Aéronautique : un vaste projet toulousain pour éclairer les angles morts de l'électrification des avions

A Toulouse, l'IRT Saint-Exupéry mène un projet à 60 millions d'euros pour étudier jusqu'en 2030 un panel d'une dizaine de technologies manquantes mais pourtant indispensables à l'électrification de l'aviation. Les travaux pourraient aussi alimenter d'autres pans de la mobilité.
(Crédits : Florine Galéron)

En décembre dernier, Airbus, Daher et Safran réussissaient le premier vol d'essai d'EcoPulse, un avion à propulsion hybride-électrique distribuée doté de six moteurs. Pendant ce temps, le constructeur toulousain Aura Aero veut réaliser d'ici deux ans le premier vol de son avion région hybride de 19 placesAscendance Flight Technologies finalise depuis la Ville rose l'assemblage de son premier eVTOL à taille réelle, la pépite charentaise Voltaero veut produire en série à partir de 2025 un avion hybride cinq places...

« Il se passe quelque chose avec les projets de tous ces acteurs. Certains d'entre eux réussiront leur pari, c'est évident. Nous ne savons pas encore lesquels, ni dans combien de temps mais nous voulons apporter les pièces manquantes dans cette démarche d'électrification », a témoigné Denis Descheemaeker, directeur général de l'IRT Saint-Exupéry ce jeudi 8 février à l'occasion de la conférence More Electric Aircraft organisée à Toulouse.

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Un projet à 60 millions d'euros

L'institut de recherche technologique, qui vient de fêter ses dix ans, a lancé le programme Filae (FILière Aéronautique Electrique), un projet doté d'un budget de 60 millions d'euros sur six ans (cofinancé par le secrétariat général pour l'Investissement dans le cadre de France 2030) pour développer tout un panel de technologies clés pour accélérer l'électrification de l'aviation.

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« Nous ne pourrons pas tout traiter donc nous avons fait le choix de nous concentrer autour de douze projets. Par exemple, concernant les batteries à semi-conducteurs, nous ne nous occupons pas des batteries en elles mêmes mais de la capacité à les embarquer dans un avion. De la même manière, nous ne participons pas au développement des composants mais à la manière de les intégrer avec un degré de fiabilité suffisant. Un autre projet se concentre sur toutes les machines électriques (moteur, générateur, compresseur) qui vont arriver dans les avions. Nos recherches pourront aussi servir à d'autres pans de la mobilité en dehors de l'aéronautique par exemple pour l'électrification des voitures. »

 Electronique de puissance et métaux rares

Autant d'angles morts de l'électrification qui sont pourtant indispensables à l'émergence de cette nouvelle mobilité. « Il faut savoir par exemple que le lancement de la Zoé électrique de Renault aurait pu être compromis par un problème de fiabilité découvert au cours du développement. Certains moteurs subissaient un vieillissement accéléré lié au bobinage manuel de ces pièces », ajoute Denis Descheemaeker.

Parmi les autres projets, le programme espère contribuer à structurer une filière française et européenne en électronique de puissance (SIC/GAN) compatibles avec l'environnement aéronautique. « Nous allons aussi étudier les impacts sur les câbles des avions de ces fortes tensions et des échauffements plus importants. Il faudra donc changer l'isolation des câbles. Et puis, nous allons devoir gérer les dégagements thermiques finalement générés par l'électronique de puissance », expliquait le directeur au moment du lancement du projet.

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Filae s'intéressera aussi à la manière de remplacer par exemple certains matériaux bannis par le règlement européen Reach pour l'isolation des câbles ou encore l'impact des métaux rares sur la décarbonation. « La Chine, premier producteur mondial de terres rares, a interdit (fin décembre, ndlr) l'exportation de technologies permettant de fabriquer des aimants à base de terres rares. Quel serait l'impact sur notre industrie ? Nous ne le savons pas encore », fait remarquer Denis Descheemaeker.

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 Industriels et partenaires académiques

Le programme rassemble un large consortium de partenaires académiques mais également d'acteurs de cette décarbonation comme Airbus, Safran, Daher, Aura Aero, Ascendance Flight Technologies...

« Nous sommes encore une petite équipe et nous ne pouvons pas nous permettre de nous disperser, commente Clément Dinel, cofondateur d'Ascendance Flight Technologies, startup qui devrait passer la barre des 100 collaborateurs en 2024. Nous nous concentrons déjà sur le développement de notre eVOLT et notre système de propulsion hybride. L'IRT peut adresser toutes ces problématiques liées à l'électrification et notre côté nous pouvons aussi leur faire remonter des challenges techniques observés au cours de notre développement.»

Les 12 projets du programme Filae vont mobiliser jusqu'en 2030, près de 25-30 chercheurs, 30-50 post-doctorants, 30 doctorants et 50 stagiaires/apprentis.

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