Baisse de rideau pour la Bosch de Rodez, après l'usine Bridgestone de Béthune ? Enquête.

ENQUÊTE. La présence du groupe allemand Bosch, à Rodez, n'est-elle encore l'histoire que de quelques mois seulement ? C'est en tout cas la crainte des syndicats du site, spécialisé dans les injecteurs pour moteur diesel, et ses 1.200 équivalents temps plein. Face à la chute du marché, à laquelle est venue s'ajouter la crise sanitaire, l'équipementier allemand ne cache pas la nécessité "d'ajustements" de ses capacités de production en Europe. Pour sauver l'usine, seuls des engagements de diversification d'activité comme promis dans un accord signé en 2018 entre les syndicats et la direction pourraient changer la situation. Mais cette mission patine et les élus locaux se divisent sans se cacher sur le sujet. Enquête.
Pour combien de temps encore le logo Bosch décorera ce bâtiment dans la banlieue de Rodez ?
Pour combien de temps encore le logo Bosch décorera ce bâtiment dans la banlieue de Rodez ? (Crédits : Pierrick Merlet)

À dix-huit mois de la prochaine élection présidentielle, est-ce un nouveau dossier social sensible qui arrive sur le bureau d'Emmanuel Macron ? Après la fermeture annoncée de l'usine Bridgestone à Béthune (Pas-de-Calais), un autre site industriel pourrait connaître un sort similaire dans les prochains mois.

"Lors d'un comité social et économique, du 5 novembre, la direction du groupe a fait savoir son intention de réduire les coûts. Pour la première fois, il a clairement été évoqué le scénario d'une fermeture du site industriel de Bosch à Rodez. Jusqu'à présent, cela s'arrêtait à des réductions d'effectifs", s'inquiète Cédric Belledent, délégué syndical chez Sud et membre de l'intersyndicale.

Cette usine ruthénoise, qui emploie aujourd'hui 1.200 équivalents temps plein, est frappée de plein fouet par la chute de la vente de voitures diesel neuves en France et dans le monde ces dernières années. Pour en arriver à une telle situation, celle qui n'est autre que le premier employeur privé dans l'Aveyron est spécialisée (uniquement) dans la fabrication d'injecteurs pour moteur diesel. Selon nos informations, confirmées par la direction du site, un plan de départs à la retraite anticipés va être activé, causant ainsi le départ de près de 150 personnes d'ici avril 2021. Est-ce une première étape vers la fermeture de "La Bosch" de Rodez, comme elle est surnommée dans ses environs ?

"D'autres signes montrent que nous nous dirigeons vers ce scénario. Tout d'abord, tout un atelier de production a été vidé de ses machines, sans justification franche de la part de la direction du site. De plus, nous sommes loin des engagements de production auxquels doit se tenir le groupe, soit minimum 8% des injecteurs vendus en Europe. Aujourd'hui, nous sommes à 30% de moins que cela", pointe du doigt le représentant du personnel.

"Des ajustements" à venir

Une promesse marquée noir sur blanc dans "un accord de transition" signé entre les syndicats du site de Rodez et la direction de Bosch en juillet 2018. Après plusieurs mois de négociations entachées de mouvements sociaux réguliers, le groupe allemand s'était effectivement engagé au maintien de l'emploi sur l'usine par un investissement de 14 millions d'euros pour moderniser l'outil de production, en l'échange d'efforts financiers des salariés. Seulement, la conjoncture du marché des moteurs diesel pourrait mettre fin à ces bonnes intentions à l'issue de l'année 2021, échéance de fin de cet accord de transition et donc période à partir de laquelle tout peut arriver pour cette usine qui employait encore plus de 2.500 salariés quelques années en arrière.

"Nous tenons à cet accord et nous respecterons nos engagements, ce sont les valeurs du groupe Bosch. Mais aujourd'hui, le groupe est confronté à des défis structurels, amplifiés par la crise sanitaire mondiale, qui incluent des surcapacités de production dans l'automobile. Rien qu'en France, la part du diesel dans la vente de voitures neuves était de 72% en 2012, contre 34 % aujourd'hui. Cela signifie que l'industrie automobile, dans son ensemble, va devoir procéder à des ajustements majeurs et Bosch n'y échappera pas", répond Florence Melin, directrice de la communication et des affaires publiques de Bosch France-Benelux, jointe par La Tribune.

Selon nos informations, la surcapacité des lignes de production pour les injecteurs diesel dans les rangs de Bosch, en Europe, est évaluée à trois. De quoi davantage inquiéter les salariés de Rodez qui ne comptent qu'une seule ligne, contre deux en 2017. Surtout, les salariés français sur ce segment doivent faire face à la concurrence d'une usine plus moderne en Turquie, où les coûts de production sont moins importants. Mais la stratégie de l'équipementier allemand est claire : en vingt minutes d'échanges, la représentante de la multinationale n'a jamais prononcé le mot "fermeture". Ce qui conforte le ministère de l'Économie.

