Covid 19 : Comment Paul Boyé Technologies est passé de zéro à un million de masques produits par jour. Reportage

Installée au sud de Toulouse, l'entreprise familiale Paul Boyé Technologies est l'un des plus importants producteurs de masques chirurgicaux et FFP2, en France. Face à la crise, l'entreprise industrielle qui emploie plus de 300 personnes en France est passée d'une seule ligne de production dédiée à une dizaine désormais. Voulant garder son leadership dans son secteur, elle travaille sur un "masque tueur de virus", dont la commercialisation est espérée pour le premier semestre 2021. Reportage au coeur de ses ateliers.
Pour répondre à la demande de masques face à la Covid-19, Paul Boyé Technologies a recruté une centaine de personnes en douze mois.
Pour répondre à la demande de masques face à la Covid-19, Paul Boyé Technologies a recruté une centaine de personnes en douze mois. (Crédits : Rémi Benoit)

"Ici, nous habillons 100% du ministère de l'Intérieur, depuis Labarthe-sur-Lèze, dont la Garde républicaine", lance fièrement au milieu de ses ateliers Jacques Boyé, le patron de la société familiale et éponyme. Spécialisée dans le domaine de la protection dite NRBC (pour nucléaire, radiologique, biologique et chimique), Paul Boyé Technologies équipe au quotidien 270.000 policiers et gendarmes, sans oublier la défense, la sécurité civile et les services de santé. Mais au total, c'est une quarantaine de pays clients qui est équipée par ses produits. Et depuis plus d'un an désormais, l'entreprise industrielle installée au sud de Toulouse voit ses rotatives tourner à plein régime, pour tenter de faire face à la crise sanitaire liée à la Covid-19.

Paul Boyé Technologies

Paul Boyé Technologies produit au sud de Toulouse des milliers de référence à destination des forces de l'ordre notamment (Crédits : Rémi Benoit).

Lire aussi : Le Toulousain Paul Boyé Technologies va habiller les forces de l'ordre

"En plus des grosses commandes, nous réceptionnons entre 3.000 et 5.000 commandes de particuliers pour des masques de protection, qui sont traitées dans la semaine. Chaque jour, nous produisons entre 600.000 et un million de masques FFP2 et chirurgicaux", dénombre le dirigeant à la tête de la société fondée en 1904.

Ainsi, à quelques dizaines de mètres des ateliers où sont conçus à la main les prochains uniformes des forces de l'ordre, plusieurs lignes de production se succèdent. À leur entrée ? D'importants rouleaux de tissus qui tournent sans interruption, tout comme des cartons de ficelle qui se vident de manière mécanique. À leur sortie ? Des masques chirurgicaux et FFP2 prêts à l'emploi, autrement dit les équipements sanitaires indispensables face à la Covid-19.

Paul Boyé Technologies

Paul Boyé Technologies

Il suffit de quelques dizaines de secondes à la machine pour produire un masque de protection (Crédits : Rémi Benoit).

"Les lignes de production étaient au garage"

Seulement, avant d'en arriver à un tel résultat, tout n'a pas été simple pour l'entreprise qui dispose de deux sites en France au Vernet (Haute-Garonne) et à Bédarieux (Hérault), en plus de sa base logistique de 20.000 m2 à Labarthe-sur-Lèze. Si Paul Boyé Technologies s'est lancé dans la production de masques de protection au milieu des années 2000, ses capacités en la matière étaient loin d'être optimisées en début d'année 2020...

Paul Boyé Technologies

Paul Boyé Technologies

La société s'est notamment équipée d'un robot sur 1.000 m2 afin d'être capable d'expédier 20.000 produits par jour, disponibles sur son catalogue à destination de ses clients publics majoritairement (Crédits : Rémi Benoit).

"Après la volonté de l'État à l'époque d'assurer son indépendance sanitaire, nous avons lancé la production de masques en 2007, allant même jusqu'à signer un contrat en 2012 de renouvellement des masques arrivant à leur date de péremption. Mais la doctrine a changé par la suite, où il nous a été expliqué que cela coûtait trop cher d'acheter automatiquement des masques dans des proportions importantes, alors que le besoin n'y était pas en l'absence de toute crise", raconte Jacques Boyé.

