Pari gagnant pour les Occitans partis produire du caviar à Madagascar

L’une est originaire du Tarn, son mari du Gers. Avec un troisième associé, ils ont réussi le projet un peu fou d’élever des esturgeons dans un lac de Madagascar et de produire du caviar dans l’Océan indien. À quelques jours des réveillons des fêtes de fin d’année, leur petites boîtes métalliques s’arrachent dans le monde entier. Présentation.
Deux Occitans ont eu l'idée de produire du caviar à Madagascar et c'est une réussite.
Deux Occitans ont eu l'idée de produire du caviar à Madagascar et c'est une réussite. (Crédits : Ferme Acipenser)

Vanille, cacao, crevettes, mais aussi... caviar ! Ce mets de fête, l'un des plus recherchés aussi, fait désormais partie des spécialités de Madagascar. Cela fait même une bonne dizaine d'années, depuis que Delphyne Dabezies, son mari Christophe, tous les deux originaires d'Occitanie, et un troisième associé, ont créé et développé un élevage d'esturgeons dans le lac de Mantasoa, sur les hauts plateaux de l'île, à 1 500 mètres d'altitude.

« C'est un lac vierge, immense, sans aucune industrie ou habitation autour. Le climat est idéal pour la croissance des esturgeons, décrit la Française. On a beau être au large de l'Afrique, la température de l'eau varie entre 13 degrés l'hiver et pas plus de 23 degrés l'été. »

Grâce à la latérite, cette roche rouge riche en fer et en alumine, qui enveloppe le lac, la ferme Acipenser produit un caviar malossol, « très peu salé et très minéral », assure Delphyne Dabezies. Depuis 2008, la vente du caviar sauvage venant de Russie et des pays limitrophes de la mer Caspienne étant interdite, on recense environ 700 élevages d'esturgeons dans le monde. Seuls deux se trouvent dans l'hémisphère sud, dont celui de Madagascar.

Une espèce disparue ressuscitée

Soja, maïs, riz, farine de thon... Particularité, les trois Français produisent eux-même les cinquante-cinq tonnes d'aliments indispensables chaque mois pour nourrir les esturgeons. « Ils sont fabriqués avec 80 % de matières sourcées dans un rayon de quinze kilomètres autour de la ferme, et donc avec une empreinte carbone extrêmement faible », annonce, pas peu fière, Delphyne Dabezies.

Cette année, la ferme aura produit douze tonnes de caviar, exportées dans les palaces et les restaurants étoilés au Japon, en Europe ou aux États-Unis, pour un chiffre d'affaires autour de 8,5 millions d'euros. 2023 restera d'ailleurs un millésime exceptionnel, n'en revient toujours pas Delphyne : « Grâce à notre exportateur d'œufs fécondés à Krasnodar, en Russie, un des plus grands spécialistes au monde de l'esturgeonon a eu la chance de produire cette année un kilo de caviar blanc nacré, d'une espèce jusqu'à aujourd'hui disparue, le Shipova, qui s'est vendu 15 000 euros. » Les trois associés se targuent par ailleurs d'être le deuxième exportateur de caviar vers la France après la Chine.

Caviar

Ils exportent leur caviar dans le monde entier (Crédits : Ferme Acipenser).

Trente ans de RSE bien avant l'heure

Si leur expérience est aujourd'hui un succès, rien ne prédestinait pourtant les trois associés à se lancer dans l'élevage d'esturgeons. Originaire de Lavaur, dans le Tarn, Delphyne a rencontré son mari, Christophe, grandi lui à Miélan, dans le Gers, lors de leur cursus à l'école supérieure de l'industrie textile, une école d'ingénieurs à Paris.

C'est ensuite leur activité de création de prêt à porter pour les grandes maisons de couture qui les a emmenés à Madagascar à partir de 1998, avec un troisième associé. Et c'est par hasard, en tombant sur une émission à la télévision consacrée à l'élevage de caviar en Aquitaine que l'idée a germé. Ils se forment alors tous les trois grâce à des livres et des tutoriels sur internet ! Quant à produire l'un des mets les plus chers au monde dans un des pays les plus pauvres de la planète, Delphyne Dabezies, aujourd'hui âgée de cinquante ans, n'y voit pas de paradoxe : « Cela fait près de trente ans ans qu'on est à Madagascar, et on a toujours fait de la RSE (responsabilité sociétale des entreprises, ndlr), à une époque où l'expression n'était pas à la mode. On accompagne nos collaborateurs sur la santé, l'éducation et sur tous leurs problèmes au quotidien : un cyclone qui arrache le toit d'une maison, un membre de la famille hospitalisé, un enterrement... »

La société emploie plus de 300 collaborateurs sur l'île. Tous les ans, Delphyne distribue pour les 19.000 enfants des orphelinats de l'île, notamment ceux de la fondation du père Pedro, l'abbé Pierre de Madagascar, dix tonnes d'esturgeons frais pour leur fournir les protéines animales dont ils seraient sinon privés. Le grand projet des Français pour 2024 est d'intégrer la reproduction des esturgeons sur place. Jusqu'à présent, les œufs fécondés viennent de l'étranger.

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