« La taxe climat sur les aéroports est une hérésie » (Philippe Crébassa, Aéroport Toulouse-Blagnac)

L'aéroport Toulouse-Blagnac sera concerné dès 2024 par la nouvelle taxe climat sur les concessions autoroutières et les grands aéroports voulue par le gouvernement. Dans un entretien à La Tribune, Philippe Crébassa, le président du directoire du quatrième aéroport régional juge « injuste » une telle mesure au regard des lourds investissements engagés par ATB en faveur de la décarbonation. Le dirigeant revient également sur un été contrasté pour l'aéroport de Toulouse, pénalisé par la forte réduction du nombre de sièges par Air France sur la ligne vers Orly mais boosté par l'arrivée d'Air Canada et Qatar Airways.
Philippe Crébassa, le président du directoire d'Aéroport Toulouse-Blagnac juge « injuste » la nouvelle taxe climat sur les concessions autoroutières et les grands aéroports voulue par le gouvernement.
Philippe Crébassa, le président du directoire d'Aéroport Toulouse-Blagnac juge « injuste » la nouvelle taxe climat sur les concessions autoroutières et les grands aéroports voulue par le gouvernement. (Crédits : Rémi Benoit)

LA TRIBUNE - D'après l'association des aéroports européens, Toulouse sera aussi concerné (aux côtés des aéroports de Paris-Roissy, Paris-Orly, Nice, Marseille et Lyonpar la nouvelle taxe mise en place par le gouvernement sur les grands aéroports et les concessions autoroutières. Comment réagissez-vous à cette annonce ?

PHILIPPE CRÉBASSSA - Effectivement, d'après nos calculs, nous serons concernés par la taxe sur les transports longue distance dès 2024 (cette taxe de 4,6% doit s'appliquer au-delà de 120 millions de revenus d'exploitation, un seuil que ne franchira pas l'aéroport cette année, ndlr). Pour nous, c'est injuste, incohérent. Nous sommes face à une incompréhension des pouvoirs publics qui continuent de penser que le transport aérien n'est pas vertueux.

C'est une hérésie d'autant que le transport aérien soutient déjà le développement des infrastructures ferroviaires directement par la taxe spéciale sur les billets d'avion. Ici, c'est une nouvelle taxe imposée aux aéroports qui doit servir à contribuer au développement des infrastructures de transport durable. Mais les aéroports sont aussi des infrastructures de transport durable. Le transport aérien est de loin le premier secteur industriel au monde à s'être engagé sur la voie de la décarbonation et nous avons tous un plan très clair pour atteindre le zéro net en carbone le plus tôt possible.

À l'aéroport Toulouse-Blagnac, notre plan sobriété énergétique cet hiver a permis d'économiser près de 30 % de notre consommation en chauffage par rapport à l'hiver 2019 et cet été nous avons encore économisé 15 % d'électricité par rapport en quatre ans. Depuis l'automne 2021, nous avons une chaufferie biomasse qui comble les trois quarts des besoins de notre aérogare. À l'été 2025, la centrale photovoltaïque installée sur l'un de nos parkings va produire 25 % de nos besoins en électricité. Nous avons également été retenus cet été par la Commission de régulation de l'énergie pour revendre notre électricité sur une durée de 21 ans à un tarif sécurisé via la deuxième centrale qui sera installée sur un deuxième parking. Tous ces projets nécessitent de lourds investissements. Avec cette taxe, on nous enlève les moyens de les accomplir pour des transports supposés plus vertueux. S'il devait y avoir une taxe, cette dernière devrait servir uniquement au financement d'investissements durables et en particulier sur les aéroports.

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Les investissements consentis par l'aéroport Toulouse-Blagnac pour devenir un hub énergétique, notamment via la revente d'électricité ou la production d'hydrogène sont également une manière de diversifier vos sources de revenus face à l'arrivée dans la prochaine décennie d'une LGV reliant Toulouse et Paris. Comment envisagez-vous ce virage ?

Si l'on fait un retour en arrière, à la levée des restrictions de déplacement dues à la crise sanitaire, c'est d'abord le trafic domestique qui a repris et les vols internationaux sont restés de longs mois à la peine. L'an dernier, le trafic domestique et international reprenaient à la même vitesse. La nouveauté cette année, c'est que cette dynamique se sépare face à une transformation du marché domestique français provoquée par un retrait du groupe Air France sur la ligne Toulouse-Orly. Entre l'hiver dernier et cet été, Air France a baissé de 40 % la capacité en nombre de sièges sur la navette. En parallèle, sur le mois de juin, le prix moyen du billet d'avion a augmenté de 16 % en France d'après la DGAC. Avec moins d'offres en sièges et des augmentations de tarifs en conséquence, la demande en pâtit naturellement. Résultat, à Toulouse, nous avons accueilli moins de passagers en juin 2023 sur le réseau domestique qu'en juin 2022, alors même que globalement, nous sommes toujours dans une dynamique de reprise.

