Comment la filière aéronautique veut consommer moins de titane avec un nouveau projet de recherche

L'IRT Saint-Exupéry et un consortium industriel (Airbus, Safran, Aubert & Duval et trois PME) lancent un nouveau programme de recherches nommé DéfiTitane. Celui-ci doit prendre la suite du projet MAMA, qui consiste à trouver des procédés industriels pour permettre d'utiliser moins de titane dans la supply chain. Arrivé à plusieurs prototypes de TRL 4 dans cette première phase, le collectif vise un TRL 6 dans les prochains mois et attend le soutien de France 2030.
La gestion du titane, une question devenue centrale au sein de la filière aéronautique française.
La gestion du titane, une question devenue centrale au sein de la filière aéronautique française. (Crédits : Reuters)

Entre l'augmentation du prix et la dépendance de l'industrie aéronautique française au titane d'origine russe, principal producteur mondial de titane de qualité aéronautique, consommer moins de titane est un chantier prioritaire pour la filière. Selon le Gifas, avant la guerre en Ukraine, la filière aéronautique française s'approvisionnait en titane pour près de 50% en Russie. Le Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC) et le Gifas portent ainsi conjointement un plan souveraineté titane dont l'ambition, au-delà de diversifier les sources d'approvisionnement, reste principalement de consommer moins de titane avec de nouveaux process.

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En ce sens, l'IRT Saint-Exupéry, installé à Toulouse et aussi investi sur ce plan -  tout comme les deux autres IRT Jules Verne et M2B - , travaille sur le projet MAMA depuis 2018. Celui-ci consiste à développer de nouveaux procédés industriels afin de réduire significativement la consommation de cette matière première ô combien importante, car elle peut composer jusqu'à 15% d'un avion.

« En plus de préparer l'avenir, ce projet doit aussi nous permettre de gagner en compétitivité dans un contexte de concurrence internationale en produisant des pièces d'aérostructure moins onéreuses pour nos clients. C'est un enjeu de développement pour notre tissu industriel local », va jusqu'à dire Pierre Réga, le directeur du site de Pamiers d'Aubert & Duval, présent au Salon du Bourget.

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Initialement lancé par l'industriel et l'avionneur européen Airbus, ce projet a finalement associé l'IRT, le laboratoire Cirimat et trois entreprises occitanes de la supply chain (Mecaprec, Recaero et OPT'ALM), sur demande du conseil régional pour financer 24% de la facture.

MAMA

« L'échelle semi-industrielle à laquelle ont été menés les travaux de recherche, avec les outils numériques et techniques développés, ont permis de réaliser des économies d'environ 30% sur les matières premières utilisées, par rapport aux modes de production actuels », se réjouit l'IRT Saint-Exupéry.

Mais pour parvenir à un tel résultat, 10 millions d'euros ont été investis par l'État via le PIA (pour 49% de cette somme) et le consortium industriel (pour 27%). Cette somme a permis particulièrement de transformer sur le site ariégeois d'Aubert & Duval un atelier de matriçage en l'équipant d'une presse de 1.000 tonnes, couplée à une fonte à très haute température. Avec une température supérieure à 1.000 degrés, l'écoulement du métal lors de la mise en forme de la pièce se rapproche ainsi plus près des dimensions finales souhaitées. « Nous avons pu atteindre un TRL 4 avec le projet MAMA. L'idée est maintenant d'atteindre à TRL 6 avec le projet DéfiTitane, qui est la suite du premier projet », confie Denis Descheemaeker, le directeur général de l'IRT.

En recherche de financements

Seulement, cet objectif d'un TRL 6 avait été fixé initialement pour l'été 2023. Finalement le consortium n'a pour l'instant validé définitivement que le TRL 4 sur des cadres de fuselage de l'A350. Désormais, ce collectif d'une dizaine d'acteurs est à la recherche de nouveaux financements, à savoir cinq à six millions d'euros, pour concrétiser cette seconde phase nommée DéfiTitane qui doit permettre d'arriver à un produit capable d'être industrialisé.

« Nous avons tout d'abord monté un dossier de subventions au titre de France 2030 et nous comptons sur la venue de Bruno Bonnell, le secrétaire général pour l'investissement du plan France 2030, pour recevoir une bonne nouvelle. Nous cherchons aussi des sources de financement en gré à gré. L'actualité récente est que Safran va entrer dans le consortium de financement », a annoncé le directeur général au salon du Bourget.

Si cela est présenté comme une bonne nouvelle par Denis Descheemaeker, cet apport n'est pas une réelle surprise. Aux côtés d'Airbus et Tikehau ACE Capital, Safran est devenu tout récemment propriétaire d'Aubert & Duval. Ce nouveau soutien valide néanmoins l'intérêt du projet collaboratif en cours sur cette question du titane.

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« Cette nouvelle phase de recherche et les sommes estimées vont nous permettre de financer principalement des études », ajoute par ailleurs le directeur général de l'IRT. Elle doit notamment intégrer davantage les trois PME occitanes aux travaux. L'ariégeois Mécaprec, spécialisé sur la production de pièces en prototypage ou petites et moyennes séries, Recaero (capacité à produire des pièces de rechange) et OPT'ALM (fabrication additive) vont ainsi combiner leurs compétences pour faire appel au maximum à la fabrication additive afin de produire des pièces, mais aussi en réparer au lieu de la remplacer si celles-ci sont défaillantes. Actuellement, huit démonstrateurs matricés ont permis de valider les différentes étapes du projet et le consortium fait savoir que d'autres démonstrateurs avec des châssis de fuselage d'A350 serviront à valider le TRL 6.

« Le projet Mama se termine. Aujourd'hui, une nouvelle phase s'ouvre avec DéfiTitane, pour trois ans de travaux collaboratifs supplémentaires. Nous espérons durant cette période amorcer la phase suivante, Remeca. Contre un investissement de 30 millions d'euros sur des machines, l'idée est d'intégrer en France le recyclage des copeaux de titane afin d'en faire de la poudre qui sera utilisée pour de la fabrication additive », conclut Denis Descheemaeker.

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Commentaire 1
à écrit le 22/06/2023 à 7:10
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Bonjour, ils est claire que nous devons envisager de nouveau alliages afin de remplacer le titane... ils est important de maintenir notre production aéronautique et reduire notre dépendance au métaux stratégiques...

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