Aéronautique : Universal Hydrogen concrétise l'arrivée de l'hydrogène dans les aéroports

La société californienne Universal Hydrogen a mené ces derniers jours à l'aéroport de Toulouse une démonstration de chargement de ses capsules d'hydrogène sur un avion ATR. La startup a aussi dévoilé un chargeur de batterie mobile alimenté par une pile à hydrogène pour les véhicules qui sillonnent les pistes pour les opérations au sol des avions.
Universal Hydrogen a mené à l'aéroport de Toulouse une démonstration de chargement de ses capsules d'hydrogène sur un avion ATR-72.
Universal Hydrogen a mené à l'aéroport de Toulouse une démonstration de chargement de ses capsules d'hydrogène sur un avion ATR-72. (Crédits : Universal Hydrogen)

« De nombreux aéroports dans le monde utilisent déjà l'hydrogène au quotidien, mais dans la plupart des cas, c'est pour des opérations au sol telles que les navettes (qui acheminent les passagers du pied de l'avion à l'intérieur de l'aéroport, ndlr). Aujourd'hui, nous avons fait un pas de plus pour que l'hydrogène devienne une réalité dans les opérations quotidiennes des aéroports du monde entier », se réjouit Arnaud Namer, directeur de l'exploitation d'Universal Hydrogen.

Manipuler l'hydrogène « comme un bagage »

La startup californienne, fondée par l'ancien CTO d'Airbus Paul Eremenko, a déjà progressé à pas de géant dans son ambition de faire entrer l'aviation régionale dans l'ère de l'hydrogène. Le 2 mars dernier, Universal Hydrogen avait fait voler pendant 15 minutes aux Etats-Unis son avion Dash 8 alimenté par une pile à hydrogène. Lors de ce premier vol d'essai, l'un des moteurs à turbine de l'avion a été remplacé par le groupe motopropulseur électrique à pile à combustible d'Universal Hydrogen imaginé en collaboration avec le fabricant de moteurs électriques MagniX et le spécialiste des piles à combustibles PlugPower.

Lors d'une démonstration menée cette fois depuis l'aéroport de Toulouse fin octobre, la société a réalisé une opération complète de chargement et de déchargement de ses capsules d'hydrogène sur son avion ATR-72 utilisé pour les essais. Après une première démonstration fin 2022 à proximité de ses locaux, Universal Hydrogen était cette fois positionné à une vraie porte de l'aéroport Toulouse-Blagnac avec des conditions d'opérations réelles et un avion d'une compagnie aérienne posté le stand voisin. Même si les capsules étaient à vide, « nous avons suivi toutes les procédures comme si de l'hydrogène était présent dans les modules », précise Pierre Farjounel.

Avant d'ajouter :

« Cela nous a permis de valider un certain nombre de procédures et de progresser vers notre ambition qui est de manipuler l'hydrogène à l'aéroport "comme un bagage". Cela nous a permis de montrer également qu'avec l'équipement aéroportuaire existant, nous pouvions opérer. »

Menée sous les yeux de compagnies aériennes, d'aéroports, des autorités officielles ainsi que des équipementiers qui font partie du groupe de travail sur la compatibilité des carburants alternatifs pour l'aviation, l'opération a été menée étroite collaboration avec l'aéroport de Toulouse Blagnac, ses partenaires en matière de sûreté et de sécurité, ainsi que la société d'assistance au sol, Groupe 3S, chargée des opérations au sol. Fin 2022, Universal Hydrogen avait aussi expérimenté en collaboration avec Daher le chargement de modules (à vide) par camion.

Lire aussiUniversal Hydrogen teste le chargement de modules d'hydrogène à bord d'un ATR

« D'ici fin 2024, nous prévoyons d'intégrer ce système complet dans l'avion pour vérifier que tout fonctionne en conditions de vol. Il y a trois ans, beaucoup de gens disaient qu'une telle technologie ne volerait jamais. Nous sommes en train de prouver que c'est possible », précisait début juin à La Tribune Pierre Farjounel, directeur des opérations européennes de la startup.

Plutôt que d'imaginer un avion à hydrogène de A à Z, comme ambitionne de le faire Airbus notamment, la jeune société veut intégrer des capsules d'hydrogène liquide sur des avions de transport régional déjà en service de type ATR 72 ou Dash 8. Chaque module pèsera environ 600 kg et contiendra une capsule d'hydrogène plus des capteurs pour géolocaliser les modules, connaître leur niveau d'hydrogène disponible... Moyennant une légère réduction du nombre de passagers (56 passagers au lieu de 70 sur l'ATR72), l'aéronef disposera d'une autonomie de 500 milles marins soit environ 1.000 km. « Cela nous permet d'assurer 95% des routes opérées aujourd'hui dans le monde par les ATR 72. Sachant que ces avions sont opérés sur une distance moyenne de près de 180 milles marins en Europe (333 kilomètres) », ajoute le dirigeant.