Résultat, l'entreprise toulousaine, n'ayant plus de débouché pour sa production, fait le choix dès 2015 de démonter ses lignes de production dédiées aux masques. Une seule reste alors en fonctionnement, "suffisant pour répondre à la demande" d'après le dirigeant, jusqu'au début de la crise sanitaire uniquement. "Les lignes de production de masques étaient dans des garages. Nous en avons alors remonté une en janvier, puis une seconde en février, et les deux autres en mars. Nous avions à ce moment-là un total de quatre lignes dédiées aux FFP2 et une pour les chirurgicaux", détaille le patron. Près de 12 mois plus tard, Paul Boyé Technologies dispose de dix lignes, réparties équitablement entre les deux types de masque. Ce sont donc pas moins de sept millions d'euros qui ont dès lors été investis sur le site toulousain ces derniers mois.

Paul Boyé Technologies

L'entreprise a acheté cinq nouvelles lignes de production de masques, en raison de la crise de la Covid-19 (Crédits : Rémi Benoit).

Prêt de salariés initialement dans l'aéronautique

En doublant ses capacités de production en matière de masques chirurgicaux et FFP2, l'entreprise centenaire a du également étoffer ses équipes. Par conséquent, une centaine de personnes ont été recrutées depuis le début de la crise de la Covid-19. Désormais, la société emploie 312 personnes en France, dont 240 rien qu'au sein de son siège.

Lire aussi : Covid-19: le fabricant de masques toulousain Paul Boyé Technologies recrute

"Grâce à du prêt de salariés notamment, nous avons pu aller chercher des compétences dans le secteur aéronautique, qui subit une forte baisse d'activité à cause de la crise sanitaire. Néanmoins, nous éprouvons encore des difficultés à recruter du personnel et nous avons toujours des postes à pourvoir", admet Jacques Boyé.

Paul Boyé Technologies

Jacques Boyé veut concevoir des produits qui assurent de l'activité pour ses sites français (Crédits : Rémi Benoit).

Maintenant, ce dernier se dit prêt à monter une organisation en "3x8" pour répondre à la forte demande, alors que la société est dans l'attente de "grosses commandes". Un contexte qui l'a poussée un temps à envisager, contre 23 millions d'euros d'investissement, la construction d'une usine de production de meltblown, la matière première pour la conception de masques de protection, à Clermont-le-Fort (Haute-Garonne). Pour le moment, le projet reste dans les cartons par manque de visibilité et d'engagement sur les commandes de l'État, selon les dires du dirigeant.

Lire aussi : Le sous-traitant aéronautique AHG va fabriquer le meltblown des masques dans l'usine MKAD

Bientôt "un masque tueur de virus" ?

Un revers qui n'empêche pas à Paul Boyé Technologies de se concentrer sur d'autres projets innovants, elle qui investit chaque année entre 5 et 10 % de son chiffre d'affaires annuel, évalué à 100 millions d'euros, dans la R&D. Une volonté entrepreneuriale qui pourrait lui permettre de commercialiser prochainement un masque biocide "tueur de virus", à l'aide d'une solution intégrée dans le textile, comme aime illustrer Jacques Boyé.

"Nous travaillons sur ce projet depuis bien avant la Covid-19. Tout d'abord, notre volonté était de trouver une solution pour le personnel soignant afin du lutter contre les maladies nosocomiales, puis l'armée nous a demandé de l'adapter à la défense contre les armes biologiques. Depuis quelques temps, nous l'avons testé sur la Covid-19 et nous avons de très bons résultats", révèle le dirigeant.

Actuellement en phase de tests du côté de la direction générale de l'armement, Paul Boyé Technologies a déjà produit une série d'un million de son "masque biocide" pour tester son process industriel. Désormais, l'entreprise toulousaine veut démontrer l'innocuité de son masque, avant une commercialisation espérée dans le courant du premier semestre 2021.

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Commentaire 1
à écrit le 27/01/2021 à 8:03
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ça fait du bien de voir des entreprises françaises qui se battent, et cela aurait encore mieux si c'était en accès complet pour tout le monde. Les motifs d'espoir ne pas si nombreux en ce moment.

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