Aéronautique : pas de vague de relocalisation dans le Sud-Ouest depuis la crise

Une étude de l'Insee révèle que seules 2% des entreprises aéronautiques et spatiales du Grand Sud-Ouest ont décidé de relocaliser une partie de leur production lors de la première année de pandémie. Face au trou d'air rencontré par la filière, les chefs d'entreprise ont davantage opté pour un virage numérique, une modernisation de leur usine ou une diversification de leurs activités. Le secteur aéronautique et spatial a perdu 6% de ses emplois en Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine, un chiffre bien en deçà des scénarios catastrophes du début de la crise sanitaire.
(Crédits : Rémi Benoit)

C'était l'un des thèmes forts au coeur de la crise sanitaire. La pandémie de Covid-19 a révélé l'ultra dépendance de notre économie vis-à-vis de l'étranger, la pénurie de masques chirurgicaux ayant fourni l'exemple le plus criant. Contrer cette dépendance pour regagner de la souveraineté figurait parmi les priorités du plan gouvernemental France Relance. Dans l'Hexagone, tous secteurs confondus, 624 projets de relocalisation ont été financés en l'espace d'un an via ce plan de relance.

Pour autant, une étude de l'Insee, dévoilée ce vendredi 10 décembre, révèle que ce retour du Made in France reste anecdotique à l'échelle de la filière aéronautique et spatial du Grand Sud-Ouest.

"Malgré l'intensité de la crise, la mise en oeuvre de stratégies de relocalisation reste marginale. Seules 2% des entreprises ont décidé de modifier la localisation d'une partie de leur activité aéronautique et spatiale en 2020. Pour les rares entreprises concernées, plus du tiers de l'activité est alors touché en moyenne", soulève l'institut national de la statistique.

En revanche, dans un contexte de baisse des commandes et d'absence de visibilité sur le plan de charge, les entreprises ont un peu plus souvent décidé de réinternaliser une partie de leur activité. Dans le Grand Sud-Ouest, 7 % des entreprises de la filière aéronautique et spatiale (contre 4 % au niveau national), ont fait ce choix. Ce phénomène est plus fréquent dans l'industrie que dans les services (8 % contre 4 %) et dans les grandes entreprises (16 %). À Toulouse, le sous-traitant aéronautique de rang 1, Liebherr Aerospace a par exemple grâce au soutien de France Relance choisi d'internaliser la production d'une pompe permettant le refroidissement des circuits électriques, autrefois achetée aux États-Unis. Autre exemple, cette fois dans le Lot, Ratier-Figeac va grâce au soutien financier de l'État fabriquer en France des pièces jusqu'ici achetées en dehors de l'Europe avec à la clé la création de dizaines d'emploi.

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Au-delà de ces exemples assez limités, la filière a plutôt choisi de miser pour préparer à la reprise d'activité sur des projets de transformation numérique (30 % des entreprises), de diversification ou d'investissement dans de nouvelles activités (28 %) ou encore de modernisation industrielle des sites de production (25%). À noter concernant la diversification que "cette volonté d'élargir ses marchés est plus présente particulièrement au sein de l'ingénierie et des autres activités spécialisées scientifiques et techniques (42 %)", note l'Insee. Dans la région, les exemples ne manquent pas en la matière à l'instar de la stratégie tous azimuts, des masques à la mode, engagée par le sous-traitant toulousain Aertec ou l'assaut de la filière vers les marchés ferroviaires.

"En revanche, les projets d'amélioration de la performance environnementale des sites de production sont moins répandus (seulement 19 % des entreprises concernées) et 8 % visent cette amélioration environnementale pour leurs produits (aéronefs ou astronefs). Cependant, l'objectif ambitieux d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 pourrait inciter les entreprises de la filière à continuer, voire intensifier, l'investissement pour la réduction des émissions de CO2", estime Karim Mouhali, coauteur de l'étude.

Pas d'hémorragie de l'emploi dans la filière

L'autre grand enseignement de l'étude c'est que le secteur aéronautique et spatial a perdu 6% de ses emplois en Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine. Dans les PME, la perte d'emploi culmine à 14% quand dans les grandes entreprises et les ETI elle est plus modérée (respectivement 5 et 6%).

Ces chiffres sont bien en deçà des scénarios catastrophes évoqués au début de la crise sanitaire. Face à l'ampleur de la baisse d'activité, Alain Di Crescenzo, président de la CCI Occitanie craignait en juin 2020 jusqu'à 40.000 suppressions d'emploi dans la région. Au final, l'Insee a calculé au printemps dernier que le secteur a perdu 8.800 salariés dans le Grand Sud-Ouest sur l'année 2020 dont 6.200 en Occitanie (et 5.000 rien qu'en Haute-Garonne).

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À fin 2020, les entreprises aéronautiques et spatiales employaient encore 146.700 salariés dont 104.300 emplois dédiés (autrement dit si une société fait 10% de son chiffre d'affaires dans un autre secteur comme l'automobile, seul 90% de son effectif est pris en compte). L'Occitanie reste la première région française en matière d'emploi aéronautique et spatial avec 29 % des effectifs dédiés du pays, soit 75 600 salariés, devant l'Île-de-France (26 %, soit 68 400 salariés). La Nouvelle-Aquitaine arrive en troisième position (11 % des effectifs et 28 700 salariés).

Une relative résilience de la filière qui peut s'expliquer par l'ampleur du recours aux dispositifs d'aide.

"Au total, neuf entreprises sur dix ont fait appel à au moins un dispositif de soutien. 84% des entreprises ont eu recours à l'activité partielle en 2020. En 2021, le recours à l'activité partielle se poursuit dans le cadre du dispositif Activité partielle de longue durée (APLD) pour un tiers des sociétés. Les délais de paiement des charges sociales ou fiscales et les prêts garantis par l'Etat ont été sollicités par près de la moitié des chefs d'entreprise. Et enfin, 15% des entreprises ont bénéficié d'aides régionales ou locales", rappelle Karim Mouhali.

Pour autant, au moment où a été réalisée l'étude (entre mars et juillet 2021), les dirigeants restaient encore prudents sur leurs perspectives d'embauche. 22% des entreprises prévoyaient alors une hausse de l'emploi, 21% une baisse et le reste une stabilité de leur effectif. La moitié des entreprises cherchaient à recruter ou envisageaient de le faire dans le courant de l'année 2021.

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