Le sous-traitant aéronautique Aertec lance des pistes de diversification tous azimuts

Rachat d'une société d'usinage, production de masques lavables, lancement d'une marque de plaids, renforcement des activités ferroviaires... Le sous-traitant Aertec, expert dans la confection de rideaux et de moquettes d'avions, fait feu de tout bois face à l'ampleur de la crise aéronautique.
Aertec a vendu 2,5 millions de masques lavables depuis le début de la crise sanitaire.
Aertec a vendu 2,5 millions de masques lavables depuis le début de la crise sanitaire. (Crédits : Rémi Benoit)

"Nous semons des graines lorsque nous percevons une opportunité. Cela ne fonctionne pas à tous les coups, c'est clair. Mais parfois, ça marche comme le montre l'exemple des masques", lance Philippe Billebault, président d'Aertec.

Depuis son site de Toulouse, le sous-traitant aéronautique réalisait avant la crise principalement des rideaux plissés pour les cabines d'avions et des kits de moquette (pour ATR, les Boeing 777 et 787, ainsi que les Airbus A330). Désormais dans le grand atelier, les rideaux plissés côtoient plusieurs rangées de machines à coudre autour desquels une dizaine de salariés s'affairent pour confectionner des masques lavables.

En un an et demi, près de 2,5 millions d'exemplaires ont été vendus à des collectivités (Toulouse Métropole, les départements des Alpes-Maritimes, de la Haute-Garonne, des Pyrénées-Orientales, la région Auvergne Rhône-Alpes, etc), de grandes entreprises (Eiffage, Total, Vinci) et dans une moindre mesure à des particuliers via un site internet spécialement créé. L'entreprise n'a pas hésité à décliner les versions. Son masque "chanteur" (qui permet de rester audible avec un masque même en chantant) a conquis des opéras de l'Europe entière, la version avec une fenêtre transparente pour lire sur les lèvres a séduit les départements "inclusion" de grandes entreprises, etc.

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Le masque inclusif séduit toujours. En revanche, Aertec a arrêté la production de modèles chirurgicaux. (Crédits: Rémi Benoit)

Quatre millions d'euros de recettes grâce aux masques

Seul point noir au tableau, Aertec avait investi dans une machine pour produire de grandes quantités de masques chirurgicaux. Mais l'appareil est arrivé avec des mois de retard et a connu de très sérieux problèmes de fonctionnement si bien que la société a dû le retourner au fabricant.

"Nous avions même commencé à prendre quelques commandes que nous n'avons pas pu honorer. Et puis en l'espace d'un an, beaucoup de sociétés s'étaient structurées autour des masques chirurgicaux en France mais aussi Portugal où certaines usines sont équipées de dizaines voire de centaines de machines. Au final, cela nous permet de nous concentrer sur les masques alternatifs qui continuent de se vendre. En ce moment, c'est reparti à fond", observe Philippe Billebault.

En un an et demi, les masques auront rapporté quatre millions d'euros de chiffre d'affaires. Pas négligeable pour cette PME qui a atteindra en 2021 un CA de 15,5 millions d'euros (contre 23 millions en 2019).

Rachat d'une société d'usinage de pièces mécaniques

Les masques sont loin d'être la seule piste lancée par Aertec pour compenser les pertes de revenus dues à la crise du secteur aéronautique, qui représentait 90% de son activité avant le Covid. En avril dernier, la société a racheté le groupe Halogma (regroupant les sociétés Bettega & Fils, Sopymep et CCMPI) et installé son parc machine dans son usine de Toulouse.

"15 personnes travaillent au sein d'une nouvelle entité baptisée Aertec Mechanics et spécialisée dans l'usinage de pièces mécaniques en aluminium, en acier et en titane. Cette production fournit des rangs 1 de la supply chain aéronautique comme Nexteam mais également, et c'est ce qui nous intéresse, des clients en dehors du secteur aéronautique notamment dans le médical et même une société qui fabrique des voitures télécommandées haut de gamme", explique le président d'Aertec.

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Début 2021, le sous-traitant aéronautique a également lancé depuis Toulouse sa marque de textiles de luxe Joe&Joy. S'appuyant sur son savoir-faire dans la couture, Aertec a fabriqué un coussin qui se transforme en plaid et une housse de couette dotée de glissières sur trois côtés pour être plus facile à enfiler. Reste à préciser la cible commerciale. Pour le moment, l'entreprise vise les boutiques de luxe et les hôtels.

À Clermont-Ferrand, après avoir perdu un contrat pour peindre des hélicoptères de l'armée, l'entreprise a décidé de faire migrer une partie des salariés vers une nouvelle entité axée sur la rénovation et la peinture de voitures anciennes de collection. À Villeron dans la région parisienne où est implanté le siège social d'Aertec, le groupe a créé une société de location de vans. "Rien à voir avec l'aéronautique", confirme Philippe Billebault.

Enfin, Aertec compte profiter de la crise pour renforcer ses parts de marché dans le ferroviaire.

"La SNCF est un client historique depuis 20 ans. Nous leur fournissons des housses de sièges et aussi quelques rideaux et nous sommes actuellement en phase finale sur un nouveau marché pour l'entreprise publique. Par ailleurs, Aertec est aussi en lice pour un marché pour le compte de la CAF dans les Landes pour qui nous produisons déjà des prestations de moquettes, des housses et des petites pièces", commente Cécile Lafon, directrice commerciale de la société.

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Dans cette optique, Aertec a rejoint le cluster Totem de la région Occitanie et s'est rendu au mois d'octobre au Sifer, le Salon international de l'industrie ferroviaire de Lille, aux côtés de nombreux sous-traitants aéronautiques. Cette semaine, l'équipe est mobilisée au M2S, le salon toulousain dédié aux nouvelles solutions de mobilité urbaine dans l'espoir d'adapter ses produits par exemple pour des bus.

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La reprise dans l'aéronautique, ce n'est pas pour tout de suite

Si la société fait feu de tout bois, c'est que sur son segment d'activité, les effets de la reprise ne feront pas ressentir avant de longues années. "Sur l'année 2021, l'aéronautique représente encore 70% à peu près de notre activité. L'idée, c'est que ce secteur ne soit plus le seul moteur de l'entreprise", commente le président d'Aertec.

Contrairement aux sous-traitants de premier rang, la société ne ressentira pas dès l'année prochaine les effets de la remontée des cadences annoncée par Airbus. Depuis le début de la crise, son effectif est passé de 250 à 160 salariés et les difficultés resteront présentes l'année prochaine.

"L'activité de rideaux plissés a été bonne en 2021 grâce à Air France qui a eu la volonté de soulager ses sous-traitants en modifiant sa politique d'achat. Mais cette production est mise en stock donc c'est autant qu'on ne produira pas dans les années à venir", fait remarquer Cécile Lafon.

Si l'entreprise a pu assainir ses charges fiscales et sociales, elle devra commencer à rembourser dès le printemps 2022 le PGE (prêt garanti par l'Etat) de quatre millions d'euros souscrit au début de la crise. Pour y parvenir, elle pourra s'appuyer en cas de besoin sur son siège social de la région parisienne dont elle est désormais propriétaire, sur lequel les murs sont évalués à près de dix millions d'euros.

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Commentaire 1
à écrit le 07/12/2021 à 14:03
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Faire des maques dans lesquels on ne bouffe pas ces petits trucs dégueulasses qui s'effritent qu'il y a dans les masques chirurgicaux est plus que primordial en effet. Il y a de très beaux masques je ne vois pas pourquoi en France il faudrait que nou...

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