Une technologie modulaire applicable aux opérations au sol

 Universal Hydrogen entend mettre à profit sa technologie de modules d'hydrogène au-delà de la stricte utilisation dans les avions. La startup a ainsi dévoilé à Toulouse lors de la démonstration un chargeur de batterie mobile alimenté par une pile à hydrogène pour les véhicules électriques utilisés pour les opérations d'assistance au sol des avions, par exemple pour le chargement de fret ou de bagages à bord des aéronefs. Ce prototype a été développé avec le groupe américain JBT AeroTech, spécialisé dans la fourniture de ces véhicules.

Actuellement, les chargeurs utilisés pour les engins électriques fonctionnent encore au diesel, ce qui génère des émissions CO2. L'idée est d'amener l'hydrogène et le chargeur directement sur les aires de trafic des aéroports pour éviter aux engins de parcourir de longues distances jusqu'à une station de recharge centrale. « Les modules d'Universal Hydrogen sont remplis d'hydrogène vert à l'extérieur de l'aéroport et transférés sur le terrain de l'aéroport en tirant parti de l'infrastructure de fret intermodale existante. De là, les modules sont chargés sur une remorque pour un transport sûr et efficace vers n'importe quel endroit côté piste de l'aéroport, ce qui facilite la recharge des véhicules électriques entre les opérations. Cette approche permet d'optimiser les opérations et de minimiser les temps d'arrêt », explique la startup.

Dans cette collaboration, JBT AeroTech est chargé de concevoir le chariot (la partie hébergeant les piles à combustible) et Universal Hydrogen se concentre sur les modules d'hydrogène qui seront positionnés sur la remorque. « Nous restons sur notre cœur de métier: le stockage et la distribution d'hydrogène en utilisant notre solution modulaire », commente Pierre Farjounel.

Pour Universal Hydrogen, le choix d'un système modulaire facilite l'adoption à court-terme de l'hydrogène dans les aéroports sans avoir besoin d'investissements massifs sur les infrastructures pour créer des terminaux spécifiques ou avoir un site de production à proximité. « Il n'y a pas besoin de remplir l'hydrogène au pied de l'avion comme cela peut être le cas avec le kérosène et ce qui nécessiterait donc pour nous une infrastructure conséquente au niveau de l'aéroport. Grâce à notre solution, tous les aéroports sont prêts à accueillir un avion à hydrogène », fait valoir Pierre Farjounel.

Des verrous économiques à lever

Ce qui fait dire à l'ingénieur toulousain que les verrous persistants à l'essor de l'aviation à hydrogène relèvent plutôt du modèle économique : « Les freins, aujourd'hui, ce sont les prix de l'hydrogène qui sont encore loin de l'objectif, la production d'hydrogène liquide et en particulier d'hydrogène vert. » Le patron d'Airbus Guillaume Faury ne disait pas autre chose en confirmant fin 2022 à Toulouse son ambition de faire voler un avion régional à hydrogène en 2035, à condition notamment qu'il y ait assez d'hydrogène disponible au moment du lancement du programme (en 2027 ou 2028) sans quoi il pourrait être retardé. Le développement des programmes liés à l'avion à hydrogène vont également demander des investissements colossaux. Après avoir levé 100 millions de dollars depuis sa création, Universal Hydrogen est en quête de 200 millions supplémentaires avant la fin de l'année. Un tour de table de série C permettrait de développer la chaîne propulsive de deux mégawatts nécessaire pour l'ATR et son intégration dans l'avion.

Une fois bouclée, la levée de fonds devrait aussi permettre à Universal Hydrogen d'étoffer ses effectifs notamment à Toulouse. Installée dans un hangar de 3.000 m2 entièrement rénové au pied des pistes de l'aéroport de Toulouse, la startup y emploie déjà 40 salariés et recherche activement de nouveaux profils.

Lire aussiUniversal Hydrogen cherche 200 millions pour faire décoller l'aviation régionale à hydrogène

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Commentaires 4
à écrit le 03/11/2023 à 10:46
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"dévoilé un chargeur de batterie mobile alimenté par une pile à hydrogène" on peut se demander, vu qu'au sol il y a des prises électriques donc une recharge de batterie possible 24h/24 pourquoi tout passer à l'hydrogène dont le rendement n'est pas "p...

à écrit le 03/11/2023 à 9:02
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La vraie question éludée sous le vocable Vert est l'origine de cet H2 : Électrolyse vert mais d'une grosse consommation d'électricité, le Réformage (injection de vapeur surchauffée sur des produits carbonés - Méthane...) cette filière présente quelqu...

le 03/11/2023 à 10:13
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@Albert. Dès l'instant où la Macronie est parvenue à faire avaler à la Commission européenne que le nucléaire est une énergie "Verte", alors tous les champs du possible sont ouverts. Ceci dit, merci pour votre information enrichissante.

le 03/11/2023 à 10:38
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On peut électrolyser l'eau à haute température (quelques centaines de degrés) avec un bien meilleur rendement qu'à 20°C, il faut patienter, la technologie va se développer. Mais tout ce qui est vert est cher.

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