Universal Hydrogen imagine depuis Toulouse l'avion à hydrogène

REPORTAGE. La société californienne Universal Hydrogen vient d'inaugurer son siège européen au pied des pistes de l'aéroport de Toulouse. Une vingtaine d'ingénieurs planchent sur des kits d'hydrogène liquide pour convertir des avions régionaux ATR72 et penser toute la logistique d'acheminement de ce carburant atypique.
Universal Hydrogen a pris ses quartiers à Toulouse à deux pas des pistes.
Universal Hydrogen a pris ses quartiers à Toulouse à deux pas des pistes. (Crédits : Rémi Benoit)

C'est un lieu déjà chargé d'une longue histoire aéronautique. Doté d'un accès direct aux pistes de l'aéroport de Toulouse, le hangar B16 a vu naître le Guppy ou la Caravelle. Désormais, une vingtaine d'ingénieurs y travaillent à pied d'œuvre pour développer l'aviation à hydrogène. La société californienne Universal Hydrogen, fondée il y a deux ans par l'ancien CTO d'Airbus Paul Eremenko, a décidé d'implanter dans la Ville rose son centre de conception et siège social européen.

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Plutôt que d'imaginer un avion à hydrogène de A à Z, la jeune entreprise mise sur des capsules d'hydrogène liquide à intégrer sur des avions de transport régional déjà en service. "Notre centre à Toulouse sera chargé du développement de ces kits de conversion pour des ATR72", explique Pierre Farjounel, directeur général des opérations européennes d'Universal Hydrogen après 13 années passées à Airbus. Les moteurs existants vont être remplacés par des moteurs électriques et un compartiment sera créé à l'arrière de l'avion pour accueillir jusqu'à quatre modules contenant chacun deux capsules d'hydrogène (chaque module pesant 400 kg). Les équipes californiennes planchent de leur côté sur une intégration similaire sur des avions régionaux Dash 8.

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Le moteur existant sur l'ATR72 va être remplacé par un moteur électrique. (Crédits: Rémi Benoit).

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Chaque avion disposera de trois à quatre modules contenant chacun deux capsules d'hydrogène comme celle qui apparaît au premier plan de l'image (Crédits : Rémi Benoit).

Toulouse en pointe sur l'hydrogène liquide

Les compagnies aériennes clientes auront le choix entre deux options : hydrogène liquide ou gazeux. L'hydrogène gazeux permettra à l'appareil de disposer d'un rayon d'action d'environ 700 km soit une heure et demie de vol. L'hydrogène liquide (ou cryogénique) a l'avantage d'élargir le rayon d'action à 1.000 km soit deux heures de vol. L'inconvénient est que la chaîne logistique pour acheminer cet hydrogène liquide est beaucoup plus complexe.

Tandis que le siège californien se concentre sur l'hydrogène gazeux, les équipes toulousaines sont chargées de développer des capsules avec de l'hydrogène liquide, "la seule technologie qui permettra de faire voler les futurs gros avions" avec ce carburant atypique, précise Pierre Farjounel. Enfin, le site toulousain accueillera deux démonstrateurs pour répondre à des défis de taille : le premier sera consacré à la phase de remplissage de la capsule avec de l'hydrogène et le deuxième au transport de cette capsule de la zone de production jusqu'à l'aéroport. Ces deux démonstrateurs devraient voir le jour d'ici début 2023 tout comme le design final de la capsule avant un premier vol sur un ATR espéré en 2024 et une commercialisation l'année suivante, soit dix ans plus tôt que le nouvel avion zéro émission d'Airbus. Côté américain, un premier vol d'essai intégrant la chaîne propulsive d'Universal Hydrogen sur le Dash 8 est attendu dès la fin de l'année.

50 salariés escomptés dès fin 2022

Pour accueillir ces nouvelles activités, le hangar a subi un important programme de rénovation soutenu par l'Aéroport Toulouse-Blagnac. "Les sols ont été complètement refaits de manière à pouvoir accueillir une activité industrielle, les portes extérieures du hangar, qui étaient très anciennes ont été remplacées, l'électricité a été remise aux normes, le bâtiment est entièrement couvert en Wifi..." liste Pierre Farjounel. Universal Hydrogen dispose dans le hangar de 3.000 m2 : de quoi accueillir l'ATR72 utilisé pour les essais, mais aussi 1.200 m2 de bureaux.

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D'importants travaux ont été menés pour accueillir Universal Hydrogen. (Crédits : Rémi Benoit).

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La startup dispose de 3.000 m2 dont 1.200 m2 de bureaux (Crédits : Rémi Benoit).

Le bâtiment pourra héberger jusqu'à 65 personnes. Une jauge que la jeune société pourrait rapidement franchir. De 25 collaborateurs aujourd'hui, elle pourrait passer la barre des 50 salariés dès fin 2022. La startup recherche actuellement par exemple des ingénieurs pour le développement des capsules ou des experts en cryogénie pour l'intégration de l'hydrogène liquide.

Au-delà des renforts internes, Universal Hydrogen compte s'appuyer sur les grands donneurs d'ordre pour parfaire sa technologie. "Nous sommes ouverts à des collaborations avec Airbus ou ATR. Nous allons aussi devoir travailler avec les grands systémiers par exemple pour analyser l'impact de notre solution sur le train d'atterrissage", décrit le directeur du siège européen. La pépite californienne a noué des liens étroits également avec H3 Dynamics, une autre jeune pousse installée à Toulouse qui compte déployer des drones à hydrogène.

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Pierre Farjounel et Mark Cousin d'Universal Hydrogen. (Crédits : Frédéric Scheiber)

La conversion des avions régionaux avec des kits hydrogène demandera de supprimer une dizaine de sièges dans l'appareil. Mais pas de quoi remettre en cause la rentabilité des trajets. "Au-dessus de 50 places dans l'avion, c'est acceptable pour les compagnies", indique Pierre Farjounel. D'ailleurs, même si la solution d'Universal Hydrogen ne vole pas encore, elle a déjà conquis une poignée de compagnies aériennes. Amelia, qui assure actuellement des vols quotidiens pour le compte d'Air France vers Paris, Aurillac, Tarbes-Lourdes et Castres, est devenue en début d'année la première cliente dans l'Hexagone. Ailleurs dans le monde, une demi-douzaine de compagnies ont déjà franchi le cap : Air Nostrum en Espagne, Acia Aero leasing, la startup américaine Connect Airlines, la compagnie cargo ASL, Ravn en Alaska ou encore Icelandair en Islande. Après une première levée de fonds de 20 millions de dollars début 2021, Universal Hydrogen a collecté 60 millions supplémentaires en fin d'année.

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Il faut dire que la technologie de la jeune société apporte une piste de décarbonation de l'aviation, un sujet devenu majeur dans le débat public. "Il existe aujourd'hui une réelle urgence à trouver des solutions zéro carbone. Le vrai danger serait de voir apparaître  une forme d'extrémisme climatique avec un rejet en bloc des avions", fait valoir le directeur des activités européennes. Avant de faire un appel du pied aux autorités pour soutenir la création d'une filière d'hydrogène vert en France. "Le risque est d'être confronté à des prix d'hydrogène trop élevés et que les acteurs aient plutôt intérêt à importer de l'hydrogène d'autres pays plutôt que de le produire en France, ce qui serait dramatique", conclut-il.

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Universal Hydrogen veut être une piste pour la décarbonation de l'aviation (Crédits : Rémi Benoit).

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