Spatial : Loft Orbital s'agrandit à Toulouse pour lancer deux constellations en moins de deux ans

REPORTAGE. La société franco-américaine Loft Orbital a investi depuis le début de l'année ses nouveaux locaux, trois fois plus grands que les précédents, en plein centre-ville de Toulouse. La pépite de NewSpace compte y attirer des talents venus de toute l'Europe pour réussir un passage à l'échelle crucial : Loft Orbital doit lancer plus de vingt satellites dont deux constellations dans les dix-huit prochains mois.
Emmanuelle Méric, directrice générale France de Loft Orbital.
Emmanuelle Méric, directrice générale France de Loft Orbital. (Crédits : Rémi Benoit)

Un immeuble en brique rose à deux pas du métro en plein centre-ville de Toulouse. C'est ici que la société franco-américaine Loft Orbital a établi depuis le début de l'année le siège européen de ses activités et qu'elle compte attirer des talents internationaux pour réussir un passage à l'échelle crucial.

 300 millions d'euros de commandes

 « Nous avons 300 millions d'euros de commandes avec plus de vingt satellites à lancer dans les 18 prochains mois », explique Emmanuelle Méric, nommée il y a un an et demi directrice générale France de Loft Orbital.

Fondée en 2017 à San Francisco par Antoine de Chassy, Pierre-Damien Vaujour et Alex Greenberg, Loft Orbital a implanté deux ans plus tard une équipe française à Toulouse. À la différence des acteurs traditionnels de la filière spatiale, Loft Orbital n'est pas un fabricant de satellites qui programme le lancement d'une charge utile pour un client. La jeune pousse achète des plateformes satellitaires et se charge ensuite des technologies logicielles qui permettent l'interface entre les charges utiles des clients (caméras, capteurs) et la plateforme. Une fois le satellite lancé, les clients de Loft Orbital peuvent prendre le contrôle de leur charge utile et accéder à leurs données.

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Loft Orbital a investi depuis le début de l'année de nouveaux locaux à Toulouse (Crédits : Rémi Benoit).

Depuis sa création, la startup a déjà lancé trois premiers satellites (deux en octobre 2021 et le troisième en janvier dernier) de services partagés entre une demi-douzaine de clients par satellite qui se répartissent les coûts de la mission. Sur ces premiers modèles, Loft Orbital avait acheté les plateformes satellites auprès de Leostella, la coentreprise de Thales Alenia Space et Spaceflight Industries. Pour industrialiser son modèle économique, la jeune société, qui a levé 140 millions de dollars fin 2021, a passé auprès d'Airbus successivement deux commandes de 15 plateformes d'orbite basse (dérivées de la plateforme Arrow, qui équipe la constellation OneWeb.

« La proposition de valeur de Loft Orbital est de livrer une infrastructure aux clients de manière rapide, à un tarif compétitif et de manière fiable. L'idée de passer par Airbus, c'est clairement de bénéficier de l'héritage de vol de l'ensemble de ces plateformes OneWeb et d'avoir un stock en avance de produits pour être en mesure d'accélérer et de proposer un planning de lancement très compétitif pour lancer une mission en moins de douze mois », développe Emmanuelle Méric.

Loft Orbital lancera en octobre prochain un nouveau satellite de services partagées mais surtout elle va déployer ensuite deux constellations de dix satellites pour à chaque fois un client unique : la première constellation a été vendue à Earth Daily Analytics, un acteur canadien pour de l'observation de la Terre et le client de la seconde constellation devrait être connu dans les prochains jours. « C'est vraiment un changement d'échelle structurant qui est permis grâce à ce déménagement », commente la DG France.

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Centre d'opération et laboratoire

La pépite du NewSpace a triplé de surface en quittant le regroupement de startups At Home pour investir ses propres bureaux avec une capacité de 1.000 m2 répartis sur quatre niveaux. La startup dispose comme dans ses deux autres bureaux de San Francisco et du Colorado d'un centre d'opérations pour suivre en temps réel ses satellites. « Sur l'écran de gauche, vous avez une vue sur Cockpit, notre logiciel de mission. Il permet de projeter les orbites au sol. Les points de couleur représentent les antennes qui nous permettent d'avoir des opportunités de contact avec le satellite. Sur l'écran de droite, un tableau de bord livre les données du satellite sur les trois dernières heures. On voit ici par exemple que le satellite est en mode opérationnel, on peut aussi jeter un oeil sur la charge de sa batterie et avoir un aperçu des orbites sur lesquelles le satellite a généré ses données », décrit Laurent Rivière, architecte logiciel chez Loft Orbital.

