Repenser l’utilisation des terres

Face à l’enjeu climatique, la question de la préservation des terres agricoles et de leurs usages devient centrale, forçant pouvoirs publics et acteurs de la filière à changer leur modèle de développement. Analyse.
L’étalement urbain, gros consommateur de surfaces, est l’un des phénomènes à l’origine des atteintes à l’environnement.
L’étalement urbain, gros consommateur de surfaces, est l’un des phénomènes à l’origine des atteintes à l’environnement. (Crédits : Rémi Benoit)

Au regard de leur accroissement démographique, la ville de Toulouse et son aire urbaine font figure de championnes de l'étalement urbain. "Chaque année, 800 hectares sont consommés sur l'aire. On continue à construire des pavillons à 30 voire à 40 kilomètres de la ville. Actuellement, l'aire urbaine de Toulouse recouvre 5 400 kilomètres carrés, alors que celle de Barcelone représente un peu moins de 1 800 kilomètres carrés. Dans le même temps, Barcelone compte 4,5 millions d'habitants contre 1,33 million pour Toulouse", peste Philippe Dugot, maître de conférences en géographie à l'université
Jean-Jaurès de Toulouse.

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Vers une "densité modérée"

Ce problème, les pouvoirs publics locaux l'ont identifié et se sont lancés dans l'élaboration d'un document nommé Plan local d'urbanisme intercommunal de l'habitat (PLUi-H). Ce nouveau document, élaboré par Toulouse Métropole et entré en vigueur en avril 2019, permet de définir les zones constructibles sous certaines conditions et non constructibles sur l'ensemble des 37 communes de la métropole toulousaine. Ainsi, l'objectif est de mettre en pratique le concept de "densité modérée", porté par le maire de Toulouse et président de Toulouse Métropole, Jean-Luc Moudenc.

"Si jamais nous gardions le modèle exclusivement pavillonnaire, cela provoquerait un étalement urbain que nous avons bien connu dans les années 1960 à 1980, avec une consommation importante de l'espace agricole et des atteintes aux équilibres de la biodiversité. C'est la vision de développement du siècle dernier, avec ses excès. Les urbains comprennent désormais que la ville ne peut pas se développer sur ces principes, mais au contraire en étant respectueuse de son environnement, notamment rural", expliquait l'édile toulousain quelques mois avant l'adoption de ce texte central dans sa politique d'urbanisme.

Désormais, ce sont 24 147 hectares, sur les 46 511 hectares de la Métropole, qui sont sanctuarisés et protégés, soit plus de la moitié du territoire. "Cette initiative va dans le sens de ce que toutes les métropoles devraient faire, c'est-à-dire avoir le courage politique de protéger les sols autour de nos villes car ces terres nourricières nous permettent de lutter contre le réchauffement climatique en privilégiant le "locavore" et les circuits courts au sein de la filière agricole. En France, nous faisons bien des ronds points à plus de 2 millions d'euros, alors nous pouvons bien stocker des terres à 20 000 euros l'hectare", souligne Dominique Granier, viticulteur dans le Gard et président
de la Safer Occitanie.

Un marché des terres agricoles dynamique

Cet organisme, qui se voit comme le "gendarme du foncier", a quatre missions : dynamiser l'agriculture, protéger l'environnement, accompagner le développement local et observer le foncier. Ainsi, rien que sur l'année 2018, la Safer Occitanie a rétrocédé pas moins de 21 752 hectares de terre. Elle en possède encore 4 416 hectares et en gère 39 823 par le biais de Convention de mise à disposition (CMD). Ce système
permet à tout propriétaire de confier à l'organisme la gestion locative de ses terres agricoles pour une durée allant de un à six ans, dans l'attente d'une orientation définitive des biens (vente, bail à ferme, etc.).

L'année dernière, le marché de l'espace rural en Occitanie a vu la vente de 86 501 hectares de terres au total, dont 6 043 pour de l'artificialisation et 15 483 pour du résidentiel et du loisir. La vente pour des activités forestières et agricoles représente la part restante et reste donc de loin majoritaire.

Pour ces dernières, il est important de réfléchir à des méthodes de culture respectueuses de l'environnement et moins consommatrices en eau, afin de lutter contre le réchauffement climatique.

Des méthodes pour stocker le carbone

Certains acteurs de la filière agroalimentaire mettent déjà en œuvre des initiatives en ce sens. Basé dans le Gers, à Bérézil, le leader européen du maïs à éclater Nataïs va se lancer avec d'autres acteurs dans la mise en œuvre d'une démarche nommée "Naturellement popcorn". À partir de novembre, et ce pour cinq ans, les producteurs de maïs partenaires dans le projet devront appliquer la méthode du "green tillage". Celle-ci consiste à appliquer sur les parcelles des couverts végétaux composés de féveroles et phacélie. Ainsi, une fois broyés, ces couverts offriront un apport nutritionnel aux plants en croissance et aux micro-organismes du sol, mais surtout ils permettront de stocker le carbone dans le sol.

"Sur un hectare, nous pouvons capter jusqu'à 1,5 tonne de carbone. L'objectif est de calculer la différence entre le carbone rejeté dans l'air et le carbone capté dans les sols", avait fait savoir, lors d'une présentation en 2018, Michael Ehmann.

Le président fondateur de Nataïs compte accorder une prime financière aux producteurs impliqués dans le projet. Au-delà de l'approche environnementale, le dirigeant veut réaliser une montée en gamme de ces produits grâce à "Naturellement popcorn".pop

Lire aussi : Nataïs mise sur un popcorn plus propre

Et ceci n'est qu'un exemple parmi d'autres au sein de la région Occitanie. Certains voient dans cette tendance la peur des acteurs d'être mis sur la touche s'ils ne s'alignent pas sur la demande sociétale du moment, à savoir consommer des produits locaux conçus dans le respect de l'environnement.

"Il y a un certain nombre d'actions qui ont un coût important dans leur mise en place mais qui offrent un rapide retour sur investissement, en matière d'énergie. Il y a d'autres investissements qui sont réalisés pour répondre à ce besoin sociétal, plus que dans un souci de rentabilité. Sans cette volonté, certaines entreprises du secteur agroalimentaire craignent de perdre des parts de marché", conclut Vincent de Lagarde, le directeur général de l'Association régionale des entreprises agroalimentaires d'Occitanie

Lire aussi : Occitanie : la filière agroalimentaire face au réchauffement climatique

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