Le plan de relance aéronautique offre du répit à Toulouse

Alors que la filière aéronautique emploie 115 000 personnes sur la région toulousaine, le plan de relance annoncé par le gouvernement ce mardi 9 juin pourrait limiter à court-terme la casse sociale dans la supply chain et donner aux bureaux d'études l'opportunité de réfléchir à l'avion plus vert. Mais les acteurs économiques demandent à l'Etat des clarifications sur les modalités d'application de certaines mesures.
40 000 emplois de la filière aéronautique sont menacés à Toulouse par la crise.
40 000 emplois de la filière aéronautique sont menacés à Toulouse par la crise. (Crédits : Rémi Benoit)

Toulouse va-t-elle devenir un nouveau Détroit, à l'instar de l'ancienne capitale américaine de l'automobile frappée par le déclin de la filière dans les années 70 ? C'est le scénario noir que tout le monde veut éviter dans la Ville rose.

"La filière aéronautique à Toulouse, c'est 29 000 emplois au sein d'Airbus et 86 000 chez les sous-traitants. L'impact de la crise représente une chute d'activité de 50% en 2020 par rapport à l'an dernier puis des baisses de 33% en 2021 et de 25% en 2022. Cela veut dire que 40 000 emplois sont menacés dans la région toulousaine sans soutien de l'Etat", alerte Alain Di Crescenzo, président de la CCI Occitanie.

Un fonds pour accélérer la consolidation de la supply chain

C'est dire si le plan de relance présenté mardi 9 juin par le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, était attendu. Parmi les 15 milliards annoncés, 7 milliards sont en réalité des prêts déjà engagés pour sauver la compagnie Air France et 3,5 milliards d'euros de garantie export visent à soulager les compagnies aériennes. La supply chain toulousaine pourra en revanche bénéficier des autres volets du plan de relance. À commencer par le fonds d'investissement, doté d'un milliard d'euros d'ici la fin de l'année, pour répondre aux besoins en fonds propres des entreprises fragilisées par la crise.

"Cette mesure va accélérer le mouvement de consolidation de la supply chain qui était déjà à l'oeuvre. L'idée est que les TPE et les PME deviennent des ETI et que les ETI des groupes avec un milliard d'euros de chiffre d'affaires", pointe Yann Barbaux, président du pôle de compétitivité Aerospace Valley, alors que 80% des entreprises de la filière ont moins de 50 salariés.

Des clarifications attendues sur le chômage partiel

Pour permettre aux PME de survivre au trou d'air, le gouvernement a également évoqué la mise en place d'un chômage partiel de longue durée qui pourrait s'étirer sur plusieurs années. Mais les modalités précises du dispositif restent en négociation avec la ministre du Travail, Muriel Pénicaud.

"Ce n'est pas clair notamment sur le taux pris en charge par l'État. Or, les chefs d'entreprise ont besoin d'avoir des précisions rapidement pour s'organiser sinon ils risquent de prendre de mauvaises décisions", pointe Alain Di Crescenzo, qui redoute de premiers plans sociaux entre le mois d'août et de décembre cette année. La déléguée CFE-CGC d'Airbus Françoise Vallin confirme : "Certaines entreprises risquent de faire faillite d'ici l'été. Devant l'urgence de la situation, il faudra que la mise en application du plan soit fait au plus vite".

De son côté, Xavier Petrachi, représentant de la CGT au sein d'Airbus, regrette l'absence de contreparties pour les entreprises qui bénéficieront du plan de relance.

"Quand l'État annonce un plan de 15 milliards, il est en droit de demander des garanties aux entreprises, à commencer par le maintien des emplois. Est-ce que cela veut dire que les accords de performance collective (APC) vont se multiplier dans les prochains mois à l'image de ce qui se passe déjà chez Derichebourg Aeronautics ?"

Le sous-traitant aéronautique toulousain a présenté il y a quelques semaines aux salariés un accord qui prévoit notamment la suppression du 13ème mois pour les salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC. En cas de refus, la direction envisage un plan de restructuration menaçant 700 emplois.

