Aerospace Valley : "Beaucoup d'entreprises veulent participer au verdissement de l'aviation légère"

ENTRETIEN. Venu d'ArianeGroup, Eric Giraud est le nouveau directeur général du pôle de compétitivité Aerospace Valley. Dans un entretien accordé à La Tribune, il revient sur la création du nouveau cluster dédié au verdissement de l'aviation légère qui rencontre un succès au-delà des attentes initiales. Côté spatial, de nouvelles pistes sont à l'étude pour relancer la dynamique à l'export des acteurs du New Space occitan. Sans oublier l'arrivée d'un expert de Thales au sein du pôle pour booster la filière drones.
Eric Giraud est le nouveau directeur général du pôle de compétitivité Aerospace Valley.
Eric Giraud est le nouveau directeur général du pôle de compétitivité Aerospace Valley. (Crédits : Aerospace Valley // Rémi Benoit)

LA TRIBUNE - Vous venez de quitter la direction des produits équipements et services d'ArianeGroup pour succéder à Patrick Désiré à la direction générale d'Aerospace Valley. Quelles seront les grands chantiers du pôle de compétitivité en 2021 ?

ERIC GIRAUD - Le premier, c'est le verdissement de la filière, autrement dit faire en sorte de la rendre écoresponsable en aidant nos 850 adhérents à monter à bord de cette dynamique. Ensuite, il faut que les entreprises mettent à profit cette crise pour améliorer leur production, être plus efficace, voire innover sur la partie industrielle et donc être en capacité de répondre aux besoins de la filière au sortir de la crise. Le troisième chantier est de renforcer la résilience et la diversification de la filière qui était jusqu'à présent très dépendante de l'aéronautique. Pour y parvenir nous avons noué un certain nombre de partenariats avec d'autres pôles de compétitivité dans le domaine de la santé avec Eurobiomed, dans le domaine de l'énergie avec Derbi et dans l'agriculture aussi avec Agri Sud-Ouest Innovation.

En décembre dernier, le pôle a annoncé la création du cluster Maele, dédié au verdissement de l'aviation légère. Quels sont les premiers retours que vous avez sur cette initiative ?

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L'idée de Maele est en effet d'agréger une communauté autour du verdissement de l'aviation légère en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie. Pourquoi l'aviation légère ? Parce que les coûts de développement sont beaucoup plus faibles. Les coûts de développement d'un moteur électrique ou à hydrogène pour un petit avion de tourisme sont beaucoup plus accessibles à nos membres que le développement d'un moteur de monocouloir remplaçant de l'A320 qui, en plus, est le domaine de compétence de Safran. Sur cette aviation légère, nous pouvons aller beaucoup plus vite et moins cher. Lors d'un premier webinaire organisé début février pour présenter le dispositif, nous avons mobilisé au-delà de nos attentes puisque 160 adhérents se sont connectés alors que nous avions identifié à l'origine une cinquantaine d'acteurs sur le territoire sur ce segment. Donc il existe un tissu significativement important, beaucoup d'entreprises veulent participer au verdissement de l'aviation légère et ont des technologies qui peuvent apporter quelque chose sur l'avion électrique, à hydrogène.

Nous allons désormais agréger autour de cinq thématiques des industriels pour qu'ils puissent présenter des projets. Ces derniers vont mûrir les projets au moins jusqu'à jusqu'à l'été et nous serons ensuite à même de présenter les premiers projets à la région et de les faire financer. La région Occitanie a mis en place un appel à manifestation d'intérêt doté de 10 millions d'euros dans le cadre de son plan Ader 4. Tous les outils sont en place pour qu'une fois que ces projets identifiés, nous puissions aller assez vite sur le développement.

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Au vu de l'ampleur de la crise aéronautique, le Sud-Ouest craignait un marasme économique. Les dispositifs d'aide ont quelque peu limité la casse sociale. Est-ce suffisant ?

Dès qu'il y a de la casse, ce n'est jamais suffisant. En l'occurrence depuis le début de la crise, les chiffres officiels de l'Insee, c'est qu'en Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, nous avons perdu 5.800 emplois. C'est-à-dire que nous sommes revenus deux ans en arrière, toute la croissance en termes d'emplois pour la filière qui avait été observée entre 2018 et 2020, a été gommée en quelques mois. Cet impact significatif a été grandement limité par le chômage partiel et l'APLD. Il faut maintenant le redémarrage du trafic aérien. Les cadences aéronautiques devraient commencer à augmenter sur le dernier trimestre 2021 et puis qu'au cours en 2022, nous devrions remonter à des cadences importantes. Malgré les dispositifs historiques mis en place par l'Etat et la région, il va y avoir encore des difficultés pour la filière avec probablement des restructurations, des regroupements d'entreprises pour être plus forts et au sortir de la crise.