Cette tendance se retrouve-t-elle aussi cet été ?

Nous avons relevé des dynamiques assez contrastées cet été. Alors que sur juillet et août, le trafic international a quasiment repris son niveau de 2019 à Toulouse (98% par rapport à il y a quatre ans), le marché domestique n'est qu'à 70 % de son niveau d'avant-crise. Cela conforte notre décision d'axer notre développement sur l'international. Finalement, ce qui aurait dû se passer avec l'arrivée du TGV entre 2030 et 2035 est en train d'arriver aujourd'hui, peut-être dans une moindre mesure et avec un étalement sur une dizaine d'années.

Vous avez accueilli cet été deux nouvelles compagnies, Air Canada et Qatar Airways, au départ de Toulouse . Quelles sont les remontées sur leurs premiers mois d'activité ?

Les tendances sont très bonnes. Nous sommes même positivement surpris notamment par les chiffres d'Air Canada qui atteint 90 % de taux de remplissage sur la nouvelle ligne vers Montréal. C'est exceptionnel puisque normalement une ligne intercontinentale dynamique atteint plutôt 75 % à 80 % de remplissage. Le démarrage d'Air Canada est donc excellent. Maintenant, il faut bien sûr que ce succès s'installe dans l'année, y compris sur la période hivernale. Pour Qatar Airways, les chiffres sont bons avec plus de 70 % de remplissage.

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Ces résultats vous donnent-ils l'envie d'accélérer le déploiement de lignes intercontinentales et de relancer le projet d'une ligne directe vers New-York ?

Nous allons continuer de développer notre réseau de connectivité directe avec d'autres continents. Avant d'aller à New York, nous débuterons par Dakar avec l'ouverture d'une ligne avec Transavia à raison d'un vol par semaine.

Ce qui va aussi changer la donne pour les compagnies aériennes, c'est l'arrivée sur le marché des monocouloirs long range et extra long range comme l'A321XLR qui vont permettre de rendre viables des lignes avec moins de  passagers. Ces avions sont plus puissants, consomment moins avec des coûts d'exploitation moindres que les gros aéronefs comme l'A330 et l'A350. Pour les aéroports régionaux, ces nouveaux avions sont un vrai levier de croissance et de nouvelles connexions internationales.

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Pensez-vous toujours pouvoir retrouver votre trafic d'avant Covid dès 2025 ?

Après avoir accueilli sept millions de passagers en 2022, nous pensons atteindre cette année les huit millions de voyageurs, soit une croissance de l'ordre de 13 %. Nous pensions retrouver notre trafic d'avant crise en 2025 mais c'était avant les transformations que nous sommes en train de vivre cette année sur le trafic domestique. Désormais, nous visons 2026, au plus tôt, pour retrouver le niveau de 2019. La structure de trafic sera complètement différente. Les vols domestiques représenteront 43% du trafic total cette année contre 51 % en 2019. Cela illustre bien la transformation du marché vers plus international.

Une étude d'impact sur le bruit a été lancée il y a quelques jours. Le collectif contre les nuisances aériennes de l'agglomération toulousaine réclame une période sanctuarisée sans avion entre 23h30 et 6h. Que répondez-vous sur à sujet ?

L'aéroport comme de nombreuses autres parties prenantes les communes, les collectivités, les associations ont travaillé pendant près de deux ans autour de l'Atelier des territoires. Ce dernier a abouti à un projet de pacte gagnant-gagnant qui, nous l'espérons, devrait être signé d'ici la fin de l'année. C'est un engagement volontaire qui comporte un train de mesures visant à trouver un équilibre entre le développement économique et les demandes des populations riveraines. L'étude d'impact fait partie de ces mesures. Au-delà de la réduction du bruit à la source et l'amélioration des procédures opérationnelles, nous regardons les restrictions d'exploitation sur la tranche horaire entre 22h et 6h du matin.

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Commentaire 1
à écrit le 06/10/2023 à 9:36
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La vertu de l'aéroport de Toulouse-Blagnac en matière d'environnement peut légitimement être interrogée quand la réalité de la substitution des réacteurs APUs (réacteur de queue fournissant l'électricité et la climatisation lorsque l'avion est au par...

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