Les camions de Daher roulent désormais au carburant de synthèse issu d'huiles de friture usagées, de graisses animales ou du gras des stations d'épuration. Le groupe aéronautique vient d'installer sur sa plateforme logistique de Cornebarrieu, près de Toulouse, sa propre de cuve de biocarburant.
« Le transport routier est l'un des principaux émetteurs de CO2. Pour réduire l'empreinte carbone de nos transports de 90 %, nous avons opté pour ce biocarburant qui a l'avantage d'être directement utilisable par les camions sans avoir à réaliser de modifications sur les véhicules, de maintenance associée. Le seul problème, c'est qu'aujourd'hui, ce carburant n'est pas disponible dans les stations-service. Nous avons donc décidé de nous doter notre propre cuve », explique Julie de Cevins, senior vice-présidente nucléaire, transport et projets chez Daher.
Le groupe Daher a investi 50.000 euros pour installer une cuve de biocarburant sur sa plateforme logistique de la région toulousaine (Crédits : Florine Galéron).
Daher, qui a racheté fin 2022 la société toulousaine de transport exceptionnel (notamment pour le spatial et l'aéronautique) Transports Chabrillac, dispose sur sa plateforme logistique de 70 camions et d'une centaine de remorques. Ces poids lourds sillonnent la France pour faire transiter des moteurs et des pièces d'avions entre les différentes usines d'Airbus et vont même livrer les éléments jusqu'aux usines de l'avionneur à Hambourg en Allemagne.
Une nouvelle cuve à Roissy en 2024 pour relier Hambourg
« Dans un premier temps, nous allons utiliser le carburant pour tous nos transports locaux ou régionaux. Et puis en 2024, nous allons installer une cuve similaire sur l'un de nos sites en région parisienne, à Roissy, ce qui permettra aux camions de se ravitailler à Roissy pour pouvoir filer vers l'Allemagne où il y aura également des stations-service avec ce biocarburant. Nous visons d'être à 100 % en biocarburant sur la ligne Hambourg Toulouse ce qui va nous permettre de réaliser une économie de 2.000 tonnes de CO2 », complète la dirigeante sachant que « le trajet Toulouse-Hambourg représente ainsi à lui seul 60% des 3,5 millions de kilomètres réalisés chaque année par la flotte de véhicules Daher ».
Un carburant de synthèse qui réduit de 90% les émissions de CO2
L'installation de la cuve a demandé un investissement de 50.000 euros et s'accompagne d'un surcoût de 10% par rapport aux carburants conventionnels. Daher a fait appel au fournisseur français Altens spécialisé dans les carburants alternatifs non fossiles. « Le carburant PUR-XTL est fabriqué en deux étapes. La première étape est d'enlever l'oxygène de l'huile de friture car cela peut générer des problèmes de combustion. La deuxième étape c'est ensuite d'injecter de l'hydrogène pour recréer des molécules d'hydrocarbures, c'est pour cela qu'on parle de gazole de synthèse », décrypte Étienne Valtel, directeur général d'Altens.
Les camions de Daher font transiter les pièces d'avions entre Toulouse et Hambourg (Crédits : Florine Galéron).
L'introduction d'hydrogène explique pourquoi les émissions de CO2 ne sont pas totalement éliminées avec ce carburant. Altens se fournit auprès du leader mondial Nesté qui produit le carburant depuis une usine de Rotterdam (Pays-Bas). Il est ensuite acheminé par bateau vers La Rochelle avant d'être transporté par un camion (lui-même alimenté en biocarburant) pour recharger la cuve installée près de Toulouse.
Le carburant alternatif a été testé avec succès par la Région Occitanie sur les lignes d'autocars de la régie des Pyrénées-Orientales. « Même s'il est aujourd'hui plus cher qu'un carburant fossile, il a permis lors de réduire de 6 à 8% les consommations de carburant », fait valoir Vincent Garel, conseiller régional. Le biocarburant a aussi l'intérêt d'être sans aromatiques contrairement aux produits pétroliers. « Or c'est ce qui dégage tous les produits cancéreux. Utiliser des biocarburants génère aussi moins de polluants dans l'atmosphère donc il existe un intérêt sanitaire au-delà du changement climatique », met en avant pour sa part Étienne Valtel.
Le seul hic pour le moment est qu'actuellement il n'existe pas assez d'huiles de friture usagées ou des graisses animales pour produire assez de biocarburants pour alimenter rien que l'ensemble des besoins du transport routier. Altens mène en ce sens une thèse avec l'école des Mines d'Albi pour chercher de nouvelles technologies pour créer des carburants de synthèse.
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