En 2019, dix PME et ETI de la filière spatiale à Toulouse ont créé la New Space Factory, un site internet commun pour vendre leurs produits et services à l'étranger, en ciblant les acteurs du New Space. Quel bilan tirez-vous de cette initiative ?

La New Space Factory est partie sur de très bonnes bases. Je peux vous le dire et je prends ma casquette Ariane group, la New Space Factory était concurrente de certaines de mes produits et donc je les ai vu sur les salons internationaux. Actuellement, la plupart des salons ont été supprimés, les déplacements internationaux sont ajournés mais nous étudions plusieurs pistes pour relancer la dynamique. Nous disposons de nouveaux moyens humains avec l'arrivée de Christian Sirmain qui est détaché par la Cnes et en charge des infrastructures spatiales. L'export est clairement une piste de diversification pour nos adhérents, que ce soit dans l'aéronautique ou le spatial. La New Space Factory regroupe aujourd'hui une quinzaine d'entreprises et l'idée est d'ouvrir un peu pour que d'autres entreprises bénéficient de ce véhicule à l'export.

Comment faire sachant que cette année encore il sera compliqué de se déplacer ?

Depuis fin 2020, Aerospace Valley englobe aujourd'hui l'IAS, l'Institut aéronautique et spatial. Cet institut dispose d'un réseau d'alumni, d'anciens élèves qui sont dans ces filières spatiale et aéronautique, cela représente près d'un millier de personnes partout dans le monde. Nous allons déjà nous appuyer dessus pour aider nos partenaires à l'export. Deuxièmement, il faut s'appuyer sur des réseaux. Nous avons beaucoup progressé concernant l'offre virtuelle et nous avons discuté avec beaucoup de grands groupes qui disposent de réseaux locaux pour voir comment peut-on faire en sorte de vendre sur place des produits.

Le troisième grand secteur couvert par Aerospace Valley est celui des drones. Quel est le poids de cette filière en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie ?

150 de nos adhérents travaillent dans le secteur des drones avec la particularité que 80% de ses membres sont de très petites entreprises. Nous avons depuis février 2020 un directeur délégué qui pilote ce secteur. Il s'agit d'Arnaud Rimokh, issu de Thales et spécialiste de ce domaine. Aujourd'hui, la valeur n'est plus tellement dans la construction de drones civils. Je ne peux pas dire que les Chinois raflent tout le marché, mais les plateformes existent. Nous devons capitaliser des applications et la data, la manière dont nous allons utiliser les données que peuvent emmagasiner ces drones. Les activités du pôle en matière spatial sont liées puisqu'au sein d'Aerospace Valley nous avons une entité qui s'appelle le district, dans lequel nous accueillons des startups positionnées sur le traitement de la donnée spatiale.

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L'intérêt de travailler avec d'autres pôles de compétitivité est de pouvoir imaginer des synergies. L'agriculture est l'une des applications évidentes. Par ailleurs, au coeur du B612 (bâtiment totem d'Aerospace Valley à Toulouse, ndlr), nous sommes voisins avec Aniti, l'institut de recherche en intelligence artificielle de Toulouse, et là aussi, il existe des synergies possibles dans le traitement de la donnée.

Des synergies sont également imaginables avec Totem, le nouveau cluster en Occitanie dédié à la mobilité "intelligente et durable" ?

Oui, il peut exister des synergies avec la mobilité terrestre autour des systèmes embarqués. L'aéronautique, le spatial et les drones sont assez en avance en la matière. Nous avons un écosystème d'excellence sur cette thématique au sein du pôle qui est animé par un membre de Continental donc plutôt orienté automobile et un autre venu de Thales plutôt aéronautique et spatial. Je pense que cela fait le lien entre Totem et notre pôle.

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Commentaire 1
à écrit le 12/02/2021 à 13:51
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C'est la rencontre du 3eme type ! Les petits hommes vers sont partout. Et pour ceux qui ne le serait pas encore, ils verdissent !

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