L'union fait la force ? C'est en tout cas le choix opéré par le concepteur de drones toulousain Delair, l'un des leaders mondiaux sur le sujet, et l'Isae-Supaero, l'une des meilleures écoles au monde en matière d'ingénierie aérospatiale. Jusqu'à présent, tous deux ont fait chemin séparé sur la question de l'hydrogène, avec la DGA pour Delair et H3 Dynamics pour l'établissement de formation. Désormais, les deux acteurs du secteur aéronautique s'apprêtent à relever ensemble "le Défi Mermoz", du nom qu'ils ont attribué à leur projet collaboratif.
"Il consiste en la conception et la fabrication d'un drone qui traversera l'océan Atlantique, ce qui représente 3.500 kilomètres à parcourir sur 30 heures de vol, sans escale", explique Bastien Mancini, le COO de Delair aussi à la tête de la division drones de la PME. "C'est une ambition à forte raisonnance médiatique en cas de succès et d'une grande portée symbolique", ajoute Jean-Marc Moschetta, professeur d'aérodynamique et responsable du projet au sein de l'Isae-Supaero.
Le choix de cet itinéraire, qui peut apparaître comme un pari fou, est effectivement tout sauf anodin. L'idée est de faire la traversée fin 2023 sur la ligne commerciale de l'Aéropostale ouverte en mai 1930 par Jean Mermoz, reliant le Sénégal au Brésil. Tout d'abord, pour rendre hommage à ce pionnier de l'aéronautique, mais aussi parce que Delair et l'Isae-Supaero veulent apporter leur pierre à l'édifice dans l'histoire de l'aéronautique.
Un produit commercialisable au bout de l'aventure
"Les drones d'aujourd'hui sont les avions de demain", lance ainsi Bastien Mancini. Alors, si le drone conçu pour l'occasion sera sans surprise 100% électrique, la principale innovation reposera sur le combustible utilisé pour créer cette énergie, à savoir de l'hydrogène liquide qui pose encore des problématiques de stockage et de sécurité dans l'optique d'un avion à zéro émission d'ici 2035. "Nous allons travailler autour de l'hydrogène liquide car tout le monde s'accorde à dire que c'est l'avenir de l'aéronautique", justifie Jean-Marc Moschetta.
Alors forcément, ce projet intéresse de près les grands donneurs d'ordre de la filière comme Airbus, Thales et Safran, car si l'aventure se transforme en réussite, certaines des briques technologiques développées pour le Défi Mermoz pourraient être dupliquées sur la future génération d'aéronefs, qui se veut propre.
"C'est un projet qui prendra au mieux trois ans, pour lequel nous venons d'établir la feuille de route avec l'Isae, et dont l'objectif aussi pour nous au bout est d'avoir un produit commercialisable. Actuellement, nous faisons des drones électriques car ils sont discrets et plus simples à maintenir pour les opérateurs. Avec une pile basée sur de l'hydrogène liquide, nous pourrions augmenter l'endurance de nos appareils en multipliant l'autonomie par deux voire trois grâce une densité d'énergie plus importante", expose le dirigeant de Delair.
Un besoin de sept millions d'euros
Pour parvenir à mettre sur pied ce nouveau drone, dont le lancement des travaux est prévu à la fin de l'année 2021, l'Isae-Supaero devrait tout d'abord prendre la main sur le projet pour étudier en partie les questions de la propulsion, de l'intégration, l'aérodynamisme ou encore le design. Par la suite, Delair se chargera notamment des circuits électriques et de la production de l'appareil.
"Mais pour le moment, nous sommes à la recherche de financements et de partenaires pour mener à bien ce Défi Mermoz autour d'un drone à hydrogène. Aujourd'hui, nous estimons l'enveloppe globale à sept millions d'euros pour les trois ans du projet", évalue Jean-Marc Moschetta.
Depuis quelques semaines, des prises de contact avec plusieurs acteurs de la filière se sont avérés "positifs", de l'aveu même du professeur de l'Isae-Supaero, qui espère aussi un coup de pouce du Corac et du conseil régional d'Occitanie. Une fois les financements rassemblés, le Défi Mermoz devrait mobiliser au total une vingtaine de personnes dans les rangs des deux partenaires, dont une poignée d'étudiants de l'école de Toulouse.
"Ces étudiants sont perturbés par la tournure que prend leur secteur d'activité avec cette crise sanitaire, mais ce projet redonne un sens à leur orientation en essayant de participer à la future sobriété du transport aérien", se réjouit le responsable de projet chez l'Isae-Supaero.
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