Aéronautique : Donecle industrialise à Toulouse ses drones pour l'inspection des avions

Face à la pénurie de main d'oeuvre pour la maintenance des flottes et aux finances des compagnies contraintes par les retards de livraison des avionneurs, l'expert toulousain de l'inspection des avions par drone voit son carnet de commandes grossir très rapidement. L'entreprise vient d'investir de nouveaux locaux où elle pourra produire jusqu'à dix drones par mois.
Matthieu Claybrough, cofondateur de Donecle.
Matthieu Claybrough, cofondateur de Donecle. (Crédits : Rémi Benoit)

Les turbulences rencontrées par Boeing ont engendré d'importants retards de livraison du 737MAX auxquels s'ajoutent, notamment, les problèmes du moteur de Pratt & Whitney qui génèrent des tensions dans l'assemblage de l'A220. Autant de péripéties qui ont mis sous tension les finances des compagnies aériennes.

« L'effet de la pandémie a déjà été amorti mais l'incapacité des constructeurs à livrer les avions dégrade fortement leurs finances. Certaines compagnies opèrent avec 10 à 20% de programmes de vol en moins et perdent des millions tous les jours en raison de ces retards », observe Matthieu Claybrough, cofondateur de Donecle.

Automatiser l'inspection des avions

Cette entreprise toulousaine, pionnière dans l'automatisation de l'inspection visuelle des avions en utilisant des drones en devenant la première société au monde à recevoir la qualification d'Airbus pour réaliser ce type d'opérations, a vu son carnet de commandes largement s'étoffer face aux besoins de maintenance des flottes d'avions. Les clients louent un ou plusieurs drones équipés de caméras qui photographient la surface de l'appareil. Des algorithmes de traitement d'images effectuent la détection de zones d'intérêt sur le fuselage et les classifient en défauts ou non. Un inspecteur qualifié peut alors valider les rapports d'analyse. Le tout en moins de deux heures, de quoi générer des économies importantes pour les compagnies aériennes.

Ces dernières doivent débourser en général 10.000 dollars de l'heure pour l'immobilisation imprévue d'un appareil, par exemple en cas d'impact sur l'avion causé par un oiseau, la foudre ou de la grêle.

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Le drone prend des photos pour détecter des défauts sur le fuselage des avions. (Crédits : Rémi Benoit)

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« En automatisant l'inspection de l'avion, la compagnie peut réaliser des économies colossales en cas d'opération de maintenance imprévue. Si l'avion est remis en service en deux heures, au lieu des dix heures nécessaires sans drone, cela veut dire qu'elle économise 60.000 dollars sur l'opération. Les économies sont un peu moins importantes en cas de maintenance planifiée mais cela reste des gains non négligeables », calcule le dirigeant.

Donecle ne vend pas directement les drones mais propose un contrat de location à raison d'un peu moins de 100.000 euros l'année par drone. Son principal concurrent sur le segment est le Néerlandais Mainblades, positionné sur une offre plus low cost puisque pas entièrement automatisée et qui demande donc aux compagnies de former des télépilotes pour guider les drones.

Au-delà de l'impact financier, les acteurs du transport aérien se ruent vers l'automatisation de l'inspection des avions pour des raisons de pénurie de main d'oeuvre.

« Pendant le Covid, beaucoup de techniciens avions sont partis dans l'industrie automobile et les groupes aéronautiques ont du mal à les faire revenir », ajoute Matthieu Claybrough.

Air France, United Airlines, Dassault....

Donecle a déjà déployé une trentaine de drones pour une vingtaine de clients : des compagnies aériennes (Air France, Air Austria, Latam, United Airlines), des armées (l'armée de l'air, la Royal Air Force) ou encore l'aéroport Charles-de-Gaulle. Mais l'entreprise est en train de passer un nouveau cap. Après avoir testé avec succès la technologie avec un drone, ces clients sont désormais en train de déployer la solution à grande échelle sur leurs sites de maintenance. Lors du dernier salon du Bourget, Donecle avait annoncé une commande de dix drones par Dassault pour simplifier l'inspection visuelle des Rafale de l'Armée de l'Air et de l'Espace et de la Marine Nationale. C'est désormais avec le groupe américain United, disposant d'une dizaine de sites de maintenance, que des discussions sont engagées pour une dizaine de drones.

Autant de commandes qui ont poussé l'entreprise à investir deux millions d'euros dans de nouveaux locaux d'environ 2.000 m2 à Toulouse. La bâtiment est équipé d'une ligne de production pour augmenter la capacité de fabrication d'un à dix drones par mois. Donecle dispose aussi d'une volière drones pour accélérer les tests de R&D pour de nouveaux produits. Et surtout, l'entreprise a désormais la place pour agrandir son effectif, actuellement composé d'une trentaine de salariés, pour accueillir une cinquantaine de collaborateurs.

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Volière et ligne de fabrication des drones. (Crédits : Rémi Benoit)

Cap sur les Etats-Unis

En parallèle, la société envisage d'ouvrir cette année une filiale aux Etats-Unis, à Chicago.

« Nos drones ont déjà été approuvés par Airbus mais désormais nous voulons l'autorisation des autres grands constructeurs mondiaux. Notre présence aux États-Unis permettra de nous rapprocher de Boeing et de regarder aussi le marché militaire américain. Mais outre les États-Unis, nous voulons pénétrer de façon plus globale l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud. Nous avons déjà des discussions avec le constructeur brésilien Embraer », expliquait à l'automne dernier Matthieu Claybrough.

Une société américaine était d'ailleurs l'un des deux investisseurs de la levée de fonds de plus de cinq millions d'euros réalisée l'an passée par Donecle. Le deuxième investisseur étant le fabricant mondial de peintures aéronautiques AkzoNobel.

« AkzoNobel veut passer progressivement d'un modèle de vente de peinture au litre aux compagnies aériennes, à un modèle d'abonnement avec la garantie d'un certain niveau de qualité de peinture sur l'ensemble de la flotte. Le drone permet d'inspecter l'avion pour réaliser des petites retouches locales régulières plutôt que d'attendre que les dégâts ne soient trop étendus et demandent de repeindre entièrement l'avion. En faisant des réparations au bon moment, il est possible d'allonger la durée de vie de la peinture et d'aller chercher des économies d'argent et de matières premières. Ce qui est aussi bon pour la planète puisque la peinture est un produit chimique », explique le dirigeant.

Cette offre a déjà été lancée par AkzoNobel aux Etats-Unis et devrait bientôt arriver en Europe. Après avoir vu bondir son chiffre d'affaires d'1,6 million en 2022 à 2,8 millions d'euros en 2023, Donecle vise 3,2 millions cette année.

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