Cancer : une sonde fluorescente pour détecter les tumeurs microscopiques

Fondée en 2024, la biotech toulousaine spin-off du CNRS et de l'Institut universitaire du cancer de Toulouse Oncopole a mis au point une sonde diagnostic pour la chirurgie guidée capable de localiser les foyers cancéreux microscopiques. Ces derniers sont invisibles à l'œil du chirurgien qui ne peut les retirer durant l'intervention et sont à l'origine de rechutes. Injectée chez le patient la veille de l'opération, la sonde permet d'atteindre les petites tumeurs, même celles non encore vascularisées. Prête à être produite en grande quantité, l'innovation de See2cure sera prochainement testée sur l'humain lors d'essais cliniques.
(Crédits : DR)

La carcinose péritonéale représente le stade avancé de cancers d'origine gastro-intestinale et gynécologique, après dissémination des cellules tumorales créant ainsi des métastases (ou tumeurs secondaires) dans la cavité abdominale. Le traitement de cette pathologie combine une chirurgie de cytoréduction et des chimiothérapies. Malheureusement, certaines tumeurs microscopiques restent invisibles à l'œil du chirurgien, et l'absence de vascularisation empêche l'action des chimiothérapies. Ces lésions peuvent alors être responsables des nombreuses rechutes.

Des tumeurs microscopiques à l'origine de 75% des rechutes

Ces foyers tumoraux microscopiques, qui échappent à l'œil humain causeraient 75 % de rechutes chez les patients dans les 5 ans qui suivent l'opération chirurgicale. Ils poursuivent leur croissance et forcent les malades à poursuivre une thérapie de seconde intention puisque le premier traitement n'aura pas été efficace.

L'entreprise toulousaine See2cure, spin-off du CNRS et de l'Institut Universitaire du Cancer de Toulouse Oncopole, développe une sonde diagnostic fluorescente capable de détecter ces foyers cancéreux secondaires. L'innovation permet ainsi au chirurgien de repérer les petites cellules tumorales microscopiques et de les retirer totalement. Leur détection est possible même à leurs premiers stades de développement. La sonde peut également atteindre des foyers non encore vascularisés. Ses propriétés spécifiques participent à la prévention des rechutes en empêchant la réimplantation de cellules tumorales détachées pendant la chirurgie. Un grand espoir pour les 500.000 malades recensés chaque année dans le monde avec des cancers abdominaux généralisés.

« L'aventure est née il y a plus de 10 ans. Nous avions entre nos mains une protéine extraite d'un champignon, de la famille des lectines, qui pouvaient être exploitées pour différentes applications. Avec mon directeur de thèse, nous avons rencontré un chirurgien oncologue à l'Oncopole de Toulouse et lui en avons parlé pour savoir si elle pouvait lui être utile dans sa pratique quotidienne. C'est là qu'est née l'idée de la sonde diagnostic fluorescente pour faire de la chirurgie guidée.

Les dix années qui ont suivi ont été énormément d'expérimentation, ma thèse, mon post-doctorat et une preuve de concept préclinique sur le petit animal. Après tout ceci, nous avions envie de continuer à développer cet outil jusqu'à la clinique humaine. Nous avons donc décidé avec mon directeur de thèse, Laurent Paquereau, chercheur au CNRS et professeur à l'UT3 Paul Sabatier et Gwenael Ferron, chirurgien oncologue, de fonder la startup en janvier 2024 », retrace Mathilde Coustets, docteur en biotechnologie et cofondatrice de See2cure.

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Comment fonctionne cette sonde qui permet de réaliser de la chirurgie guidée ? La veille de l'intervention, la sonde est injectée au patient de manière intrapéritonéale, dans la cavité abdominale. Une fois diffusée, elle est au contact des cellules tumorales. Les tumeurs solides, présentes dans les cancers épithéliaux (80 % des cancers existants) et qui expriment un petit sucre appelé antigen TF vont alors être reconnues par la protéine lectine présente au cœur de la sonde et « qui a une grande affinité pour les sucres ». De plus, une molécule fluorescente qui accompagne cette protéine va permettre d'identifier les tissus tumoraux et les rendre détectables par les caméras présentes dans tous les blocs opératoires des centres de lutte contre le cancer. La sonde imaginée par See2cure va ainsi trouver les foyers tumoraux microscopiques et assister le professionnel en temps réel durant l'intervention.