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Centre des opérations de Loft Orbital (Crédits : Rémi Benoit).

Mais en réalité, la plupart du temps, le centre des opérations est... vide. Car la startup a automatisé au maximum les opérations de ses satellites. Mis à part juste après le lancement du satellite, pendant la phase de commissioning, autrement dit de mise en service de tous les équipements des charges utiles du satellite, où des équipes sont sur le pont 24h/24 pendant plusieurs semaines, le reste du temps les interventions des ingénieurs sont plus ponctuelles. « Nous avons un système d'astreinte. Nous avons chacun sur notre portable une application qui va nous appeler en cas de problème s'il y a besoin d'intervenir manuellement, ce qui arrive somme toute assez peu », fait remarquer Laurent Rivière. Avant d'ajouter : « L'autre spécificité de Loft Orbital, c'est de ne pas avoir d'équipe dédiée aux opérations, contrairement à des grandes sociétés du spatial. Moi, je suis à la fois développeur du logiciel et je peux l'opérer une à deux fois par semaine. » Une organisation qui permet aussi de réduire les coûts d'opération.

Avec ses nouveaux locaux, la startup dispose désormais d'un vaste laboratoire. Ce dernier est équipé notamment de flat sats (satellites plats en français). Ils sont en réalité positionnés de manière verticale.

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Laboratoire de Loft Orbital (Crédits : Rémi Benoit).

Chaque étagère, contient toutes les composantes de charge utile du satellite pour mener des tests. « Cela permet à nos ingénieurs de développer leurs logiciels et ensuite d'aller les charger dans ces satellites plats pour vérifier la compatibilité, les évolutions, la programmation avant de charger le logiciel dans les satellites », décrit Stéphane Desprez, responsable du laboratoire. Le labo détient aussi des capacités de tests radiofréquences. C'est ici que Loft Orbital pilote le laboratoire de radiofréquences en orbite conçu pour accélérer le développement de la constellation Kinéis et tester notamment la nouvelle technologie de connectivité IoT développée par la société Ternwaves.

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Etre attractif face à la bataille des talents dans le spatial

Le reste des locaux est composé d'espaces de travail, aménagés avec des entreprises locales comme le Toulousain Louis, quand le rez-de-chaussée est équipé d'un bar donnant sur une cour intérieure qui accueillera bientôt une terrasse et un terrain de pétanque. En face, dans ces bureaux loués auparavant à Icade, Loft Orbital bénéficie d'une dépendance dans laquelle la société veut installer quatre chambres d'hôtes pour accueillir les collègues des bureaux américains lors de leurs passages dans la Ville rose.

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Loft Orbital veut attirer des talents au-delà de Toulouse (Crédits : Rémi Benoit).

Tous ces aménagements n'ont rien d'anecdotique. « L'investissement que nous avons fait dans ces bureaux, c'est vraiment stratégique pour renforcer l'attractivité de Loft Orbital en France et nous différencier des acteurs existants du spatial. Ce bureau a vocation à être notre centre d'expertise d'excellence en Europe et d'attirer des talents européens pour venir travailler chez nous », fait remarquer Emmanuelle Méric.

Loft Orbital emploie une cinquantaine de collaborateurs à Toulouse et prévoit de recruter une trentaine de personnes cette année avec des ingénieurs spécialisés dans le spatial mais aussi des profils sur le software et des fonctions support (RH, ventes). « Toulouse est la capitale européenne du spatial donc on trouve déjà beaucoup de talents. Il y a une attractivité naturelle pour ce genre de profil mais c'est important pour nous d'étendre notre recrutement aux meilleurs profils européens », complète la dirigeante du centre européen qui compte déjà dans ses rangs trois Espagnols, un Néerlandais, une Écossaise, trois Américains, un Suédois, des Italiens...

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Bientôt un centre d'intégration ?

À terme, Loft Orbital aimerait décrocher un client d'ancrage français ou européen pour accélérer son développement en France avec l'ouverture d'un centre pour intégrer les charges utiles aux satellites et les tester sur place. La société a déjà commencé à construire sa chaîne d'approvisionnement en misant sur le made in France avec les partenariats avec Airbus pour les plateformes, mais aussi avec Syrlinks pour les radiocommunications et Anywaves pour les antennes. « Il existe de forts enjeux de souveraineté dans le spatial. Nos clients européens ne veulent pas travailler avec des intégrateurs basés aux États-Unis pour des contraintes de régulation. Le fait que Loft Orbital se développe à cheval entre plusieurs pays permet d'adresser ces enjeux de souveraineté », conclut Emmanuelle Méric.

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