Mettre l'Occitanie à ses pieds va être davantage possible dans ces prochains jours. Jusqu'à présent ce territoire dispose d'une très médiatique entreprise qui produit des espadrilles dans le bassin de Perpignan, Payote, ou encore du réputé Aubrac Bottier, qui réalise des chaussures haut-de-gamme avec des cuirs régionaux. Désormais, la région aura une part d'elle dans le monde des sneakers, ces baskets pensées comme des accessoires de mode.
À compter du 10 octobre, la marque française des sneakers écologiquement responsables, Ubac, proposera sur son site internet deux modèles de chaussures composés totalement de chanvre et de laine d'Occitanie sur leur partie supérieure.
« Historiquement, nous utilisons beaucoup de laine sur nos modèles depuis notre création en 2018. Mais l'intégration de cette nouvelle matière nous offre une traçabilité de filière très forte. Le mélange entre cette laine et ce chanvre d'Occitanie ne fait l'objet d'aucune teinture, tout comme le caoutchouc de la semelle qui est naturel et sans teinture », commente Mathilde Blettery, la fondatrice de la jeune société française, qui avoisine le million d'euros de chiffre d'affaires annuel.
Ce mélange de chanvre et de laine d'Occitanie a été nommé Mesclat, qui signifie « mélange » en occitan. Il permet à la marque Ubac de proposer un produit positionné comme haut-de-gamme, commercialisé à 195 euros la paire et l'entreprise aimerait en faire un produit emblématique de sa marque.
Le Mesclat est un tissu 100% occitan, produit par la structure coopérative VirgoCoop (Crédits : VirgoCoop).
200 hectares de chanvre
Pour ce faire, Ubac est allée acquérir 200 mètres linéaires de ce Mesclat, produit par la société coopérative VirgoCoop, installée à Cahors (Lot). Et dans ses sociétaires, l'entreprise du textile, qui emploie une douzaine de personnes, recense la présence de Ubac. Au total, environ 200 sociétaires soutiennent la raison d'être de ce nouvel acteur du textile en Occitanie.
« Notre ambition est de recréer des filières textiles en Occitanie et ailleurs. Nous avons commencé à travailler sur le chanvre, dont la production est très présente en Occitanie mais qui bénéficie de peu de débouchés dans le textile. C'est une culture qui demande très peu d'eau par ailleurs. Mais le chanvre a travaillé seul dans le textile, c'est devenu difficile car nous n'avons plus les outils nécessaires en France. Nous travaillons à les réintégrer. Par contre, il est possible de faire un chanvre textile en France en le couplant avec de la laine et nous avons de gros gisements de laine, de la race Lacaune en Occitanie », explique Mathieu Ebbesen-Goudin, le président de VirgoCoop.
Rien que pour le chanvre, VirgoCoop fournit un revenu complémentaire à 80 agriculteurs de la région, dont 75% sont en bio. Au total, ils s'exercent sur 200 hectares et la coopérative espère monter rapidement à 500 hectares cultivés avec ces mêmes agriculteurs. Quant à la laine, qui est collectée en Lozère, VirgoCoop récolte chaque année une douzaine de tonnes de laine, auprès de 25 éleveurs et le lavage de la laine se fait dans une unité de Haute-Loire, seule et dernière structure française à détenir encore ce savoir-faire avec des capacités industrielles. La laine est ensuite tissée dans l'atelier de la coopérative, installé dans le Tarn.
La coopérative privilégie une collaboration plus intense avec ses agricultures actuels pour doper sa capacité de production de son chanvre pour le textile (Crédits : Ubac).
Bien que d'une taille modeste, VirgoCoop multiplie les collaborations avec des créateurs et marques de textile. « Nous avons au total une cinquantaine de clients, mais seulement une dizaine commande du volume et assure la rentabilité économique de notre modèle », souligne le dirigeant qui regrette la destruction de l'industrie textile en France. Parmi ses collaborations structurantes, la jeune pousse peut se vanter de collaborer étroitement avec les Ateliers Tuffery, installés à Florac-Trois-Rivières (Lozère) et réputés pour leurs jeans totalement made in France. Avec ce client, la coopérative vient également de produire un plaid composé à 100% de laine de Lacaune. « Nous discutons avec d'autres marques pour de nouvelles collaborations », fait savoir Mathieu Ebbesen-Goudin.
Un changement de statut en cours
Si elle bénéficie de premières belles collaborations comme avec Ubac et les Ateliers Tuffery, aussi sociétaire de VirgoCoop, celle-ci est néanmoins consciente qu'elle doit gonfler sa notoriété pour aller chercher de nouveaux sociétaires et surtout trouver de nouveaux partenaires industriels. Pour ce faire, la coopérative aura son propre stand au salon du Made In France, le MIF Expo, qui se tiendra du 9 au 12 novembre à Paris.
De plus, VirgoCoop va lancer une importante levée de fonds sociétaire sur la plateforme lita.co, d'un montant de 500.000 euros. L'opération doit débuter dans les prochains jours et ne prendra fin qu'au terme de l'année 2023. Actuellement, la coopérative dispose d'un capital social de 400.000 euros. Cette opération apparaît donc comme un véritable bond en avant pour la structure.
Enfin, cette dernière compte changer de statut juridique dans les prochaines semaines. Nous allons devenir une SCIC (Société coopérative d'intérêt collectif, ndlr). « Cela nous permettra d'accueillir notamment des collectivités locales dans nos sociétaires », justifie le président de VirgoCoop. Le conseil régional d'Occitanie, qui a soutenu le projet par le passé, pourrait, par exemple être de la partie.
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