Startups en Occitanie  : touchées par le missile Covid-19, mais pas coulées (1/3)

L’épidémie a frappé les startups qui imaginent les services de demain. Si une mortalité dans leurs rangs liée à ce virus est inévitable, une grande partie d’entre-elles rebondiront grâce à leur agilité. Néanmoins, elles devront se plier aux nouvelles attentes de la société, notamment en matière de respect de l’environnement pour rester aux goûts du jour. Analyse au cœur de l’écosystème toulousain.
Comment les startups d'Occitanie font face à la crise sanitaire et économique face à elles ?

Après la région parisienne, la métropole toulousaine est la seconde zone géographique où les startups sortent de terre comme les marguerites au début de la période estivale, selon divers classements. Une caractéristique propre à la Ville rose, qui depuis des dizaines d'années est réputée pour l'histoire de ses pionniers en matière aéronautique. Un riche passé culturel et industriel qui a poussé de nombreux acteurs de la filière a en faire la capitale européenne de l'industrie aéronautique de par leurs implantations.

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Seulement, aujourd'hui cette centaine de milliers d'emplois en Occitanie et majoritairement à Toulouse, portée par un carnet de commandes d'Airbus florissant avec une charge de travail estimée à huit ans, se retrouve menacée. Le virus de la Covid-19 a mis à l'arrêt le trafic aérien, cloué au sol les compagnies aériennes, et par effet de ricochet fragilisé les avionneurs et leurs sous-traitants. Le missile Covid-19 peut-il réserver le même sort à l'écosystème de l'innovation toulousain, face à un virus capable de déstabiliser un secteur d'activité en pleine bourre et créateur de milliers d'emplois chaque année ?

Au premier abord, nous serions tentés de dire non quand la French Tech Toulouse a annoncé, le 18 mars dernier, en pleine application d'un confinement inédit sur l'ensemble de la France, que neuf startups locales mettaient gracieusement à disposition leurs solutions pour "mieux gérer les effets de l'épidémie", expliquait alors l'association entrepreneuriale. Parmi elles, se trouvaient Kaduceo spécialisée dans
l'analyse et la prédiction des parcours de soins, MyFeelBack pour filtrer les appels à
destination du SAMU grâce à un questionnaire intelligent, Telegrafik pour veiller sur une
personne âgée à distance ou encore Tamplo pour faciliter le télétravail... Une initiative
louable qui n'était rien d'autre qu'un arbre qui cache la forêt.

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Rééquilibrage ou surmortalité ?

À cette période de la crise, l'inquiétude est alors grande autour des startups. Ces jeunes pousses à forte croissance sont pour la grande majorité à court de trésorerie et vivent très souvent à perte le temps d'accéder pleinement à leur marché cible et voir leur chiffre d'affaires décoller. Certains imaginent alors les levées de fonds comme une solution intermédiaire mais celles prévues sont annulées et les investisseurs sont désormais frileux (voir notre prochain épisode sur le financement, ndlr). C'est donc tout l'écosystème de l'innovation et pas seulement celui de Toulouse qui est en danger, à l'image de la start-up bordelaise Linguali, spécialisée dans l'interprétariat sur le marché évènementiel et liquidée début avril face au virus.

"Toutes les entreprises, d'une manière générale, ont été impactées par l'épidémie. Au niveau des startups, certainement 10 à 15% vont devoir cesser leur activité à terme, mais parce qu'elles étaient en difficulté avant la crise", estime Arnaud Thersiquel, le CEO et co-fondateur de l'hébergeur de jeunes pousses At Home.

"L'échec fait partie de la culture d'innovation. Le taux de mortalité est fort chez les startups car chacune est un pari fondé sur une innovation technologique ou d'usage, avec donc des risques d'échec élevés si la startup ne trouve pas assez vite son marché. Ensuite, parce que je pense qu'avant la crise, il y avait une sous-mortalité des startups en France. L'argent coulait à flots, donc beaucoup d'entrepreneurs arrivaient à se financer et ce n'était pas forcément justifié pour tous. La tech obéit à une forme de darwinisme où seuls les meilleurs survivent. Il y a une mortalité liée à la crise de la Covid-19, c'est une évidence, mais ce sera plus un rééquilibrage, un passage à une mortalité normale, qu'une sur-mortalité", déclarait récemment dans une interview accordé à La Tribune Benoit Grossmann, co-président de France Digitale et managing partner du fonds d'investissement Idinvest. Preuve de ces propos, et selon un sondage de la French Tech Toulouse auquel ont répondu 150 startups, 20% d'entre elles ont connu une croissance de leur chiffre d'affaires pendant le confinement, 30% une stabilité, tandis que 50% ont fait face à une forte baisse.