« L'injection intrapéritonéale s'explique par le fait que dans les cancers épithéliaux partent d'un organe et se disséminent dans l'ensemble de la cavité abdominale. Le chirurgien va faire l'opération, comme à son habitude, sous lumière blanche et retirer toutes les grosses masses tumorales visibles. À la fin, il va utiliser les caméras qui vont lui révéler grâce au signal fluorescent les petites tumeurs restantes et les retirer de la cavité abdominale du patient avant de le refermer », explique la CEO de la startup.

Un procédé unique au monde

L'innovation protégée par un brevet a fait ses preuves par le passé sur l'animal (la souris). La preuve de concept, qui témoigne des résultats positifs, a été publiée en dans un article de la revue scientifique internationale, Biomaterials en 2020. « Nous avons développé un modèle de cancer abdominal généralisé d'origine ovarienne. Nous avons ensuite injecté la protéine complexée à sa molécule fluorescente et avons observé qu'elle allait sur les micro-foyers. De plus, nous avons obtenu un excellent signal-to-noise ratio (le rapport signal sur bruit) qui permet d'évaluer l'efficacité d'une sonde. Il était entre cinq et sept sachant que pour que le dispositif puisse passer en clinique, il faut être autour de quatre », raconte la cheffe d'entreprise de 37 ans.

Aujourd'hui, See2cure est la seule au monde à proposer un dispositif de la sorte. Deux entreprises réalisent des technologies qui s'en rapprochent. La première, Cytalux aux États-Unis développe une sonde injectée en intraveineuse, dans le cadre des cancers de l'ovaire et du poumon, qui va détecter un marqueur présent sur 60 à 70 % des tumeurs quand celui de See2Cure est présent sur 90 % d'entre elles. Le seconde, SurgiMab est montpelliéraine et a imaginé des anticorps complexés à une molécule fluorescente qui une fois injectés en intraveineuse reconnaissent 70 % des tumeurs dans le cadre du cancer colorectal. « Les deux sont en essais de phase III, mais en injectant en intraveineuse, leur sonde n'arrivera jamais sur les micro-foyers non vascularisés qui peuvent causer des rechutes », insiste-t-elle.

Levée de fonds en vue

Dorénavant, la jeune pousse incubée chez Nubbo souhaite lancer ses premiers tests cliniques sur l'homme. Des essais de phase I sont prévus sur 15 à 25 patientes atteintes du cancer de l'ovaire début 2027 au sein de l'Oncopole de Toulouse. Ils seront dirigés par le docteur Gwenael Ferron, cofondateur et chirurgien reconnu mondialement dans les cancers gynécologiques. Ce palier va également permettre de déterminer « la variété de cancers » que la sonde pourra adresser. L'appareil de See2cure est prêt à être produit en grande quantité aux normes Good Manufacturing Practices (GMP) des médicaments.

Le rythme de progression de la biotech dépendra des financements qu'elle réussira à obtenir. See2cure a évalué ses premiers besoins à 4 millions d'euros pour « aller jusqu'à la fin de la toxicité réglementaire et de la phase I des essais cliniques ». Elle souhaite lever 1 million d'euros le plus vite possible. Pour le reste, elle compte sur du love money, des bourses et subventions ainsi que du crowdfunding.

« La première étape, la toxicité réglementaire est obligatoire avant le premier essai chez l'humain. Les fonds vont payer la R&D et un test compagnon, un indispensable qui va permettre de sélectionner les patientes à inclure dans nos essais cliniques. Une fin des essais de phase I en 2028 est tout à fait possible. Notre objectif est d'accompagner cette sonde sur le marché », conclut Mathilde Coustets.

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