
« C'est à l'issue du Space Forum que tout s'est accéléré », confie l'entrepreneur Jeremy Perrin, à la tête de Connektica. À l'occasion de la sixième édition de cet événement, grand raout annuel de la filière spatiale à Toulouse organisé par La Tribune au mois de mai, la startup franco-canadienne avait reçu unanimement de la part du jury le prix « Attractivité ». Quelques mois plutôt, la jeune pousse avait décidé d'ouvrir sa filiale française dans la Ville rose, afin d'être au plus près de l'écosystème spatial français. Ce qui avait motivé le jury, composé de professionnels, à remettre ce prix. Près d'un an après la création de cette antenne, ce choix stratégique semble être une réussite.
Et pour cause, Connektica vient de boucler un partenariat industriel avec U-Space, un acteur spatial qui fait actuellement construire une usine à Toulouse pour produire près d'un nanosatellite par jour. Si le pari est tenu, cela serait une vraie petite révolution dans le secteur.
« Dans le cadre de ce projet, ils avaient des besoins assez larges donc nous avons beaucoup discuté avec eux ces dernières semaines pour les définir précisément. Nous allons les accompagner sur les phases d'assemblage, l'intégration et les tests dans leur future usine, ce que nous appelons l'AI&T satellite. Ils ont actuellement sept satellites précurseurs à produire et à tester, donc nous allons les accompagner sur ces phases de tests, puis par la suite l'idée serait de tester jusqu'à deux satellites par jour dans leur future unité de production », confie le CEO et cofondateur Jérémy Perrin.
Depuis sa création au Canada en 2019, Connektica développe une suite logicielle avec le souci d'apporter au spatial la compétitivité du secteur automobile sur le volet industriel tout en conservant ses très hauts standards de qualité exigés. À l'aide de boîtiers sécurisés installés sur site, la startup parvient ainsi à centraliser toutes les données possibles sur une seule et même plateforme. Le souci étant d'harmoniser les échanges entre les services pour gagner en temps et efficacité.
« Aujourd'hui, il est nécessaire d'optimiser l'ensemble de la supply chain du spatial. Nous avons des grands intégrateurs, qui développent en interne à coup de millions d'euros leur propre solution pour y parvenir. Par conséquent, on se retrouve avec une filière à deux vitesses : des intégrateurs très performants et de l'autre côté leurs fournisseurs qui font les choses un peu manuellement. Notre idée est donc de relier tout cet écosystème et le rendre plus performant pour répondre à ce besoin de montée en cadence », avait notamment déclaré sur la scène du Space Forum Jérémy Perrin.
Connektica tisse sa toile
Initialement, la jeune entreprise de 17 salariés (dont quatre à Toulouse) s'est concentrée sur un unique segment de marché pour faire son trou : l'automatisation et la digitalisation des tests de radiofréquence, avec un gain de temps énorme à la clé. C'est avec cette première brique qu'elle est parvenue à séduire le Toulousain Anywaves, qui produit des antennes pour petits satellites. C'est aussi cette technologie qui a séduit le grand acteur canadien MDA, ou encore ATEM installé dans le Var.
Dans ce contexte, le partenariat avec U-Space apparaît comme un gros coup pour la petite structure canadienne voire un client pilote, elle qui se cantonnait jusqu'à présent qu'à la phase de tests dans la quête d'industrialisation du New Space. « U-Space cherchait un système MES (Manufacturing Execution System) complet. Nous avons donc développé la partie instruction de notre logiciel pour eux et nous avions déjà lancé le développement de la brique 'procédure'. À terme, nous voulions y aller mais pas aussi vite. Au global, nous allons leur apporter un gain de temps et surtout une bien meilleure traçabilité », commente le CEO.
Dans cette même optique, et selon des informations de La Tribune, le dirigeant vient d'officialiser une collaboration similaire avec Loft Orbital, qui déploie une constellation de satellites partagés. « Nous collaborons étroitement depuis plusieurs mois et allons déployer notre technologie pour les tests radiofréquences dans un premier temps sur les sites de Toulouse et de San Francisco, avant celui au Colorado, sur les phases AI&T satellite pour offrir un accompagnement global », précise Jérémy Perrin, autrefois passé par MDA avant de cofonder Connektica avec Jean-Mathieu Deschênes. Dans les faits, des déploiements préliminaires en environnement de développement ont déjà eu lieu et l'intégration finale en environnement de production sur l'ensemble des sites est attendu pour avril 2024.
Au-delà de développer de nouveaux partenariats, les équipes de Connektica cherchent désormais à élargir leur portée en développant également des briques d'automatisation et d'analyse des données pour des tests méca-thermiques avec son premier client toulousain Anywaves. Ce dernier réduirait considérablement ses coûts de production si la startup canadienne parvient à mettre au point cette brique technologique. Dès lors, le duo porte ensemble un dossier d'investissement commun auprès de l'État, dans le cadre de France 2030. De plus, le producteur d'antennes pour petits satellites serait sur souhaiteraient que ses partenaires industriels adoptes également la technologie de Connektica afin de favoriser l'échange de données.
Grâce à ses nouvelles collaborations, Connektica compte atteindre les deux millions d'euros de chiffre d'affaires en 2023. Elle se montre optimiste pour la suite puisque l'ensemble de ses clients va désormais basculer vers un modèle d'abonnement sous formes de licences logicielles (SaaS) avec des revenus récurrents à la clé.
Sujets les + commentés