Vingt ans après la création de Solar Impulse qui a réalisé un tour du monde à bord d'un avion électrique et solaire, Bertrand Piccard a un nouveau défi : construire un avion à hydrogène liquide et accomplir un tour du monde sans escale en 2028. Boudé par les grands noms du secteur aéronautique lors du développement de Solar Impulse, l'explorateur suisse va recevoir, pour ce projet baptisé Climate Impulse, le soutien d'Airbus, mais aussi de Daher, CapGemini ou encore ArianeGroup, spécialiste de l'utilisation d'hydrogène liquide pour les fusées.
« Bertrand Piccard est quelqu'un de très inspirant en matière d'innovation mais aussi pour sa capacité à relever des défis. Il va réaliser le design de son avion et Airbus lui apportera un soutien technique », a avancé Guillaume Faury, le patron d'Airbus le 15 février dernier à Toulouse, lors de la présentation des résultats annuels du groupe.
Toulouse au coeur de la bataille pour l'aviation à hydrogène
Le constructeur européen avait fait grand bruit en dévoilant, en septembre 2020, en pleine crise sanitaire, son ambition de faire voler un avion à hydrogène dès 2035. L'annonce avait entraîné dans son sillage l'émergence d'une poignée de projets d'aéronefs à hydrogène en France, entre la création de Beyond Aero (avion d'affaires de quatre à huit passagers), Blue Spirit Aero (avion de quatre places), l'implantation à Toulouse de la startup californienne Universal Hydrogen, et même l'émergence de drones cargos fonctionnant à l'hydrogène (H3 Dynamics)...
« Nous sommes heureux de voir de nouveaux acteurs entrer sur le terrain de l'hydrogène. Cela permet de casser le syndrome "Cela ne marchera jamais" et démontre qu'il est sérieux et possible de faire voler des avions à l'hydrogène », a ajouté le dirigeant.
2035, à condition que l'écosystème soit assez mature
Airbus vise toujours 2035 pour faire voler son avion à hydrogène. L'avionneur doit encore trancher entre deux technologies différentes : la combustion de l'hydrogène liquide dans une turbine ou la transformation de l'hydrogène en électricité via une pile à combustible. Le groupe se laisse jusqu'à 2025 ou 2026 pour choisir définitivement et la décision de lancer un programme d'avion à hydrogène ne sera prise qu'à l'horizon 2027-2028.
« Au-delà du design de l'avion, d'autres conditions sont nécessaires au lancement d'un tel programme : le cadre réglementaire et la certification mais aussi toute la logistique de distribution de l'hydrogène vers les aéroports qui devra être assez mature. C'est la raison pour laquelle Airbus se voit comme un catalyseur de la décarbonation : autant le développement de l'avion est entre nos mains, autant nous n'avons pas la maîtrise des autres challenges », a rappelé Guillaume Faury le 15 février.
Une étude en Scandinavie et une usine dans les Pyrénées
Sans en avoir la maîtrise, l'avionneur a engagé des partenariats ciblés pour soutenir le développement d'un écosystème favorable à l'émergence d'un avion à hydrogène. Une étude à grande échelle a ainsi été lancée par Airbus et quatre acteurs scandinaves des secteurs de l'aérien et de l'énergie - Avinor, SAS, Swedavia et Vattenfall - pour étudier la faisabilité de l'utilisation de l'hydrogène comme carburant dans plus de 50 aéroports suédois et norvégiens.
Le groupe va aussi accompagner la création d'une usine à 800 millions d'euros, capable de produire chaque année 70.000 tonnes de kérosène vert produit à partir d'hydrogène, et qui va voir le jour à Lannemezan, dans les Hautes-Pyrénées. Le producteur montpelliérain Qair, à l'initiative de ce projet avec la région Occitanie, a annoncé fin janvier un protocole d'accord avec Airbus sur ce projet. Le constructeur européen pourrait utiliser le kérosène vert pour ses besoins propres mais aussi servir de relais pour alimenter les besoins des compagnies aériennes et acteurs industriels de la région toulousaine.
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