Covid-19 : polémique à la Bosch de Rodez sur la reprise d'activité

En raison de la pandémie de Covid-19, les salariés de "La Bosch" de Rodez (premier employeur privé de l'Aveyron) ont exercé leur droit de retrait. Depuis, la direction du site pousse en interne pour reprendre la production, ce que n'acceptent pas les syndicats. Un énième bras de fer social, sur fond de crise sanitaire, au sein d'une entreprise de 1 500 salariés menacée par la chute du marché du diesel. Les détails.
L'usine Bosch de Rodez reprendra-t-elle la production lundi 13 avril, malgré la pandémie de Covid-19 ?
L'usine Bosch de Rodez reprendra-t-elle la production lundi 13 avril, malgré la pandémie de Covid-19 ? (Crédits : Pierrick Merlet)

Depuis le 17 mars, "La Bosch" de Rodez est à l'arrêt après que ses 1 500 salariés aient appliqué leur droit de retrait, en raison de la pandémie de Covid-19. D'ailleurs, le premier employeur privé du département de l'Aveyron, qui conçoit notamment des injecteurs pour moteur diesel et des bougies de préchauffage, enregistre actuellement trois cas potentiellement positifs parmi ses salariés, pas dépistés, "mais avec tous les symptômes", selon un représentant syndical de l'usine.

Malgré ce contexte, la direction du site a tenté à plusieurs reprises de relancer la production à Rodez. Une première date de ré-ouverture, celle du 23 mars a été envisagée, avant d'être reportée au 31 mars sous la pression des syndicats, puis une nouvelle fois au 6 avril. Les syndicats ne comprennent pas cet empressement à vouloir relancer la production dans le premier site français de Bosch où l'activité a été stoppée.

"L'intersyndicale appelle les salariés à préserver leur santé. Nous ne comprenons pas cette volonté effrénée à vouloir reprendre rapidement la production. En sachant que certains des salariés sont potentiellement contaminés, nous avons peur de devenir l'épicentre du Covid-19 dans l'Aveyron en réunissant des centaines de personnes sur un même lieu confiné", s'inquiète Rudy Martins, secrétaire du Comité social et économique de l'usine Bosch de Rodez et membre de la CGT.

"Uniquement un stylo par salarié pour appuyer sur les machines"

Néanmoins, depuis l'arrêt de l'usine, de nombreux échanges entre les représentants du personnel et la direction de l'usine ont eu lieu pour mettre en place des mesures de sécurité sanitaire, même incomplètes, comme l'admettent les syndicats.

"Un gros travail a été fait pour protéger les salariés mais uniquement sur la distanciation sociale entre chacun. Néanmoins, nous restons sur une activité de production où parfois les employés sont obligés d'être proche des uns des autres. Par ailleurs, beaucoup d'éléments n'ont pas été pris en compte comme les outillages utilisés en commun, qui peuvent être des vecteurs de contamination au Covid-19", s'inquiète Pascal Raffanel, délégué CFE-CGC au sein du site industriel.

Contrairement à d'autres sites français de Bosch, il n'a pas été proposé de gel hydroalcoolique ou de masque de protection, pour rassurer les salariés dans la reprise de leur poste. Une position assumée face à la difficulté de trouver ce matériel sanitaire dans un département qui compte "seulement", au dimanche 5 avril, 56 hospitalisations dont 9 en réanimation liées au Covid-19, selon l'Agence régionale de santé.

"C'est le pic de l'épidémie qui doit commander la date de reprise d'activité. Nous refusons de reprendre notre poste pour une activité non prioritaire. La question serait différente si nous produisions des pièces pour des respirateurs médicaux comme PSA. Le seul équipement personnel qui serait donné aux salariés est un stylo pour qu'ils puissent appuyer sur les touches d'une machine sans entrer en contact direct avec elle", s'alarme Yannick Anglarès, secrétaire CGT de La Bosch.

Selon des syndicats, des pressions gouvernementales seraient exercées pour que le site reprennent un certain niveau d'activité. Surtout, le constructeur Volvo attendrait une importante commande de bougies de préchauffage que seul le site ruthénois est capable de produire dans le monde chez le groupe Bosch. L'autre site qui en a les capacités se trouve en Inde, mais il est à l'arrêt total sur décision gouvernementale pour contrer la pandémie.