Lire aussi : Derichebourg Aeronautics : la direction persiste malgré l'intervention de Le Maire

L'avion vert va donner de l'air aux bureaux d'études

En revanche, l'écosystème toulousain salue les efforts du gouvernement pour soutenir l'innovation. Le ministre de l'Économie a annoncé 300 millions d'euros sur trois ans pour aider les PME à rattraper leur retard en matière de numérisation et de robotisation. Surtout, 1,5 milliard d'euros seront alloués à la conception d'un avion neutre en carbone dès 2035 (au lieu de 2050 dans l'objectif initial).

Lire aussi : Un plan aéronautique pour sauver 100.000 emplois et créer un avion à hydrogène

Ce coup d'accélérateur sur l'avion vert est jugé nécessaire à plusieurs titres pour l'écosystème toulousain.

"C'est une réponse au lobby anti-transport aérien qui se fait entendre depuis quelques années. L'avion vert ne se fera pas en cinq ans mais 2035 est un objectif réaliste. Cela permet aussi de soutenir tous les chercheurs qui travaillent déjà sur le sujet par exemple au sein de l'IRT Saint-Exupéry à Toulouse. Il s'agit aussi de soutenir le tissu économique et notamment les bureaux d'études", fait remarquer Françoise Vallin.

Les sociétés d'ingénierie représentent à elles seules 18% des emplois cadres en Occitanie d'après l'Apec et leur activité est aussi en péril depuis le début de la crise.

Selon Yann Barbaux, miser sur l'avion vert permet aussi "d'améliorer la compétitivité de la filière à l'international à moyen-terme en accélérant la transition vers des carburants alternatifs mais aussi des modes de transport à hydrogène". La Région Occitanie s'est d'ailleurs positionnée comme pionnière en la matière en annonçant en 2019 un plan de 150 millions d'euros pour développer l'hydrogène vert.

Pour autant, Xavier Petrachi, le délégué syndical CGT de l'avionneur européen s'interroge sur les projets concernés. "Airbus a déjà annoncé l'arrêt de l'E-FanX (démonstrateur d'avion électrique) et du taxi volant Vahana. Est-ce que cela veut dire que ces projets vont reprendre ?"

Quel agenda pour la future ligne d'assemblage de l''A321 XLR ?

La dernière interrogation concerne la future ligne d'assemblage de l'A321 XLR. Dans un courrier commun adressé à Guillaume Faury le 1er juin, une quarantaine de collectivités locales, dont la Région Occitanie et Toulouse Métropole, demande au patron d'Airbus de maintenir cet investissement, pour l'instant suspendu par l'avionneur.

Ce mardi, Bruno Le Maire a indiqué qu'" il n'y a pas de raison de remettre en cause le principe de la ligne de production de l'A321 XLR à Toulouse". Une prise de position salutaire pour Françoise Vallin "afin de sécuriser l'avenir de la filière à Toulouse". Mais de son côté, Xavier Petrachi a retenu la deuxième partie de la prise de parole du ministre. Ce dernier a précisé : "pour construire une ligne, il faut qu'il y ait un carnet de commandes. Ce sera à Airbus de définir le calendrier". Le syndicaliste estime que l'Etat pourrait dicter au géant aéronautique le tempo au vu de l'effort engagé pour soutenir la filière.

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Commentaires 2
à écrit le 10/06/2020 à 16:25
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Le niveau de commandes va permettre à Airbus de voir son carnet de commandes – établit à 7570 a fin novembre 2019. Il produit un peu moins de 900 avions par an. Cela fait environ 9 années de production. Où se situe le malaise chez Airbus?

le 10/06/2020 à 17:05
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Du coté des commandes des compagnies aériennes et loueurs exsangues constituant l'essentiel du carnet dont vous parlez. Anticipez donc des demandes de décalage des livraisons d'avion, donc une forte baisse des cadences de production par rapport aux...

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