![L'avion à hydrogène pose aussi un vrai challenge pour les matériaux utilisés à bord des avions.](https://static.latribune.fr/full_width/2056786/zero-emission-airbus.jpg)
Airbus affiche toujours l'objectif de faire voler un avion à hydrogène en 2035. Cet aéronef d'un nouveau genre pose d'immenses défis en matière de stockage et d'intégration dans l'avion... sans parler des infrastructures nécessaires à proximité des aéroports. « L'hydrogène est aussi un vrai challenge pour les matériaux », a indiqué Wolfgang Brochard, Propulsion Airframe Product Innovation Leader au sein d'Airbus, à l'occasion de la conférence ECHT organisée cette semaine à Toulouse.
« L'hydrogène va se retrouver dans différents états à bord de l'avion. Il sera stocké sous forme liquide avant de passer sous forme gazeuse. Il va donc falloir regarder la compatibilité des matériaux aéronautiques dans un environnement gazeux », ajoute-t-il.
L'hydrogène pourrait aussi fragiliser les matériaux à bord de l'avion : « Les métaux ou les composites qui vont être en contact avec cet hydrogène vont se retrouver particulièrement corrodés et fragilisés », complète Denis Descheemaeker, directeur général au sein de l'IRT Saint-Exupéry.
Un premier moteur hybride
Les ingénieurs de la filière aéronautique vont devoir aussi s'adapter à l'arrivée de nouveaux moteurs dans les avions. Safran et GE Aviation planchent, au sein de CFM International, sur le moteur Rise qui pourrait remplacer le moteur Leap équipant les avions monocouloirs d'Airbus et de Boeing et qui sera le premier sur ce type d'avion à prévoir une hybridation électrique.
« Pour améliorer le rendement, le moteur est très grand : il est équipé d'un "fan", un gros ventilateur en bordure du moteur qui dépasse les quatre mètres de diamètre. Il va falloir le loger sous les avions donc nous menons un travail très étroit avec les avionneurs pour pouvoir intégrer ce moteur dans les aéronefs », indique Olivier Delcourt, directeur du pôle matériaux et procédés de Safran Tech. Ce centre de R&T implanté sur le plateau de Saclay consacre d'ailleurs 70% de son budget aux matériaux. Preuve donc qu'ils seront au coeur de futurs projets d'avions bas carbone.
Au-delà des nouvelles dimensions à prendre en compte dans l'architecture de l'avion, ces nouveaux moteurs vont chauffer davantage pour atteindre une combustion plus élevée et améliorer la performance environnementale de l'appareil.
Pour les nouveaux moteurs, les matériaux vont devoir résister à de plus hautes températures. (Crédits : Rémi Benoit)
« Les matériaux devront résister à plus de 700 degrés contre 650 degrés auparavant. Aubert & Duval a développé un superalliage, l'AD730, utilisé pour les disques de turbines capable de résister à ce niveau de température », indique Sandrine Bozzi, directrice des alliages et des procédés thermomécaniques au sein d'Aubert & Duval.
Essor de nouveaux composites
Les nouveaux avions sont désormais largement équipés de matériaux composites. L'A380 en contenait déjà près d'un quart et un nouveau cap a été franchi avec l'A350 dont plus de la moitié de la structure primaire est composée de ces nouveaux matériaux. Chez Boeing aussi, ils sont devenus majoritaires sur le 787. Moins lourds que l'aluminium, les matériaux composites permettent de réduire le poids à vide de l'avion de près 20%, et de réduire sa consommation de kérosène.
Après un énorme bond en avant depuis quinze ans, les acteurs aéronautiques s'accordent sur le fait que cette proportion de composites à bord des avions devrait progresser désormais de manière plus mesurée. En revanche, un bouleversement majeur est à attendre sur le type de composite utilisé : alors que les matériaux thermodurcissables étaient jusqu'ici majoritaires dans les avions, une forte percée des thermoplastiques est observée depuis quelques années. Ces derniers ayant l'avantage d'être recyclables. Début mars, le groupe Daher a ainsi dévoilé, au salon mondial des composites, une pièce de la queue d'un avion TBM réalisée entièrement en thermoplastiques quand Sogeclair Equipment livre à Airbus des trappes dans le même type de matériaux. Plus légers que le métal, ces thermoplastiques ont en revanche l'inconvénient d'être gras.
« Il y a un travail à réaliser pour faire adhérer des peintures, des coatings sur ces matériaux », relève Wolfgang Brochard.
Du côté des moteurs, Olivier Delcourt pointe que « désormais toutes les parties contiennent beaucoup de composites ainsi que les nacelles », notant que « le challenge d'après, c'est peut être d'introduire ces nouveaux matériaux sur certaines pièces comme le train d'atterrissage ». Pour sa part, Denis Descheemaeker perçoit l'essor de composites en petites quantités et pour répondre à des besoins très particuliers au sein de l'avion (résister aux hautes températures ou faire barrière anti-feu, etc.).
L'économie circulaire dans les usines
Enfin, dans la perspective d'un avion bas carbone, les industriels réfléchissent aussi au recyclage des matériaux. C'est le cas notamment d'Aubert & Duval.
« Au niveau de l'acierie, nous atteignons déjà des taux très élevés de recyclage, en moyenne 70 à 80%. Nous menons un projet d'économie circulaire pour élaborer du titane à partir de copeaux et chutes massives récoltées sous les fours de l'usine », décrit Sandrine Bozzi.
De son côté, l'IRT coordonne le programme de recherche DEFITitane qui vise à proposer de nouvelles sources d'approvisionnement d'alliages de titane et développer des gammes de fabrication moins émettrices de gaz à effet de serre, plus sobres vis-à-vis de la consommation d'énergie et réduisant la quantité de matière première mise en œuvre. Un projet qui s'inscrit dans la suite logique du programme MAMA qui a permis de réduire de 30 à 40% la quantité de titane pour produire une pièce.
Des pistes sont également en en cours pour donner une seconde vite aux matériaux composites. A l'image d'Expleo à Toulouse qui a développé un procédé chimique peu énergivore pour recycler la fibre de carbone utilisée dans les avions.
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