Une diversification qui prend du temps

Contactée par La Tribune, la direction du site n'a pas souhaité donner suite à nos sollicitations. Néanmoins, quelques heures après la prise de parole de l'intersyndicale devant les médias, la reprise d'activité a été encore reportée, cette fois-ci au lundi 13 avril. Ce bras de fer dans un contexte sanitaire exceptionnel arrive dans un climat social lourd au sein de l'usine Bosch de Rodez, menacée par la chute du marché du diesel en Europe. Les effectifs sont passés de 2 300 salariés à 1 500 en quelques années et les deux lignes de production d'injecteurs pour moteur diesel ancienne génération ont été remplacées par seulement une seule ligne de production nouvelle génération face aux nouvelles normes européennes anti-pollution. Conséquence directe, 300 emplois sont menacés d'ici fin 2021. Mais la direction du groupe Bosch s'est engagée à les maintenir grâce à une diversification

"Créer 300 emplois hors diesel d'ici fin 2021 est un défi majeur pour l'industrie. À ce jour, nous ne pouvons pas affirmer qu'on va y arriver. Mais on fait vraiment tout ce qui est dans notre possible pour y parvenir. Nous avons développé un certain nombre de pistes. On a développé une offre de services industriels et nous avons remporté en interne un marché de barres de direction (20 emplois, ndlr). Par ailleurs, nous travaillons sur un projet de pile à hydrogène pour le transport de froid, qui sera présenté en septembre et nous sommes également mobilisés sur un projet nommé Data Factory, qui tourne autour de la visualisation par l'image d'objets pour le véhicule autonome", exposait le directeur du site Patrick Meillaud, interrogé par La Tribune avant le confinement.

En plus d'une équipe dédiée en interne, le groupe allemand a mandaté le cabinet Alix Partners pour développer des pistes de diversification. Sur 812 entreprises contactées, seulement huit ont débouché sur des discussions actives, principalement pour des activités de sous-traitance. Un chiffre assez faible qui inquiète les syndicats, qui pensent voir se profiler un plan de départ à la retraite anticipé.

"Cela n'a rien d'extraordinaire d'évoquer cette hypothèse dans le contexte dans lequel nous sommes. Il y a eu des réflexions dans ce sens par le passé, mais je n'ai pas de commentaire à apporter à ce sujet", déclarait le dirigeant à La Tribune le 11 mars.

La reprise d'activité après la crise sanitaire sera donc certainement vitale pour la pérennité du site industriel de Rodez.

Lire aussi : Covid-19 : la Région Occitanie dévoile un plan d'urgence de 250M€

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Commentaires 5
à écrit le 07/04/2020 à 8:13
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On va pas se mentir. Pour beaucoup de salariés, surtout ceux en province qui ont une maison avec jardin, ce confinement équivaut à des vacances avant l'heure. Avec le chômage partiel, ils gardent salaire à peu près correct. Donc reprendre le travail ...

à écrit le 06/04/2020 à 23:45
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Si ils sont unis pour le droit de retrait, je ne vois pas où est le problème. L'entreprise suis le droit français et c'est tout, il n'y a même pas à tergiverser... Après, j'aime l'allemagne mais... Pour ne rien changer à d'habitude, ils se la joue...

le 07/04/2020 à 8:15
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Si ils jouaient solo comme vous dites l'usine serait en Allemagne pas à Rodez non ?

à écrit le 06/04/2020 à 18:25
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Bonsoir, Franchement j'ai survolé l'article...je sais pas si vous parlez du stock de masques qu'à l'entreprise pour ses salariés... Je suis salarié à la ville de Rodez et j'ai eu aujourd'hui !!! Aujourd'hui un masque artisanale. Que la santé l'empor...

à écrit le 06/04/2020 à 14:38
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Ceci est un exemple auquel seront confrontées la majorité des entreprises. Qui osera faire revenir les salariés sans leur garantir la totale sécurité .. (garantir la sécurité est le premier rôle d une entreprise responsable )

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