L’Asie du Sud-Est se branche (enfin) sur les énergies renouvelables

À la traîne derrière leur imposant voisin chinois, les pays de l’ASEAN, prennent à leur tour le virage des renouvelables avec des projets d’envergure, comme en témoigne Emmanuel Abadie. Cet Aveyronnais, a fondé et dirige une société d’installation et de maintenance de panneaux solaires et d’éoliennes en Thaïlande.
La société de l'Aveyronnais monte une ferme solaire et éolienne au milieu des rizières en Thaïlande.
La société de l'Aveyronnais monte une ferme solaire et éolienne au milieu des rizières en Thaïlande. (Crédits : DR)

Au début, le choc a été rude entre les paysages des causses autour de Millau et les plaines de Thaïlande, mais Emmanuel Abadie s'y est vite fait. Né et grandi dans le village de La Cresse, dans le sud de l'Aveyron, le Français s'inscrit ensuite à l'université de Toulouse, où il rencontre l'étudiante thaïlandaise qui deviendra son épouse. Après un diplôme d'ingénieur à Supméca (Paris), à 23 ans, le jeune homme s'envole pour la Thaïlande rejoindre son amoureuse. Nous sommes en 2011 et il n'en repartira pas.

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Grâce à son appétence marquée pour les énergies renouvelables, il se rend compte alors que tout est à faire ici. « Ils avaient 20 ou 30 ans de retard sur la France. On en était encore aux prémisses de la filière, témoigne-t-il auprès de La Tribune. La Thaïlande a signé la COP21 (conférence sur les changements climatiques à Paris en 2015, ndlr) et veut augmenter de 10 % d'ici 2030 la part de renouvelable dans son mix énergétique ». La capacité de production devrait ainsi passer à 3 gigawatts dans le pays, contre 10 en France par exemple.

Le déclic, ce sont quelques Thaïlandais très fortunés qui l'ont eu en venant visiter des installations du nord de l'Europe, branché depuis longtemps sur les énergies renouvelables. « Le Danemark, par exemple, se souvient Emmanuel Abadie, a envoyé ses « vieilles » éoliennes en Chine et en Inde pour monter les premiers projets. Les résultats ont montré aux gouvernements l'intérêt de se lancer ». L'autre élément déterminant a été la diminution annoncée des ressources souterraines en gaz et en charbon dans lesquelles la Thaïlande puise une bonne partie de son énergie. Les températures particulièrement élevées, plus de 40 degrés par endroits en mars-avril dernier, accentuées cette année par le phénomène El Niño, ont fini de convaincre les gouvernements des pays d'Asie du sud-est de l'urgence à agir contre le dérèglement climatique, sans compter son impact délétère sur la culture du riz, dont le Vietnam, l'Inde et la Thaïlande sont les premiers producteurs mondiaux.

Un écosystème à développer

C'est en 2011, au moment où Emmanuel Abadie arrive en Thaïlande, qu'est signé dans le pays le premier projet de ferme éolienne. L'Aveyronnais est alors embauché par Siemens. Il passera 9 ans chez le géant allemand à fabriquer et à installer des machines dans toute la région. En 2020, avec plusieurs associés, le Français crée sa propre société de construction et de maintenance, Green Innovation & Maintenance Co. Car c'est tout un écosystème de sous-traitance qu'il faut développer.

« À l'époque, se souvient-il, nous avons commencé avec un contrat pour une ferme de 70 éoliennes en Thaïlande. J'ai démarré avec trois employésAujourd'hui, nous sommes 73, et à la fin de  cette année, nous devrions atteindre les 100 permanents ».

En plus des éoliennes, l'Aveyronnais s'est aussi lancé dans l'installation de parcs solaires, une activité très gourmande en main d'œuvre. Beaucoup d'anciens de chez Siemens l'ont alors rejoint. En Thaïlande, tout passe par l'État qui lance des appels à projets pour attirer des grands groupes internationaux et les inciter à investir dans le renouvelable. La taille des projets, elle, est sans commune mesure avec la France. « Chez nous, on installe souvent trois ou quatre éoliennes à la fois, observe le Français. En Asie, c'est être 10 ou 20 fois plus ».

Un pays tiraillé entre l'éolien et le solaire

L'autre différence avec la France est le contrôle des terres agricoles pour y installer des fermes solaires ou des éoliennes. « En Asie, c'est beaucoup plus contrôlé, décrit l'Aveyronnais, les terrains agricoles ne sont attribués qu'aux paysans et uniquement pour les cultiver. Les projets privilégient l'éolien parce que le solaire demande des terrains difficiles à trouver ». Il existe aujourd'hui une vingtaine de grosses fermes en Thaïlande, un nombre qui devrait doubler dans les années qui viennent. Mais le système a ses limites, prévient Emmanuel Abadie : « Plus vous êtes proche de l'Équateur, moins il y a de vent et donc de potentiel pour l'éolien. Ça freine le développement ».

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D'autres pays, comme le Japon, misent davantage sur l'éolien en mer. Idem à Taïwan où « ils ont installé toutes leurs éoliennes offshore dans le détroit qui sépare l'île de la Chine, témoigne le Français, c'est devenu un outil géostratégique ». L'éolien est parfois couplé à l'hydroélectricité fournie par les barrages, en particulier au Laos, où le groupe français EDF était intervenu. « En Thaïlande, il y a un projet pilote, détaille l'Aveyronnais, où l'énergie intermittente produite par un champ d'éoliennes permet de pomper l'eau au pied d'un barrage et de la remonter dans le réservoir supérieur. C'est comme une batterie naturelle qui produit de l'électricité uniquement en cas de besoin ».

Âgé aujourd'hui de 36 ans, Emmanuel Abadie, s'est aussi lancé dans le café, qu'il cultive dans la petite ferme où il vit avec son épouse et leurs deux enfants de 4 et 7 ans, à 1.200 mètres d'altitude dans les montagnes du nord de la Thaïlande, dans la province de Chiang Mai. Il en vend une tonne chaque année environ.

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