Depuis quelques semaines, l'entreprise Railcoop fait beaucoup parler d'elle. Celle-ci ambitionne de devenir le premier opérateur ferroviaire coopératif de France, voire d'Europe, dans un marché officiellement ouvert à la concurrence mais ultra-dominé par la SNCF. "Nous ne nous sommes jamais positionnés comme un concurrent à la SNCF. Nous voulons uniquement compléter l'offre existante et renforcer le maillage ferroviaire des territoires", rappelle Alexandra Debaisieux, membre de la direction collégiale de Railcoop. Un pari si prometteur que La Tribune avait remis à cette dernière le prix de l'innovation de l'année 2020 dans la catégorie Transports, lors de la dernière édition de son événement "Transformons La France".
Fondé en novembre 2019 à Figeac (Lot), l'ambition de cette société coopérative d'intérêt collectif est désormais une réalité. Grâce à un appel à l'épargne solidaire obtenu auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF), et qui court jusqu'au 3 avril, l'entreprise a obtenu la somme de 1,5 million d'euros de capital social. Ce cap, désormais dépassé, permet officiellement à la société coopérative d'obtenir la licence d'entreprise ferroviaire adaptée au transport de voyageurs.
"Nous sommes déjà aux deux millions d'euros de capital social et la médiatisation dont nous bénéficions nous permet de récolter régulièrement de nouveaux sociétaires. Aujourd'hui, nous approchons des 7.000 sociétaires. Nous avons des associations, des collectivités, des particuliers, mais aussi des entreprises dans notre capital", se réjouit la dirigeante.
Parmi eux, Vichy Communauté, la communauté d'agglomération de Libourne, Montluçon Communauté, le département de la Creuse, le grand groupe TSO spécialisé dans les infrastructures ferroviaires, ou encore l'acteur d'auto-partage Citiz Occitanie. "Ils ont pris des parts chez nous et nous avons aussi pris des parts chez eux. L'idée est d'avancer ensemble sur nos projets pour renforcer le lien entre le transport ferroviaire et leur offre", révèle Alexandra Debaisieux, à propos de ce dernier actionnaire. La Ville de Lyon réfléchit également à entrer dans le capital.
Du transport de fret en Occitanie, avant la ligne Bordeaux-Lyon
L'intérêt de la troisième ville de France se justifie par le fait qu'elle va être l'une des premières concernées par le projet fondateur de Railcoop. La société coopérative, dans sa stratégie, compte relancer l'exploitation de la ligne ferroviaire Bordeaux-Lyon, en passant par Limoges et Montluçon notamment (voir photo d'illustration).
"Le top départ de la ligne est fixé en juin 2022 et nous serons sur trois allers-retours quotidiens, dont un de nuit. Une étude de 2020 nous a confirmé que, grâce au prix et au temps de trajet prévus, nous pourrions capter jusqu'à 690.000 voyageurs chaque année. Néanmoins, nous avons relancé une importante étude sur cette ligne pour prendre aussi en compte la sensibilité écologique et le report modal, surtout dans un contexte de crise sanitaire. Nous attendons les résultats pour septembre prochain mais nos prévisions pourraient être revues à la hausse", explique la dirigeante.
Seulement, en réalité, la première ligne ferroviaire exploitée par Railcoop se trouvera en Occitanie. Dès l'automne prochain, elle exploitera la ligne de fret Decazeville-Capdenac-Toulouse Saint-Jory, avec un aller-retour quotidien. "C'est une première en France de proposer un tel service de la sorte. Nous avons déjà échangé avec des entreprises de la Mécanic Vallée pour analyser leur intérêt et nous avons recruté un commercial pour accélérer et amplifier le démarchage auprès des entreprises potentielles concernées", précise-t-elle. De plus, l'entreprise coopérative lotoise travaille déjà avec la filiale SNCF Réseau pour identifier des sillons de circulation sur l'axe Toulouse-Rennes, avant une exploitation commerciale prévue dès 2023. Pourquoi ces lignes ? Car ce sont des liaisons, toutes abandonnées aujourd'hui par la SNCF et que chacune a fait l'objet d'une étude par Railcoop démontrant leur rentabilité financière.
Du matériel roulant à acquérir
Néanmoins, ce plan de déploiement se réalisera à une condition, pour ce qui est du côté voyageurs : récolter au total cinq millions d'euros de capital social d'ici avril 2022 (soit encore près de trois millions). "Cette somme doit permettre d'avoir le fonds de roulement nécessaire pour réaliser les investissements nécessaires avant l'exploitation, comme le recrutement du personnel de bord", développe Alexandra Debaisieux, qui prévoit l'emploi d'une centaine d'équivalents temps plein en juin 2022. Pour ce faire, le conseil d'administration de Railcoop prévoit de relancer un appel à l'épargne solidaire auprès de l'AMF, mais aussi de compléter la somme avec le soutien d'acteurs bancaires.
Par ailleurs, "l'autre sujet", comme le présente la dirigeante, reste l'acquisition du matériel roulant. Si pour la ligne de fret la question ne se pose pas, car Railcoop va faire appel à un acteur de la location spécialisé, en revanche côté transport de voyageurs la solution n'est pas encore trouvée malgré un budget estimé à 10 millions d'euros et pour lequel des banques vont là aussi accompagner l'entreprise.
"Il est impossible de se tourner vers du matériel neuf car celui-ci ne sera pas homologué à temps pour le lancement de la ligne Bordeaux-Lyon en 2022. De plus, l'ouverture à la concurrence des liaisons ferroviaires en France n'a pas été anticipée et il y a vraiment une tension sur le marché du matériel roulant pour le transport de voyageurs", révèle la porteuse de projet.
Par conséquent, Railcoop se tourne vers du matériel roulant d'occasion pour son lancement officiel et concret sur le marché. Elle a ainsi sillonné la France ces derniers mois, avant de faire une offre aux conseils régionaux de Normandie et Auvergne-Rhône-Alpes pour l'acquisition de dix rames d'occasion de la référence de train X-72500. Le dénouement de ce potentiel business est attendu prochainement.
Sujets les + commentés