Plus de 5 milliards d'euros pour les startups françaises

Autrement dit, une jeune entreprise sur deux a besoin d'un soutien (financier). C'est en ce sens que le gouvernement a débloqué fin mars quatre milliards d'euros pour soutenir les 13 000 startups françaises et leurs 100 000 emplois, selon les chiffres de Bercy, avant d'y ajouter une seconde enveloppe de 1,2 milliard deux mois plus tard afin notamment de soulager leur trésorerie, mais aussi de garantir la souveraineté technologique de la France.

Lire aussi : Le gouvernement mobilise 1,2 milliard d'euros supplémentaires pour aider les startups

Dans les faits, un fonds contre le rachat des startups a été créé, un autre pour
soutenir la création de nouvelles pépites, tout comme un remboursement anticipé du
crédit d'impôt recherche, une enveloppe pour des jeunes pousses en manque de
liquidité entre deux levées de fonds et un dispositif de PGE sur-mesure. Selon BPI
France, qui gère une grande partie de ces financements, 31 millions d'euros ont été
accordés à 78 startups et entreprises innovantes d'Occitanie via ce PGE de soutien à
l'innovation, entre le 20 mars et fin juillet.

"Notre objectif est de permettre à nos clients de faire le dos rond durant cet épisode compliqué en regardant de façon bienveillante tous les dossiers. Compte tenu du contexte, les critères de financement sont adoucis mais nous allons néanmoins nous attarder sur les aspects de viabilité de l'entreprise en question comme le marché, etc.", commente Laurent Cambus, le délégué Innovation au sein de l'antenne régionale de la BPI.

Du côté des entreprises concernées, les nombreuses mesures instaurées sont vues d'un bon oeil.

"Dans l'ensemble, le plan et ce qu'il contient ont été très bien accueillis par nos adhérents. Avant d'en arriver à ce résultat, nous avons plusieurs fois échangé avec Cédric O (le secrétaire d'État chargé du Numérique de l'époque, ndlr) pour faire remonter nos besoins. Le seul petit regret est que les startups innovantes n'ont pas été intégrées dans les plans de relance par filière, ou très peu. Il ne faut pas séparer les startups et les secteurs d'activité", juge Sandrine Jullien-Rouquié, dirigeante de l'entreprise Ludilabel et présidente de la French Tech Toulouse.

Lire aussi : Comment la (nouvelle) French Tech Toulouse se met au service des startups

L'environnement au cœur des attentes

Malgré cette mise à l'écart (volontaire ou pas) pour être acteurs de l'économie de
demain, les startups savent se montrer agiles, en raison d'un management innovant et
d'effectifs peu nombreux, dans cette période pour s'adapter aux besoins de l'économie
du présent.

Par exemple, l'entreprise toulousaine Louis, spécialisée dans la réalisation
de mobiliers de bureaux sur-mesure et en matières recyclées, a rencontré un véritable
succès avec la mise sur le marché de séparateurs de bureaux en polycarbonate pour accompagner les entreprises dans le retour au bureau de leurs salariés, tout en respectant un protocole sanitaire. Ou encore, la société Bativigie, qui développe un logiciel de lutte contre le travail dissimulé notamment dans le BTP, a mis au point une application du nom de "Coronavigie" afin de faciliter le contrôle du port des équipements sanitaires obligatoires sur le lieu de travail. Dans le même sens, CoperBee, l'entreprise de services innovants en BtoB, revoit sa stratégie et réorganise ses équipes et moyens pour répondre aux besoins en digitalisation des entreprises. Ainsi, la société espère atteindre un chiffre d'affaires de quatre millions d'euros fin 2021, après avoir revu à la baisse de près d'un tiers son prévisionnel pour l'année en cours.

Mais toutes les startups s'accordent à le dire. Hormis celles qui exercent dans la santé ou l'alimentaire, le pivotage opéré dans leur offre de services, qu'il soit provisoire ou durable, n'est qu'un pansement sur une plaie grand ouverte. Pour faire partie des jeunes pousses qui sortiront la tête de l'eau, certains marqueurs devront être pris en compte dans les startups de l'après Covid-19, dont tout particulièrement celui de l'impact sociétal positif.

"Il y a une nécessité de mettre l'innovation et les nouvelles technologies au service de l'environnement. Il est compliqué pour les startups de prendre ce virage vert mais c'est indispensable, sous peine d'être marginalisées par leur clientèle", analyse Sandrine Jullien-Rouquié.

La dirigeante prépare d'ailleurs, avec des homologues, un livre blanc sur le thème "Tech for Good". Une démarche de bon sens pour que les startups restent dans l'ère du temps, sous peine de devenir une ancienne mode entrepreneuriale.

Lire aussi : Être une entreprise à impact, l'avenir de la startup après la Covid-19 ?

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