiser ainsi, auprès des laboratoires, la cohorte témoin dans le cadre d'un essai clinique, à savoir celle composée des patients dont le traitement testé n'est pas administré.

« Il est aujourd'hui très compliqué de créer une cohorte même de 50 patients. Or, aujourd'hui près de 2.500 essais cliniques sont menés chaque année dans le monde. Au-delà de la difficulté à recruter des patients, cela coûte cher aux laboratoires. En moyenne, un patient coûte 50.000 euros à un laboratoire dans un essai clinique, entre le coût du traitement et l'indemnité versée, aux États-Unis et 25.000 euros en France », souligne Olivier Thuillart.

BOTdesign, qui a déjà reçu des marques d'intérêts pour cette future prestation médicale, a déjà mené deux preuves de concept avec deux laboratoires différents depuis le début de l'année 2024. Pour la startup et ses douze collaborateurs, se dressent désormais devant eux un temps de R&D plus vaste, d'environ deux ans et qui nécessitera des financements, avec l'espoir que la réglementation française et européenne évolue en parallèle.

« Nous avons déjà des investisseurs qui sont prêts à nous accompagner mais qui attendent que l'horizon législatif soit plus clair pour s'engager à nos côtés. Nous aurons besoin de deux à trois millions d'euros pour industrialiser la technologie et doubler nos équipes », projette l'entrepreneur.

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* Agence de l'Innovation en Santé (AIS), la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL), Institut national de recherche en sciences et Technologies du numérique (Inria), BOTdesign, Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), le CHU de Toulouse, ETHIK-IA, Filière Intelligence, l'Institut Pasteur, Haute Autorité de Santé (HAS), l'Inserm, l'Institut Prairie, Pfizer France, Qairnel, The Janssen Pharmaceutical Companies of Johnson & Johnson, et l'Université Paris Cité.

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