"Même si le gouvernement suit de très près ce dossier, il ne faut pas réagir à ce qui s'apparente à des rumeurs. Nous travaillons activement avec la direction du groupe Bosch pour diversifier l'usine de Rodez et ainsi préserver ses emplois", commente-t-on du côté de Bercy.

Une diversification qui divise les élus locaux

Des propos qui ne semblent pas convaincre tout le monde.

"Bercy se met un voile devant les yeux, l'usine de Rodez est dans une situation dangereuse ! Notre ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, est complètement à côté de la plaque dans ce dossier !" réagit Christian Teyssèdre, le maire de Rodez et président de l'agglomération.

Lire aussi : "Il y a une discrimination envers les sites hors Allemagne de Bosch" (Christian Teyssèdre, maire de Rodez)

Macroniste de la première heure, arrivant même à faire venir sur le site industriel un Emmanuel Macron en campagne pour l'Élysée, l'élu local a désormais pris ses distances avec la majorité et son gouvernement. Le maire sans étiquette ne comprend notamment pas le positionnement de Bercy et du conseil régional d'Occitanie d'encourager Bosch à se diversifier dans l'aéronautique. "Je regrette que la région ne nous suive pas dans notre positionnement", déclare un Christian Teyssèdre qui demande des investissements sur le site pour maintenir son activité, mais pas spécialement dans le diesel. Ce qui lui a valu une passe d'armes médiatique entre lui et Carole Delga, la présidente (PS) de l'Occitanie, ces derniers jours.

"La région travaille depuis plusieurs mois et années pour envisager des pistes de diversification, mettre en place une stratégie et trouver des solutions concrètes. Nous avons créé des échanges entre les directions de Bosch et Airbus en envisageant les investissements nécessaires à la transition vers l'aéronautique. Nous avons financé la formation d'une centaine de salariés à de nouvelles compétences, nous poussons le projet de l'industrie du futur et le développement de la technologie hydrogène sur ce site pour le positionner sur une filière d'avenir et porteuse en termes d'emplois. Que propose Christian Teyssèdre ? Rien, et donne une image déplorable. Dans ces situations il faut faire preuve de sang-froid, de responsabilité et de volontarisme. Les investisseurs n'ont pas besoin de polémiques et de divisions", a tenu à réagir la présidente de l'exécutif régional.

Lire aussi : Régionales en Occitanie : vers un duel entre Carole Delga et le RN en 2021

Une mission à la traîne

Deux raisons justifient cette sortie agressive de Carole Delga. Tout d'abord, cette dernière, qui travaille déjà à sa réélection aux élections régionales 2021, croit répondre à un potentiel adversaire En Marche sur ce scrutin. "Qu'elle dorme sur ces deux oreilles, je ne serai pas le candidat de La République En Marche, en Occitanie", répond le maire de Rodez. Par ailleurs, la diversification du site de la "capitale" de l'Aveyron est l'autre engagement fort de la direction dans l'accord de transition signé en 2018. Par cette occasion, Bosch s'est engagé à sauver 300 emplois par l'accueil de nouvelles activités sur le site. À l'heure actuelle, seule une activité de production de barres de torsion a été rapatriée sur place, garantissant une quarantaine d'emplois, activité à laquelle il faut ajouter une mission de R&D autour d'une pile à combustible pour l'alimentation de groupe froid qui sauve 10 emplois. Un bilan bien maigre à 12 mois de l'échéance du contrat passé entre la direction de Bosch et les syndicats de l'usine de Rodez.

"Pour le moment, il faut le reconnaître, nous sommes bien en deçà de nos prévisions à ce sujet. La crise sanitaire a considérablement ralenti notre travail sur la diversification, mais nous continuons à rencontrer des partenaires potentiels et nous gagnons des projets d'industrialisation. C'est notre préoccupation majeure", ajoute Florence Melin.

Selon nos informations, la direction de l'usine aurait tout récemment signé un contrat en ce sens avec un fournisseur de matériaux électriques, dont l'identité est encore inconnue, tout comme le nombre d'emplois qui en découle. Pas certain que cela suffise à satisfaire les délégués syndicaux de Rodez qui demandent une rencontre avec la direction allemande du groupe Bosch "dès que possible".

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Commentaires 3
à écrit le 24/11/2020 à 8:16
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Les joies de la transition écologique version française.

à écrit le 24/11/2020 à 4:47
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Ce site est condamne pour une simple raison. La construction outre-Rhin d'une usine de batteries partagee entre la Chine et l'Allemagne. Les injecteurs diesel c'est termine. Le depecage continue. Vive l'europe.

à écrit le 23/11/2020 à 17:45
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La monoculture bien que rentable porte en son sein sa propre fin, ils ont tout de même eu le temps depuis environ 10 ans de savoir que le mazout était un carburant destiné à disparaitre, et 10 ans je suis économe, moi j'ai oublié ce fumeux truc depui...

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