Débris spatiaux : « Il faut vraiment se saisir du problème avant qu'il soit trop tard »

Face à la prolifération de débris en orbite, les industriels comme Airbus Defence & Space ou Thales Alenia Space ainsi que les agences (CNES, ESA) réfléchissent à des parades pour limiter le risque de collision avec des satellites. Reste encore à trouver un consensus mondial et un modèle économique pour financer ces opérations de nettoyage de l'espace.
Trente-six mille débris de plus de dix centimètres encombrent actuellement l'espace.
Trente-six mille débris de plus de dix centimètres encombrent actuellement l'espace. (Crédits : NASA)

« Il faut vraiment se saisir du problème avant qu'il soit trop tard », a alerté Pierre Omaly, expert débris au sein de la direction des systèmes orbitaux du CNES le 23 mai dernier  à l'occasion de la conférence d'ouverture du Toulouse Space Festival. Trente-six mille débris de plus de dix centimètres encombrent actuellement l'espace d'après l'Agence spatiale européenne. Tous les débris spatiaux représentent une masse de 9.300 tonnes, l'équivalent du poids de la Tour Eiffel. Cette prolifération fait poindre le risque de collision dans l'espace alors que le nombre de satellites actifs en orbite basse devrait atteindre 40.000 en 2030, contre près de 9.000 aujourd'hui. « Sur certaines orbites basses, à 800 kilomètres au-dessus de la Terre, on commence déjà à observer que le rythme de création de débris est plus rapide que le rythme naturel d'attrition », prévient Matthieu Derrey, responsable de la durabilité des activités des systèmes spatiaux au sein d'Airbus.

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Des débris de quelques millimètres capables de tuer des satellites

À noter que les déchets plus microscopiques sont encore plus nombreux avec 150 millions de débris de plus d'un millimètre en orbite. « La France a été l'un des premiers pays à mettre en place des systèmes anti-collision et nous savons maintenant au niveau européen cataloguer les débris de plus de dix centimètres et les éviter. En revanche, il est beaucoup plus ardu de contourner des débris de quelques millimètres », ajoute Pierre Omaly. Et les conséquences peuvent être désastreuses. L'ingénieur brandit une plaque d'aluminium trouée.

« Nous avons fait un test où une petite bille de sept millimètres percute à une vitesse de six kilomètres par seconde une plaque d'aluminium de cinq millimètres. Cette dernière est complètement trouée. Or, imaginons que cette plaque protège un réservoir d'ergols ou un ordinateur de bord, alors ce minuscule débris peut tuer le satellite », poursuit-il.

Des solutions émergent pour limiter la prolifération

Pour éviter d'en arriver à un scénario catastrophe d'un syndrome de Kessler dans lequel les débris et les risques de collision augmentent de manière exponentielle pénalisant les activités en orbite, les industriels réfléchissent à des parades. « La première chose à faire pour éviter un débris, c'est de s'assurer de ne pas perdre le satellite. Nous travaillons depuis toujours chez Airbus à Toulouse sur la fiabilité de nos satellites. La durée de vie de nos satellites commerciaux va souvent au-delà de la spécification de cinq à huit ans requise par le client. Certains satellites ont duré dix à quinze ans », met en avant Matthieu Derrey.

Airbus Defence and Space est en train de tester des technologies pour capturer les déchets dans l'espace. Dès 2018, le géant du spatial a testé en partenariat avec des chercheurs britanniques un filet déployé depuis un satellite qui a permis de capturer une boîte faisant office de débris. « Pour autant, il faudra trouver un marché pour ces applications avec des clients prêts à payer le prix pour aller chercher ces morceaux de satellites », soulève Matthieu Derrey.

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Airbus a testé en 2018 le déploiement d'un filet déployé pour une boîte faisant office de débris. (Crédits : SST)

Du côté de Thales Alenia Space, des travaux de recherche sont menés pour renforcer la résilience des satellites face aux impacts. « Nous planchons sur des matériaux plus résistants, plus absorbants, pour que les débris ne créent pas d'autres débris », informe Erwan Le Ho, responsable de la transformation de la durabilité au sein de Thales Alenia Space. L'un des autres axes de travail est de se focaliser sur la gestion de la fin de vie des satellites. Le satellite franco-américain SWOT sur lequel Thales Alenia Space a fourni une pièce maîtresse est ainsi conçu pour effectuer une rentrée contrôlée dans l'atmosphère à la fin de sa mission. « Bien sûr, cela a un coût supplémentaire en termes de carburant. Il y a un arbitrage permanent entre la conséquence éventuelle des débris qui peuvent retomber et les solutions qu'il est possible d'embarquer à bord du satellite », précise Erwan Le Ho.

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Un consensus mondial nécessaire

Les industriels et le CNES apportent également leur expertise auprès des acteurs du NewSpace. « Beaucoup de startups se lancent. Elles manquent assez souvent d'expertise et c'est tout à fait normal. Nous essayons de les aider pour qu'ils rentrent dans les clous et qu'ils prennent en compte dès les premières étapes de leur développement ces exigences par rapport aux débris », indique Arnaud Boutonnet, analyste de mission au sein de l'agence spatiale européenne.

Pour autant, pour avoir un véritable impact sur la génération de débris, un consensus mondial sera nécessaire. « 95 % des objets en orbite sont américains, chinois ou russes. La France se place en cinquième position avec 2 % des objets. Pour autant, nous n'allons pas atteindre de réglementation mondiale pour agir », fait remarquer Pierre Omaly, expert débris au sein du CNES. L'Agence spatiale européenne, Airbus Defence and Space, OHB SE et Thales Alenia Space ont signé une charte zéro débris lors du dernier salon du Bourget et le sujet pourrait être abordé à l'occasion de la future loi spatiale européenne attendue cet été.

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Commentaires 6
à écrit le 31/05/2024 à 8:10
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Il faut voir le bon coté des choses, çà constituera un barrage impénétrable nous protégeant des extra terrestres !

à écrit le 31/05/2024 à 0:14
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La solution étant dès le départ, de ne pas polluer, tout simplement. Quel pays déjà ont été les premiers dans les années 60 à mettre leurs poubelles autour de la planète ? Pollueurs payeurs c'est la règle à suivre.

le 31/05/2024 à 7:48
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les restes des annees 60 sont surement tous rentré dans l atmosphere. et de toute facon bon courage pour faire payer l URSS qui n existe plus.

à écrit le 31/05/2024 à 0:08
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Nous sommes tous plein de microplastique et "forever chemicals". Trop tard.

à écrit le 30/05/2024 à 19:24
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Bien moins important que le nettoyage de nos océans et là personne par contre.

à écrit le 30/05/2024 à 18:57
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"... « Il faut vraiment se saisir du problème avant qu'il soit trop tard ». Idem pour les déchets de plastoc dans les océans et les fleuves..

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