Aéronautique : Expleo recycle à moindre coût les matériaux composites des avions

La société d'ingénierie Expleo a mis au point avec des chercheurs toulousains du CNRS et l'université Paul-Sabatier un procédé chimique pour recycler la fibre de carbone de plus en plus utilisée dans les avions. Peu énergivore et économe, la solution a tapé dans l'oeil d'Airbus et de Tarmac Aerosave. Elle pourrait bientôt être industrialisée avec des applications possibles dans l'aéronautique mais aussi l'automobile et le secteur des loisirs.
(Crédits : Rémi Benoit)

« Un acteur important de la filière aéronautique nous a dit : pourquoi on n'y a pas pensé plutôt », se remémore Philippe Ponteins, responsable en innovation dans l'ingénierie chez Expleo. La société d'ingénierie vient de recevoir un prix de l'avionneur européen à l'issue d'un appel à manifestation d'intérêt sur les avions commerciaux en fin de vie lancé en février dernier par Aerospace Valley, Airbus et Tarmac Aerosave, avec le soutien de l'ADEME et des régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie.

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Gérer le démantèlement des avions avec des composites

Expleo a été distinguée pour avoir mis au point avec des chercheurs toulousains du CNRS et l'université Paul-Sabatier un procédé chimique pour recycler la fibre de carbone. Ces matériaux composites sont de plus en plus utilisés par la filière aéronautique : l'A380 en contenait déjà près d'un quart et un nouveau cap a été franchi avec l'A350 dont plus de la moitié de la structure primaire est composée de composites. « « Les premiers avions commerciaux qui contiennent ces pièces composites sont maintenant en cours de démantèlement. Les matériaux sont broyés mécaniquement avant d'être enfouis sous terre ou intégrés dans des matériaux de construction. Chez Expleo, nous avons cherché un processus plus écologique pour recycler ces matériaux », décrit Philippe Ponteins.

La société d'ingénierie a opté pour un procédé chimique qui s'est avéré redoutablement efficace : « Une fois que le matériau composite est immergé dans un bain contenant un mélange et de solvants et de réactifs, les fibres de carbone sont séparées de la matrice, autrement dit de la résine qui permettait de les lier. On obtient des fibres de carbone longue propres mais aussi un précipité de résine qui pourrait être réutilisé », poursuit le responsable d'Expleo.

expleo fibres

(Crédits : Expleo)

 À noter que lors des tests en laboratoire, la solution chimique a montré la même efficacité au bout de trois passages de matériaux, ce qui laisse espérer une réutilisation à plusieurs reprises des bains de solvants.

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Un procédé peu énergivore et économe

La procédé, pour lequel Expleo a déposé un brevet, se distingue d'un recyclage par thermolyse (décomposition chimique causée par la chaleur) par son faible impact environnemental. « Il n'y a pas besoin de fours à 400-800° dans notre solution. En moins de 24 heures à 60 °C et à une pression atmosphérique classique, le procédé fonctionne, ce qui est beaucoup moins énergivore et coûteux. Les solvants utilisés, conformes à la réglementation des produits chimiques Reach, sont également accessibles à faible coût. C'est important pour obtenir in fine une fibre de carbone recyclée qui ne soit pas à des prix exorbitants », pointe Philippe Ponteins.

expleo fibre

Fibres de carbone recyclées. (Crédits : Expleo)

Par ailleurs, alors que la thermolyse débouche sur des fibres courtes, le procédé chimique de la société d'ingénierie permet la récupération de fibres continues dont la longueur n'est limitée que par la morphologie du réacteur utilisé.

Des partenariats industriels ont été noués dès l'étude en laboratoire avec la fourniture de matière première par Toray, premier fabricant mondial de fibres de carbone et Hexcel Composites, l'un des principaux fournisseurs de composites pour Airbus.

Des applications possibles dans l'éolien, l'automobile et les loisirs

Après les résultats concluants des tests pour lesquels Expleo avait mobilisé un doctorant, la société d'ingénierie espère passer le cap de l'industrialisation. Des discussions sont en cours avec Airbus, Tarmac Aerosave et le pôle Aerospace Valley pour étudier la suite à donner au projet. « Nous avons étudié notre procédé sur un certain type de composites mais il faudrait le démontrer sur d'autres résines et d'autres fibres. Airbus n'est pas le seul à être susceptible d'être intéressé par ce projet qui peut toucher tous les industriels qui utilisent des composites : le secteur de l'éolien, l'automobile et même les loisirs avec l'apparition de planches de surf ou de vélos avec des composites », conclut Philippe Ponteins.

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