Les ressources locales dans l'Aveyron, un acteur qui rebat les cartes de la construction (4/5)

Encore peu répandues dans ce secteur, les ressources locales et leurs solutions à faible impact sur l’environnement se multiplient. Dans l’Aveyron, les entreprises Easy Paille et la filature Colbert ont respectivement fait le choix de la paille et de la laine animale pour pénétrer le marché de la construction. Explications.
La paille et la laine, les nouvelles valeurs montantes de la construction.
La paille et la laine, les nouvelles valeurs montantes de la construction. (Crédits : Easy Paille)

Ce sont des matières qui cochent toutes les cases de la transition écologique et certains acteurs du secteur du bâtiment l'ont bien compris. Bois, paille, chanvre ou encore laine de mouton, les matériaux biosourcés et géosourcés ne sont pas encore largement utilisés dans la construction, mais la pénurie de matériaux qui touche le secteur pourrait bien les y aider.

Dans l'Aveyron, l'entreprise Easy Paille créée en 2022 mise sur cette matière bas carbone pour démocratiser l'utilisation de la paille dans la construction. Son innovation, « le mur Easy paille », permet de construire des maisons individuelles et autres édifices publics avec un matériau qui, en conservant la chaleur en hiver et la fraîcheur en été, peut être utilisé pour réaliser des bâtiments passifs.

« La paille utilisée dans l'ossature bois est un isolant très performant, en revanche sa mise en oeuvre est très délicate. Cela fait longtemps qu'on l'utilise pour construire des maisons, mais l'exploitation de ce matériau nécessite d'utiliser de la paille sous forme de petites bottes, hors c'est un format que les agriculteurs ne font plus aujourd'hui. Au lieu de commander à un agriculteur des bottes comme il les faisait il y a 20 ans, puis de les stocker pour mettre la paille à l'abri des intempéries, j'ai développé un concept qui permet de la compresser. Nous achetons des grosses bottes de paille, puis nous mettons la paille en vrac avant de la remettre directement dans l'ossature bois », explique Laurent Garrigues, fondateur d'Easy Paille et tête pensante de cette innovation dont le processus est tenu secret.

Une ressource locale « inépuisable »

L'innovation développée par la société est articulée autour de deux axes : la construction du fameux mur Easy Paille et un réseau de distribution - présent en Aveyron et en Auvergne - chargé de le vendre. La solution est achetée sous forme de modules « qui se montent comme des Lego », précise le dirigeant de cette PME de quatre salariés. Au préalable, ces modules font l'objet de plans d'exécution grâce à un logiciel que l'entreprise a fait développer.

La cible de cette innovation ? Des particuliers qui construisent eux même leur maison ou veulent la faire construire, mais aussi des communautés de communes. Depuis sa création, la société a en effet construit selon ses techniques, une crèche à Colombiès et un Relai petite enfance à Rieupeyroux, deux communes situées dans l'Aveyron. Et pour réaliser ses projets, la PME utilise de la paille produite à 500 mètres de son usine. Un approvisionnement de proximité qui est amené à durer tant la ressource est importante.

Selon le Réseau français de la construction en paille (RFCP), 10% de la paille de blé produite annuellement en France suffirait à isoler tous les nouveaux bâtiments construits chaque année. En termes de ressource « inépuisable », un autre matériau géosourcé tire son épingle du jeu. La laine des brebis - dont le lait sert à fabriquer le fromage de Roquefort - est à l'origine du projet de La Filature Colbert.

Cette société créée en 2022 et basée à Camarès dans le sud de l'Aveyron a décidé d'utiliser cette laine pour développer plusieurs activités. Faire du paillage destiné aux jardiniers et autres paysagistes, de la transformation pour garnir des futons et enfin faire de l'isolation.

« L'isolation en laine de mouton a fait ses preuves. Elle est aussi efficace en été qu'en hiver et ne s'affaisse pas comme la laine de verre. Depuis longtemps, plusieurs pays comme l'Allemagne, la Suisse, la Nouvelle-Zélande utilisent cette laine qui offre une très bonne résistance thermique, un très bon déphasage (capacité à ralentir la pénétration de la chaleur ndlr) et est une ressource inépuisable », avance Jean-Philippe Lignon, co-fondateur de La Filature Colbert.

Cet ancien directeur commercial dans l'industrie automobile qui souhaitait « terminer sa carrière dans un projet qui mêlait économie circulaire, circuit court et projet environnemental » s'est associé avec Jean-Pierre Romiguier, fondateur de la marque de maroquinerie 100% locale (Tarn et Aveyron) « Le Sac du Berger » et l'Association des producteurs de lait de brebis de l'Aire Roquefort (APLBR) pour créer La Filature Colbert.  L'APLBR, avec ses 1400 éleveurs et ses 700 000 brebis de la race Lacaune, est le fournisseur de La Filature Colbert et l'actionnaire majoritaire de l'entreprise (à hauteur de 30%).

La rentabilité de la ressource lainière, un objectif à long terme

La laine ultra-locale, au coeur du projet de la Filature Colbert, fut pourtant des décennies durant un matériel considéré comme un déchet. Jusqu'à aujourd'hui, les éleveurs de brebis aveyronnais ne disposaient d'aucun débouché français leur permettant de valoriser leur laine. Désormais, la laine utilisée par La Filature Colbert marque les prémices de toute une économie à mettre en place pour rémunérer le produit.

« Depuis les années 60, toutes les laines françaises partent en Asie et pendant très longtemps, la tonte des brebis ne servait qu'à s'en débarrasser. Notre objectif est de créer les conditions pour rémunérer cette laine, mais pour l'heure, il est trop tôt pour le faire. Quand la laine arrive chez nous, il faut d'abord la trier, puis elle est lavée dans la seule entreprise de lavage de laine restante en France qui est à Sauges en Haute-Loire. Le rendement de la laine est de 30%, le reste n'est pas valorisable », explique Jean-Philippe Lignon.

À côté de cette nouvelle piste économique à creuser, l'entreprise se positionne aussi sur un sujet qui à terme pourrait s'avérer très fructueux. Engagée dans un processus de reconnaissance, La Filature Colbert veut obtenir la certification ACERMI (Association pour la Certification des Matériaux Isolants). Apposé sur les étiquettes, le label Acermi permet d'éclairer le consommateur en validant officiellement les performances isolantes du produit d'une entreprise qu'elle a certifié.

Pour ce processus réputé être long, coûteux et rigoureux, La Filature Colbert est soutenue par la Région Occitanie et le Parc Naturel régional des Grands Causses. « Si nous arrivons à obtenir cette certification, notre entreprise sera la seule à proposer une laine certifiée. C'est un sésame qui nous permettrait de vendre notre laine un peu partout », se félicite Jean-Philippe Lignon.

Du lundi 13 novembre au vendredi 17 novembre, la rédaction de La Tribune propose une série d'articles sur les entreprises d'Occitanie présentes à la dernière édition du salon MIF Expo.

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