Relance économique : comment Toulouse peut s'éviter un destin à la Détroit

À l'occasion du lancement de la sixième édition de son hors-série Le Book Eco, La Tribune a organisé une conférence-débat sur l'avenir économique de Toulouse : "Pourquoi Toulouse ne sera pas Détroit". Si la crise aéronautique traverse une grave crise, non sans casse sociale, elle a d'autres arguments à mettre en avant pour assurer son attractivité économique. Analyse.
Toulouse peut être la star européenne de la relance, selon Pierre-Olvier Nau, le nouveau président du Medef 31.
"Toulouse peut être la star européenne de la relance", selon Pierre-Olvier Nau, le nouveau président du Medef 31. (Crédits : Rémi Benoit)

Une forte dépendance à l'industrie automobile et une crise des subprimes en 2008, qui a provoqué la mise en faillite de la ville en raison d'une dette colossale de plusieurs milliards de dollars. Voilà la dégringolade économique qu'a connu la ville de Détroit, aux États-Unis, ces dernières années. Par la forte présence de l'activité aéronautique à Toulouse et les difficultés qu'elle connait en raison de la crise sanitaire, est-il possible de relier le destin de ces deux grandes villes ? C'est ainsi le thème qu'a choisi la rédaction de La Tribune, à l'occasion du lancement de la sixième édition de son hors-série le Book Éco, dédiée cette année à la relance économique.

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"Non, le principal vecteur d'emploi à Toulouse n'est pas l'aéronautique, mais bel et bien tout le tissu de PME qui compose cet écosystème métropolitain, avec notamment des entreprises de l'agro-industrie dont nous faisons partie. Il faut tordre cette idée qu'à Toulouse tout tourne uniquement autour de l'aéronautique", lâche Pierre-Alain Hoffman, directeur scientifique chez Kyanos Biotechnologies. "À Toulouse, l'aéronautique ne représente pas une mono-industrie, mais plutôt une industrie dominante", tient à compléter Jean-Claude Dardelet, président-directeur général de l'agence d'attractivité de Toulouse Métropole, adjoint au maire de Toulouse et vice-président de Toulouse Métropole.

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Pierre-Alain Hoffman ne veut pas résumer Toulouse à l'aéronautique (Crédits : Rémi Benoit).

Néanmoins, selon les calculs de La Tribune, répertoriés dans une carte interactive, ce sont plus de 4.000 emplois qui sont menacés dans la filière aéronautique, rien que dans la région toulousaine, sans parler des conséquences sociales dans les filières annexes comme l'ingénierie, le numérique ou encore l'informatique, pour ne citer que ces exemples. "Aujourd'hui, il y a 36 plans sociaux à Toulouse, dans l'aéronautique", confirme d'ailleurs Annick Sénat, directrice territoriale Haute-Garonne de Pôle Emploi.

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L'enjeu de la conservation des compétences sur le territoire

Si la situation industrielle à Toulouse est différente de Détroit malgré ces chiffes inquiétants, pour d'autres, le tissu socio-économique est aussi différent. "Je déteste cette comparaison ! Détroit est une ville uniquement de cols bleus, au contraire de Toulouse qui a des cols bleus et des cols blancs. Je préfère la comparaison avec Seattle qui reflète davantage la situation de notre ville", estime quant à lui Pierre-Olivier Nau, le nouveau président du Medef en Haute-Garonne. "Toulouse est un formidable pôle de compétences", ajoute Pierre-Alain Hoffman, qui voit des similitudes avec Boston. "Nous avons l'excellence académique, dans la recherche, mais aussi industrielle", se permet de préciser Jean-Claude Dardelet.

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Dans cette crise économique et sanitaire, tout l'enjeu pour la quatrième ville de France, mais aussi première ville étudiante, va être donc conserver les compétences impactées par cette épisode sur son territoire, "ou faire la passerelle entre les filières", comme aime l'imager le nouveau patron du Medef 31.

"Au sein de Pôle Emploi, nous avons développé une approche par les compétences pour les entreprises en recherche de main d'oeuvre, afin notamment de favoriser des reconversions. C'est dans cette optique que nous avons lancé de vastes opérations de recrutements avec notamment l'UIMM, la French Tech, le Syntec ou encore le monde l'économie sociale et solidaire. Par ailleurs, les jeunes ont été la tranche de la population la plus touchée par cette crise sur le plan de l'emploi. Pour intégrer notre marché du travail en France, les jeunes passent majoritairement par de l'intérim ou des CDD, or ce sont ces contrats qui ont été les premières victimes de la crise. Par conséquent, en Haute-Garonne, nous avons doublé notre nombre de conseillers dédié à un accompagnement intensif des jeunes, en passant de 17 à 34 personnes", analyse Annick Sénat.

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Jean-Claude Dardelet et Annick Sénat militent chacun, dans leur rôle respectif, pour la sauvegarde des compétences à Toulouse (Crédits : Rémi Benoit).

Toulouse, "star de la relance européenne" ?

Malgré tout, 51% des entreprises dans la région Occitanie devraient recruter autant qu'en 2020, 9% plus que l'année passée et 40 moins ou pas du tout, selon des statistiques récentes de l'organisme. Preuve que le marché local de l'emploi n'est pas atone, mais vers quelles filières peuvent alors se tourner les Toulousains ?

"Il y a tout d'abord le spatial, pour lequel Toulouse est une capitale européenne et dispose des arguments pour devenir une capitale mondiale. Nous pouvons également mettre en avant les métiers de la construction, de l'hygiène, de la santé et de l'intelligence artificielle, des domaines pour lesquels Toulouse à une carte à jouer ! Cependant, il ne faut pas avoir honte de l'avion, c'est une chance inouïe d'avoir un tel savoir-faire ici. D'ailleurs, nous sommes toujours dans l'attente d'un arbitrage d'Airbus, qui doit choisir entre Hambourg et Toulouse, pour installer une nouvelle ligne d'assemblage d'A321 XLR (...) Toulouse peut être la star européenne de la relance", lance Pierre-Olivier Nau, aussi à la tête du groupe spécialisé dans le tourisme industriel, Manatour.

D'ailleurs, une récente étude du cabinet Arthur Loyd classe la métropole de Toulouse comme la deuxième plus attractive en France, derrière Paris, prouvant ainsi sa résilience. "Cela démontre que le malheur des uns fait parfois le bonheur des autres. En tant que jeune entreprise en développement, nous sommes désormais davantage écoutés par les grands groupes industriels pour travailler sur des projets collaboratifs car ils sont en recherche de diversification", révèle le directeur scientifique de la startup toulousaine Kyanos. Est-ce donc un nouveau départ pour la Ville rose ?

 Pour revoir l'intégralité du débat.

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